Le présumé terroriste de Lévis nie toute l'affaire

Un homme de Lévis est accusé de terrorisme, il aurait planifié le renversement du gouvernement haïtien. Le principal intéressé persiste et signe : toute cette histoire est un malentendu. 


Des accusations de terrorisme ont été déposées jeudi matin contre Gérald Nicolas, 51 ans, a annoncé la police fédérale. 

«Je vais plaider non coupable et me défendre, contre ces accusations de terrorisme, un terme devenu fourre-tout, qui convient à la police pour catégoriser, par un mot dur, ce qu’ils ne comprennent pas», a déclaré l’accusé au Soleil. 

L’enquête de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a été lancée au mois de juillet 2021 à la suite d’informations transmises par la police de Lévis. L’Équipe intégrée sur la sécurité nationale (EISN) s’occupait de l’opération. 

Selon la GRC, Nicolas prévoyait exécuter une «révolution armée en Haïti» pour ultimement prendre le pouvoir. En avril 2021, il aurait voyagé en Haïti pour rassembler des complices et participer à un coup d’État. 

«C’est rare que la GRC dépose des accusations de terrorisme contre quelqu’un au Canada, surtout dans ces circonstances où l’homme veut s’en prendre à un autre pays», note le sergent Charles Poirier, porte-parole pour la GRC à Montréal. 

L’accusation pour laquelle Nicolas aurait fourni des biens, voire des armes, à des fins terroristes est aussi très «inusité» pour la GRC. 

«La GRC envoie un message assez fort avec cette enquête-là. Les Canadiens ne peuvent pas penser qu’ils vont bénéficier d’une impunité s’ils participent à des activités terroristes visant un autre pays», souligne le sergent Poirier.

Même si le Canada n’est pas visé, de telles activités sont illégales au pays. L’homme de Lévis ne sera pas détenu pendant les procédures judiciaires puisqu’il ne représente pas une menace pour le Canada et les citoyens. «Les actions reprochées visaient strictement le gouvernement haïtien», note le porte-parole de la GRC.

Le suspect sera au palais de justice de Québec le 1er décembre pour faire face à trois chefs d’accusation, soit d’avoir quitté le Canada pour faciliter une activité terroriste, d’avoir facilité une activité terroriste et d’avoir fourni des biens à des fins terroristes.

Puisqu'il n'est pas incarcéré, Le Soleil a pu entrer en contact avec lui. 

Un coup monté

Gérald Nicolas se trouvait à l’étranger, jeudi, lorsque les accusations ont été déposées. Il doit rentrer au pays vendredi «pour affronter son destin». 

Dans de longs courriels échangés avec Le Soleil, l’homme de 51 ans se défend d’être «un homme d’honneur» qui ne pouvait plus «rester neutre» devant «la souffrance indigne et inhumaine du peuple noir d’Haïti, qui souffre depuis toujours». 

Il admet donc avoir pratiqué un certain militantisme. Selon lui, la police du Canada n’a pas compris ses réelles intentions. 

«J’ai tenté d’expliquer à la GRC. J’ai, contre l’avis de mon avocat, décidé de collaborer devant le ridicule des preuves qu’ils avaient culminé contre moi. J’ai répondu à toutes les questions, mais le besoin de casser du nègre était juste plus fort», soutient-il. 

Gérald Nicolas, 51 ans

L’accusé nie donc toute action terroriste. Il entend se défendre «avec énergie» devant les tribunaux et il accuse la police d’être raciste. S’il avait été blanc, la GRC n’aurait jamais déposé des accusations, assure l’homme de 51 ans. 

Il maintient que «cette histoire de terrorisme» a été inventée par une ancienne fréquentation rencontrée sur un site de rencontres.

«Cette femme voulait ma mort parce qu’elle a reçu de ma part un refus catégorique. Lorsqu’elle a compris que c’était bien fini, elle a promis que je souffrirais autant qu’elle a souffert. Elle est allée à la police de Lévis avec un scénario de terroriste», explique-t-il. 

Le suspect est originaire d’Haïti, il a immigré au Canada lorsqu’il était enfant.

Jusqu'à l'an dernier, il était propriétaire d'une maison de retraite à Saint-Frédéric, en Chaudières-Appalaches. Joint par téléphone, l'actuel propriétaire de la Villa Royale a dit ne pas être en contact avec lui depuis son départ. Après notre appel, il a retiré du site Web la mention de Gérald Nicolas ainsi que sa photo.

Plusieurs voyages

La police fédérale a pourtant collaboré avec plusieurs pays pour récolter des informations sur Gérald Nicolas. En plus d’avoir voyagé en Haïti, le suspect aurait visité plusieurs pays d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud pour obtenir du financement et des armes pour son attaque armée envers le gouvernement haïtien, explique le sergent Poirier.

Entre avril 2020 et juin 2021, le suspect aurait notamment voyagé en République dominicaine pour «sciemment faciliter une activité terroriste», peut-on lire dans l’acte de dénonciation. 

L’homme de Lévis planifierait cette «révolution» depuis janvier 2020. La police de Lévis était intervenue auprès de lui pour d’autres démêlés judiciaires et c’est dans le cadre de cette première enquête que des informations ressemblant à du terrorisme ont été récoltées. La police de Lévis n’est pas outillée pour mener de telles enquêtes. 

Le domicile de Gérald Nicolas a été perquisitionné en novembre 2021. Les accusations de terrorisme ont formellement été déposées le 17 novembre 2022, un an plus tard. 

La GRC précise que cette enquête n’est pas reliée à l’assassinat du président de la République d’Haïti, Jovenel Moïse, survenu le 7 juillet 2021 à Port-au-Prince. 

Antécédents judiciaires

Gérald Nicolas a déjà plaidé coupable en septembre 2022 à des accusations de publication non consensuelle d’images intimes et complot, il doit revenir devant la cour le 25 novembre pour la prononciation de sa peine. 

L'infraction a été commise en avril 2021, le quinquagénaire avait donc comparu une première fois en août 2021. Dans ce dossier, il est coaccusé de complot avec Lisbeth Valenzuela Paulino. Avec Isabelle Mathieu