Le combat de Mélissa pour démystifier la gastroparésie 

Mélissa Bourgault souffre de gastroparésie.

À 19 ans, Mélissa Bourgault reçoit son diagnostic de gastroparésie, une pathologie qui l’empêche de vider son estomac normalement. Neuf ans plus tard, elle prend la parole au nom de ceux et celles qui vivent en silence avec leur maladie.


Il y a plusieurs semaines, Mélissa Bourgault a envoyé un courriel au Soleil, dans l’espoir de jeter un peu d’éclairage sur le mal qui l’afflige depuis 2013. C’est dans sa chambre, à l’Hôtel-Dieu de Québec, que nous avons finalement pu lui parler, alors qu’elle en est à un troisième séjour à l’hôpital depuis le début de l’année. 

«La gastroparésie, c’est une maladie qui est peu connue. Le cancer, les gens savent c’est quoi, on en entend beaucoup parler aux nouvelles et on connaît tous un proche qui a cette maladie-là», affirme Mélissa. «Mais quand je parle de ma maladie, il y a des points d’interrogation dans les yeux des gens qui me regardent», remarque-t-elle. 

Elle a aussi décidé de se confier au Soleil, en raison du choc ressenti face au choix de deux de ses amis, aussi atteints de gastroparésie, de recourir à l’aide médicale à mourir dans la dernière année. 

«Les deux étaient dans la quarantaine. C’est tellement jeune… Moi, j’ai 28 ans et j’ai cette maladie depuis 2013. Je ne vous mentirai pas que, l’aide médicale à mourir, j’y ai pensé aussi, surtout pendant mes séjours à l’hôpital», confie-t-elle. 

La gastroparésie, c’est quoi? 

«La gastroparésie, c’est tout trouble de la vidange de l’estomac», explique au bout du fil la docteure Laurence Guay, gastro-entérologue au Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (CHUS). 

Le processus, qui sert habituellement à «malaxer les aliments, les transformer en liquide et les vidanger dans l’intestin», sera beaucoup plus lent chez les gens atteints de gastroparésie que pour le reste de la population. 

«Les gens atteints de gastroparésie vont décrire de la satiété précoce, comme ça stagne longtemps dans l’estomac», ajoute la Dre Guay. «Ils peuvent décrire de la lenteur à digérer, des nausées, des vomissements, des régurgitations», déclare-t-elle. 

Le doigt sur le bobo 

Mélissa Bourgault ressentait plusieurs symptômes énoncés par la gastro-entérologue, tels que des reflux gastriques, des nausées, mais aussi de la constipation. Elle s’est rendu compte que quelque chose n’allait pas, lorsqu’elle est rentrée à l’urgence en raison de vomissements qui perduraient depuis plusieurs mois. 

Un endocrinologue, qui assurait le suivi pour son diabète, dont elle souffre depuis l’âge de 14 ans, a fini par mettre le doigt sur le bobo et évoqué la possibilité qu’elle soit atteinte de la gastroparésie, une affection un peu plus courante chez les personnes diabétiques. 

Elle a ensuite commencé des tests plus approfondis, en compagnie d’une gastro-entérologue. Elle a notamment dû passer une vidange gastrique, pour calculer la vitesse à laquelle son estomac se vide. 

«On donne un repas standardisé en nombre de calories, en glucides, en lipides. C’est le même repas qu’on sert à tout le monde. Et on regarde si, en quatre heures, ce repas-là se vide à 90 %. C’est comme ça qu’on le diagnostique», explique la Dre Laurence Guay. 

«Moi, après quatre heures, il restait encore 92 % de nourriture dans l’estomac», affirme Mélissa Bourgault.  

En ajustant son alimentation et en éliminant les fibres, ainsi que la nourriture épicée, grasse ou salée, tout en contrôlant son diabète, ses premières années avec la gastroparésie ont été un peu plus simples. 

En revanche, dès qu’elle contractait la gastro-entérite ou qu’elle attrapait un autre virus, ses symptômes s’aggravaient et elle devait être hospitalisée.  

«Avec les années, c’était de plus en plus sévère. En 2016, on a commencé le gavage à l’hôpital. À chaque hospitalisation, j’avais besoin de gavage pour me remettre su’l piton», se rappelle Mélissa.  

En 2019, elle a commencé le gavage à la maison. Depuis 2020, elle se nourrit artificiellement, par voie intraveineuse. Elle a dû subir une gastrojéjunostomie, qui consiste en l’insertion d’un tube dans la peau, puis dans une section de l’intestin grêle, par lesquels transiteront les aliments, l’eau et les médicaments.  

En plus de symptômes liés directement à la gastroparésie, Mélissa constate que d’autres problèmes sont apparus. Elle a été hospitalisée trois semaines l’été dernier, en raison d’une hémorrhagie digestive. Elle constate aussi un ralentissement de son système nerveux et de sa vessie. L’équipe médicale procède encore à des examens pour mieux comprendre l’évolution de son état de santé.  

«Il y a tout le temps un peu d’inquiétude et de l’inconnu par rapport au futur. J’ai juste 28 ans. Ce n’est pas toujours évident de se projeter dans l’avenir pis de voir à quoi va ressembler ma vie dans les prochaines années, et même les prochains mois», se soucie Mélissa. 

En parler pour donner de l’espoir

Mélissa Bourgault souffre de gastroparésie.

Malgré tout, Mélissa reste résolument optimiste. Elle espère d’ailleurs retrouver son emploi de brancardière au Centre hospitalier de l’Université Laval (CHUL), qu’elle avait dû délaisser en 2020. 

«J’ai encore espoir de pouvoir travailler, même si c’était juste une ou deux journées par semaine, pour au moins de sortir un peu de chez moi», souhaite-t-elle. «Ça ferait du bien au moral, parce que quand ça fait deux ans que tu n’as pas côtoyé personne…» 

Elle a quand même trouvé le moyen de socialiser avec d’autres gens qui vivent dans une situation semblable à la sienne. Constatant qu’il n’existait pas d’association ou de regroupement, elle a lancé un groupe Facebook pour rassembler les personnes atteintes de gastroparésie partout au Québec. Ça lui a permis de constater que, malgré tout, elle était chanceuse dans sa malchance, car l’accès aux spécialistes est beaucoup plus aisé à Québec qu’il ne peut l’être dans les régions plus éloignées des grands centres. 

«Plusieurs savaient que j’avais l’entrevue aujourd’hui. Ils me disaient d’aborder le fait qu’en région, ce n’est pas toujours facile d’avoir des soins. Il y en a beaucoup qui sont laissés à eux-mêmes et doivent attendre deux ou trois ans avant d’avoir un rendez-vous avec un gastro-entérologue», déplore Mélissa. Elle estime que cette situation «joue beaucoup sur leur moral». 

En plus de souhaiter un jour reprendre le travail, Mélissa Bourgault caresse un autre projet.  

«Je voudrais fonder une association pour les gens qui sont nourris artificiellement, que ce soit le gavage ou par une hyperalimentation. C’est sûr que si à un moment donné, je ne peux plus travailler et que je deviens invalide, j’aurais ce projet-là en tête», évoque-t-elle. 

En attendant, elle aura réalisé son premier objectif : faire connaître à un plus grand public la gastroparésie.

Quelques données sur la gastroparésie

  • La prévalence de la gastroparésie est inconnue, mais pourrait toucher autour de 2 % de la population. 
  • La gastroparésie touche principalement les jeunes femmes et les femmes d’âge moyen. 
  • La plupart des cas de gastroparésie sont de cause inconnue, mais peuvent aussi trouver leur origine dans le diabète ou les chirurgies de l’estomac. 
  • 30 % des personnes touchées par la gastroparésie ne travailleraient pas en raison de leur trouble. 

Source : Canadian Digestive Health Foundation