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«C’est comme quand on se prépare à l’hiver, compare Pierre Fortin, président de Jean Fortin et associés, syndic autorisé en insolvabilité. On rentre les meubles de patio, on installe les pneus d’hiver et on met le balai dans l’auto, même si la neige n’est pas encore là.»

«Et ce n’est pas parce que nous avons peur de l’hiver, mais c’est pour avoir le dessus sur ce qui va tomber. Puis là, on s’en va dans un gros hiver en ce qui concerne les finances.»

En d’autres mots, la tempête parfaite se pointe à l’horizon. Et avec l’inflation et la hausse rapide des taux d’intérêt, elle pourrait amener une couche de plus sur les difficultés financières au premier trimestre de 2023.

Une envolée de dossiers d’insolvabilité autant chez les consommateurs que les entreprises ne serait donc pas une surprise, consentent les différents syndics contactés par Le Soleil.

Retour du balancier

«La récession rime avec plus de cas d’insolvabilité, tranche Stéphane LeBlond, syndic autorisé en insolvabilité chez LeBlond & Associés Inc. Et depuis le début de 2022, principalement depuis le troisième trimestre, l’effet combiné de l’inflation, de la hausse du taux directeur, des problèmes avec les chaînes d’approvisionnement et de la pénurie de main-d’œuvre. C’est une tempête parfaite qui s’installe.»

Si le nombre de dossiers d’insolvabilité déposés par des consommateurs canadiens est en chute de 25,5 % par rapport au troisième trimestre de 2019, il a cependant grimpé de 22,5 % en comparaison à la même période l’an dernier. Sa plus forte hausse en 13 ans, a rapporté plus tôt cette semaine le Bureau du surintendant des faillites Canada.

L’année 2021 a été une année record pour le peu de dossiers envoyés sur les tables de travail des syndics. Entre autres grâce à l’aide financière des gouvernements octroyés en début de crise. Les Québécois avaient donc pu engraisser leur bas de laine, tout en coupant dans les dépenses.

Encore aujourd’hui, selon Pierre Fortin, «on est à peu près à -30 % du nombre normal que nous avions avant la pandémie», malgré une augmentation vécue depuis la grande hausse de 50 points du taux directeur en juillet dernier. «Mais il faut se rappeler que l’augmentation est en comparaison au peu de dossiers que nous avions en 2021», nuance-t-il.

Si M. Fortin estime que le prochain trimestre risque d’être comparable aux nombres de cas recensé en 2019, «ou un peu plus», il ajoute que depuis janvier dernier, certains indicateurs démontrent que les liquidités des consommateurs s’amincissent.

«Depuis janvier 2022, Equifax a vu pour la première fois une montée dans l’octroi de carte de crédit avec une limite — et c’est du jamais vu — de 5800 $ sur chaque carte en moyenne. Et avec des soldes courants qui augmentent. Alors c’est une indication que, pour certaines personnes, le bas de laine est épuisé.»

Le conseiller craint que les consommateurs réalisent trop tard qu’ils sont endettés.

«Les gens qui viennent nous voir, ça fait parfois longtemps qu’ils tirent le diable par la queue. Et c’est un peu ça qu’on risque de vivre. Oui, les gens savent qu’ils sont en train de s’endetter, mais avant qu’il se rende à l’évidence, je crains qu’ils laissent un peu aller les choses.» [Voir encadré en bas de texte pour des conseils en vue d’une récession]

Avis aux propriétaires

«Il y en a qui ont profité de la pandémie pour rembourser leur dette, d’autres moins», observe le président de Jean Fortin et associés.

De ceux-ci, font partie les citoyens ayant fait le grand saut dans le marché immobilier afin de se sécuriser un toit, même si les conditions étaient loin d’être parfaites. Et ce sont eux qui seront le plus à risque de cogner à la porte d’un syndic dans la prochaine année.

Avoir été propriétaire d’une maison avant la crise sanitaire peut faire toute la différence dans le bilan financier d’une personne, observe M. Fortin. «Le propriétaire d’une maison achetée avant la pandémie s’est enrichi en moyenne de 40%. Sa maison a pris de la valeur, alors lui ne viendra pas nous voir dans nos bureaux. S’il a des problèmes de dette, il va refinancer la maison.»

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Je pense qu’il y aura beaucoup de remises de clé de maison. Et là il risque d’y avoir des propositions de consommateur et des reprises.

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Déjà, depuis juin, M. Fortin rapporte avoir observé une hausse du nombre d’appels. Même si tous les cas ne se terminent pas en perte, les nouveaux propriétaires se font de plus en plus inquiets.

Rappelons que dans les huit derniers mois, le taux directeur a bondi de 0,25 % à 3,75 %. Une rapidité «qui tue» qualifie M. Fortin.

«En temps normal, 25 % des achats sont faits avec une hypothèque à taux fixe. Mais pendant la pandémie, il y avait tellement une grande différence entre le taux variable et fixe que plus de 50 % des nouveaux acheteurs ont préféré un taux variable. Alors, pour eux, l’effet est immédiat.»

Des commerces sur le respirateur artificiel

Les deux conseillers rencontrés par Le Soleil font tous deux le constat que, même si nécessaire, les aides gouvernementales ont finalement l’effet d’un cadeau de Grec pour les petits commerçants.

Chez LeBlond & Associés Inc., entre juillet et septembre, le syndic a noté une croissance des dossiers d’insolvabilité de 25% dans le secteur commercial. Et il prévoit que ses bureaux «risquent d’avoir plus de travail dans quelques mois».

La grande majorité des dossiers proviennent des particuliers, fait état M. Leblond. Entre 15% et 20% relèvent du domaine commercial. «Et d’année en année, ça se maintient. Mais quand il y a récession, le pourcentage de dossiers commerciaux augmente.»

«Les gens ou les entreprises qui étaient poqués avant mars 2020, ils ne le sont pas moins aujourd’hui. Ils ont juste continué pendant deux ans avec des soutient artificiels d’un paquet de programmes gouvernementaux. Alors, aujourd’hui, avec la fin de ces subventions de toutes sortes, elles sont laissées à elles-mêmes.»

Si les entreprises n’étaient pas rentables avant la date fatidique du premier confinement, elles ne le seraient pas plus aujourd’hui, ajoute-t-il. «Et en plus, elles doivent toutes de 20 à 60 000 $ en prêt d’urgence que le gouvernement fédéral avait consenti aux entreprises qui le demandaient.»

De son côté, M. Fortin croit qu’une possible récession pourrait se traduire par un flot de fermetures d’entreprises.

«Ce qu’on voit beaucoup présentement ce sont les petits commerces avec des chiffres d’affaires de 150 à 200 000 $ qui ont reçu tous les prêts d’urgence, qui étaient nécessaires à ce moment-là, mais qui ne sont finalement pas capables de rembourser.»

Et ce n’est malheureusement pas toutes les entreprises qui peuvent supporter le fardeau du remboursement, souligne-t-il, puisque «l’endettement qui s’est créé est parfois égal au chiffre d’affaires annuel.»

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MIEUX VAUT PRÉVENIR QUE GUÉRIR

Au syndic autorisée en insolvabilité chez Raymond Chabot, filiale de Raymond Chabot Grant Thornton, Sophie Desautels prône la prévention.

Elle a offert au Soleil quelques conseils pour permettre une arrivée en douceur dans la nouvelle année financière.

Réduire ses dépenses au minimum; «C’est souvent les petites dépenses qu’on ne compte pas, car ce sont de petits montants. Et parfois, c’est pour cela qu’à la fin du mois, on n’y arrive pas.»
Renégocier ses assurances et ses services de télécommunication
Prendre une entente fixe pour les paiements d’électricité
Mesurer son ratio d’endettement; «Dans tous les cas, il faut que ce soit entre 30% et 35%. Si on arrive à un ratio plus haut que 40%, ça indique que nous sommes possiblement surendettés et plus capables — bientôt ou déjà — de faire nos paiements à mesure de leurs échéances.»
Faire la révision de son budget; «Mais ce n’est pas juste de le faire. Il faut le réviser et voir si on a alloué la bonne dépense au bon poste.»
Diminuer les dettes; «Il faut miser sur le remboursement des dettes à court terme et à taux d’intérêt élevé.»
Repousser les dépenses et les projets non essentiels.
Se constituer un fond d’urgence, aussi petit soit-il. «L’important c’est d’en avoir un, mais d’y aller avec des objectifs réalistes selon sa propre situation.» Marie-Soleil Brault

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