L’année de tous les défis pour les arbres de Noël

Michel Paquette, propriétaire de la Sapinière de la Mauricie.

Traditionnellement, c’est au début de novembre que les producteurs de sapins de Noël prélèvent, emballent et expédient leurs arbres à leurs clients. Le temps froid permet de les garder beaux jusqu’au temps des Fêtes sans problème. Cette année, toutefois, les producteurs ont dû mettre fin abruptement à leurs coupes à cause du mercure anormalement élevé qui s’est affiché au cours des dernières semaines dans plusieurs régions du Québec, en particulier au cours du week-end des 5 et 6 novembre, des journées où les températures ont allègrement surpassé les 20 °C.


Les producteurs de sapins de Noël doivent non seulement affronter les effets des changements climatiques, cette année plus que jamais, mais également l’inflation et le manque de main-d’oeuvre. Tous ces défis, s’accordent-ils, auront pour effet de hausser le prix du traditionnel sapin de Noël.

Seul rayon de soleil dans ce ciel orageux, les producteurs de sapins prévoient une très bonne récolte pour 2022, souligne Charles Vaillancourt, président de l’Association des producteurs d’arbres de Noël du Québec.



«Je sais que l’an passé plusieurs régions ont eu des gels printaniers. Les arbres affectés étaient alors invendables», se souvient-il.

Michel Paquette avait aussi vu, cette année-là, la sécheresse s’attaquer également à sa production. Le producteur avait décidé de ne vendre que ses plus beaux spécimens, question de maintenir ses standards.

«Cette année, par contre, on a eu de très belles pousses. On a eu beaucoup d’eau et on a eu de la chaleur aussi», se réjouit Charles Vaillancourt.

Mais trop d’une bonne chose n’est pas une bonne chose. La chaleur des dernières semaines nuit à la récolte. La majorité des producteurs ont dû arrêter de couper. «La dernière chose qu’on veut faire, c’est envoyer un arbre sec chez un client», fait-il valoir.



Les producteurs ont dû adapter leurs méthodes d’entreposage «pour que l’arbre soit le moins en contact possible avec le soleil et qu’il soit tout le temps humidifié pour qu’il ne perde pas ses aiguilles», explique le président de l’APANQ.

Charles Vaillancourt, président de l’Association des producteurs d’arbres de Noël du Québec.

«Ce n’est vraiment pas normal parce qu’habituellement c’est au début de novembre que la majorité des personnes coupent leurs arbres de Noël. Cette année est exceptionnelle au point de vue des températures. Il a fallu arrêter», dit-il.

Comme à peu près tous les biens de consommation en ce moment, les arbres de Noël n’échappent pas à l’inflation, cette année. «Pour la récolte, ça prend de la main-d’oeuvre et on sait que la main-d’oeuvre a été augmentée de salaire et on doit l’augmenter si l’on veut avoir du personnel pour pouvoir récolter nos arbres», fait valoir Charles Vaillancourt.

«Le prix de l’essence aussi ne cesse d’augmenter», rappelle-t-il. «Pendant la période d’exportation et d’expédition, ça affecte le prix des arbres.»

Il y a aussi le prix de l’engrais, renchérit de son côté Michel Paquette, propriétaire de la Sapinière de la Mauricie. «Ça a doublé. Si tu achetais pour 10 000 $ d’engrais, ça t’en coûte maintenant 20 000 $», déplore-t-il. «Ça fait très mal. Avec l’essence pour les tracteurs, tout le monde s’en ressent. C’est fou.»

Le président de l’APANQ prévoit donc une augmentation du prix du sapin de Noël, chez les grossistes, de 10% à 15%. «On vend entre 30 $ et 45 $ l’arbre, dépendamment de la qualité, de l’essence et de la hauteur, donc l’augmentation peut jouer entre 3 $ et 5 $», résume-t-il.



De son côté, Michel Paquette, propriétaire de la Sapinière de la Mauricie, parle plutôt d’une «petite» inflation. «Mes prix ont monté peut-être de 6% ou 7% comme grossiste», précise le producteur de Saint-Étienne-des-Grès. Au final, ce n’est donc pas vraiment la mer à boire, sauf que les détaillants voudront eux aussi se prendre un profit et c’est là que le consommateur pourrait maugréer, voire bouder le produit si la hausse est insoutenable.

Le président de l’APANQ rappelle qu’un arbre de Noël n’est pas un bien de consommation essentiel. «C’est vraiment un luxe d’avoir un arbre de Noël chez soi. Donc, on est très conscient qu’il faut être raisonnable dans les prix tout en restant compétitif dans nos marchés, pour que les gens continuent d’en acheter et ne pas affecter notre marché et notre industrie pour le futur», fait-il valoir.

Michel Paquette croit que la hausse des prix des sapins sera notable «selon les prix que les détaillants voudront prendre». Pour sa part, il est non seulement grossiste et vend aux détaillants de la Mauricie et de l’extérieur de la région, mais il est également détaillant à la ferme. L’autocueillette commencera chez lui le 19 novembre.

Charles Vaillancourt, dont l’entreprise de Coaticook vend, depuis 30 ans, ses arbres dans plusieurs régions du Québec, de même qu’au Canada et aux États-Unis, ajoute que l’industrie souffre aussi beaucoup du manque de main-d’oeuvre, surtout dans le transport. «On a beaucoup de difficultés à trouver des chauffeurs pour faire nos voyages», dit-il.

Auparavant, les camionneurs faisaient de gros voyages de 700 ou 800 arbres à la fois qu’ils livraient à quatre ou cinq clients le long de leur parcours. «Dans le temps, il y avait beaucoup de camionneurs qui dormaient sur la route, mais c’est en train de changer», constate le président de l’APANQ. «Ce n’est presque plus possible parce qu’on a des camionneurs qui veulent revenir à la maison le soir, ce qui est compréhensible», dit-il.