Voici ce dont j’ai été témoin cette semaine. Je dois malheureusement taire l’identité des jeunes concernés car ils sont mineurs. «X», 14 ans, est un Syrien d’origine arrivé à Québec fin septembre avec les neuf membres de sa famille.
Cette semaine, il retournait enfin à l’école pour reprendre sa scolarité en classe de francisation au pavillon Jean-Jacques Rousseau de l’École secondaire de Rochebelle. Présentement, il ne parle que l’arabe. Il fallait voir l’effervescence autour de nous lorsque nous sommes allés le reconduire au matin de cette première journée: son père et deux membres du comité de parrainage, l’un agissant comme interprète et moi-même.
Ils étaient nombreux à l’accueillir dans la salle où on nous avait réunis. Rapidement, l’arabe a pris le dessus sur le français. C’est la langue maternelle de plusieurs jeunes qui fréquentent cet établissement. Ils étaient manifestement heureux de se présenter et de faire connaissance avec lui. En moins d’une minute, des liens étaient tissés. Déjà «X» se sentait en confiance.
Deux agentes interculturelles et une orthopédagogue en francisation participaient à la rencontre. Rapidement, «X» a été pairé à «Y» avec qui il partagera un casier et à qui on avait confié la responsabilité de l’accompagner pendant cette journée. «Y» qui parle arabe et qui s’exprime maintenant parfaitement en français intégrera progressivement le programme régulier en 3e secondaire cette année.
En fin de journée, «Y» avait particulièrement pour tâche de repérer le père de «X» à la sortie de l’école; il devait leur indiquer à tous deux l’endroit où prendre le bus numéro 11 devant les ramener là où ils habitent présentement. Il se disait même prêt à faire le trajet avec eux malgré une destination à l’opposé de la sienne. Dans les jours suivants, «X» aura développé suffisamment d’autonomie pour se rendre à l’école par lui-même, y suivre ses cours et revenir chez lui.
Cette journée-là, deux autres élèves devaient débuter leur scolarité à la même école: l’un provenant de l’Ukraine, l’autre du Brésil. J’ai compris que c’était là «l’ordinaire» de cette école: accueillir, à tout moment de l’année scolaire, des jeunes qui ne connaissent rien du français et de notre culture dans le but de les intégrer à notre société. Voilà une réalité qui demande beaucoup d’adaptation et qui n’a surtout rien «d’ordinaire». Je veux saluer le travail des éducatrices, éducateurs et de tous les membres du personnel qui œuvrent dans ce milieu. Ce dont j’ai été témoin m’a rempli d’admiration.
En sortant de cette école mercredi dernier, nous étions plus que rassurés pour l’avenir de «X», nous étions émus de l’humanité dont nous avons été les témoins. J’en avais les larmes aux yeux.
Guy Bouchard
Québec