Les faits
Il ne fait aucun doute que l’Europe est en surmortalité cette année, comme plusieurs autres endroits du monde, d’ailleurs. Selon des chiffres publiés par la Commission européenne récemment, il y a eu autour de 7-8 % de plus de décès que la normale sur ce continent depuis le début de l’année, avec une pointe à 16 % en juillet qui fut possiblement causée par la canicule qui a sévit là-bas à ce moment-là.
La santé publique américaine (CDC) a elle aussi enregistré un excès de mortalité cette année et, comme le montre le graphique ci-dessous, c’est également le cas au Québec, à un rythme grosso modo comparable à ce qui arrive ailleurs.
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Maintenant, la question est : est-ce que c’est vraiment dû au vaccin contre la COVID, ainsi que l’entendent les textes qui circulent dans les réseaux anti-vaccin? Les causes derrière tous ces décès excédentaires ne sont pas encore complètement élucidées, mais il y a quand même plusieurs éléments qui éliminent de manière convaincante l’hypothèse des vaccins.
D’abord, dans tous les cas, les principaux pics de surmortalité coïncident généralement avec des vagues de COVID. On le voit bien dans mon graphique sur le Québec, ainsi que dans cette autre graph ci-dessous, tiré du site du projet «EuroMoMo» qui monitore la mortalité en Europe.
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Ensuite, il y a un certain nombre d’études et de données qui suggèrent fortement que la surmortalité est causée par la COVID et ses suites (parfois indirectes ou «à retardement»). Ainsi, on sait depuis le début de la pandémie que le SRAS-CoV-2 peut provoquer une inflammation du muscle cardiaque nommée myocardite. Les vaccins à ARN (Pfizer et Moderna) peuvent eux aussi causer des myocardites, mais dans l’ensemble les études ont montré que le risque est plusieurs fois pire après une infection qu’après la vaccination, selon une revue de littérature parue en août dernier dans Frontiers in Cardiovascular Medicine — même si ce n’est pas toujours super clair en ce qui concerne les jeunes hommes.
Le virus est également connu pour faire faire des caillots sanguins, qui peuvent par la suite provoquer des problèmes cardiaques ou cérébrovasculaires dans les semaines ou les mois suivant l’infection. Quelques travaux, publiés récemment dans la revue médicale Heart cette année et l’an passé et dans le Journal of Medical Virology ont observé une hausse de la mortalité cardiaque depuis le début de la pandémie — et ce, dès 2020, donc avant que les vaccins ne soient disponibles. Il semble que le risque demeure accru pendant un an après un diagnostic de COVID-19, a indiqué une autre étude publiée l’hiver dernier dans Nature Medicine.
Fait intéressant, un rapport de l’Institut d’actuariat de l’Australie — un autre pays qui connaît lui aussi une forte surmortalité cette année — concluait cet automne que les séquelles cardiaques de la COVID avaient probablement un effet «élevé» sur le nombre anormal de décès cette année. Mais le document reconnaissait aussi que «la science médicale n’a pas encore établi de lien causal qui permettrait d’attribuer une attaque cardiaque à une infection à la COVID-19 datant de quelques mois auparavant».
Contrairement à l’interprétation que tirent les milieux anti-vaccin de cette surmortalité, il est très difficile d’y voir un effet de la vaccination de masse contre le SRAS-CoV-2. En fait, il semble que c’est plutôt le contraire. Un article paru en juillet dans le Journal of the American Medical Association a trouvé que le risque d’infarctus du myocarde ou d’accident vasculaire-cérébral dans les 120 jours suivant un diagnostic de COVID était environ 50-60 % moindre chez les vaccinés que chez les non-vaccinés. De même, d’autres travaux ont montré que le risque de «thromboembolie veineuse» (un caillot de sang qui bouche une veine) est multiplié par 21 dans les 30 jours suivant une infection à la COVID, mais que cette probabilité est grandement réduite (par un facteur 5,5) par le vaccin.
Rien de tout cela ne signifie que les vaccins sont parfaits et n’ont aucun effet secondaire. Ils en ont, et ils se trouvent même certains cardiologues pédiatriques qui, sans s’alarmer outre mesure, ne sont plus entièrement certains que la balance des risques et des bénéfices est encore avantageuse pour les doses de rappels chez les ados, lisait-on récemment sur le site du magazine Science. Mais cela indique assez clairement qu’il faut aller chercher ailleurs que dans les vaccins la cause de la surmortalité plus ou moins soutenue que plusieurs pays traversent depuis le début de l’année.
Verdict
La surmortalité est réelle, il n’y a aucune doute là-dessus. Mais l’idée qu’elle soit imputable aux vaccins, elle, est beaucoup plus contestable. En fait, plusieurs travaux montrent que les vaccins protègent contre les complications (même à long terme) de la COVID, et que ce serait le virus qui serait responsable d’une grande partie des décès excédentaires.
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