La Sûreté du Québec a la réputation d'être le club-école des répartiteurs des centrales municipales du 9-1-1, comme à Sherbrooke (notre photo).

Des centres d’appels d’urgence de la Sûreté du Québec (SQ) à Sherbrooke, Gatineau et Québec perdent plus de la moitié de leurs répartiteurs en une année, rongeant l’expertise dans ces centrales névralgiques pour la sécurité publique.


Selon les plus récentes données de la SQ obtenues par les Coops de l’information, le taux de roulement annuel s'élève à 61 % dans le Centre de gestion des appels (CGA) de Sherbrooke, 58% dans celui de Gatineau et 53% dans celui de Québec. Les centrales de Trois-Rivières et Saguenay affichent respectivement 44% et 29% de taux de roulement.

À peine quelques mois après leur arrivée dans les centres de gestion des appels d’urgence de la SQ, des recrues migrent souvent vers les centrales 9-1-1 municipales, où les salaires sont plus élevés, témoignent deux répartiteurs d’urgence du CGA de Québec, qui ont requis l’anonymat, n’ayant pas l’autorisation de se prononcer publiquement. En Outaouais, une ex-répartitrice de la SQ, qui a récemment joint les services municipaux du 9-1-1, a accepté de parler à visage découvert de cette réalité.

De nombreux vétérans partent aussi des Centres de gestion des appels de la SQ avec leur bagage de connaissances et leur savoir-faire. «Il y a beaucoup de rapidité et d’expérience qui se perd avec les années, dit un des répartiteurs du CGA de Québec. Et après, on n’a plus ces personnes-là pour éduquer les nouveaux.»

La Sûreté du Québec constate aussi un impact sur les vétérans. «C’est vrai que le taux de roulement du personnel, on ne va pas se le cacher, ça demande une grande vigilance de la part des préposés d’expérience qui sont là», dit la lieutenante Ann Mathieu, porte-parole de la Sûreté du Québec. 

Elle part après 15 ans

Jessica Bilodeau a travaillé pendant 15 ans au service du 9-1-1 de la SQ en Abitibi-Témiscamingue. Après un déménagement à Gatineau, elle a été transférée en Outaouais. Elle n’y restera que huit mois avant de trouver mieux: la centrale de répartition du 9-1-1 de la Ville de Gatineau.

«Le top de l’échelon salarial à la SQ est égal au plus bas échelon à la Ville de Gatineau», résume-t-elle. Dans son cas, «c’est 10$ de plus de l’heure que le dernier échelon de la SQ», après la reconnaissance de ses années d’expérience. Sans compter que son statut d’employé temporaire, qu’elle a traîné pendant 12 ans chez son ancien employeur, disparaîtra rapidement. «Je devrais avoir ma permanence après deux ans de service.»

Jessica Bilodeau travaille maintenant à la centrale de répartition du 9-1-1 de la Ville de Gatineau.

À Gatineau, elle a le statut syndical d’un col blanc travaillant dans des situations d’urgence de première ligne, tandis qu’à la SQ, «nous sommes considérés comme des agents de bureau», poursuit-elle. 

À ses yeux, la machine de la SQ est trop grosse. «Les gestionnaires se rapportent à un superviseur, qui se rapporte à un superviseur, qui se rapporte à un autre directeur, etc.» La répartitrice a maintenant l’impression que ses supérieurs sont mieux collés sur sa réalité. «Plus on est loin, moins on a idée que tel travailleur n’a pas vu sa famille depuis une semaine, car il a travaillé pendant la nuit... Nous sommes plus qu’un numéro de matricule.»

Rien n’est parfait. Jessica Bilodeau remarque que son nouvel employeur doit aussi traiter avec une pénurie de main-d'œuvre. 

Jeudi, les Coops de l’information révélaient que la direction des ressources humaines de la Sûreté du Québec (SQ) craint une «rupture de service» dans ses Centres de gestion des appels. À l’échelle provinciale, le taux de roulement annuel a grimpé à 33,3% dans les 11 Centres de gestion des appels de la SQ, entre 1er septembre 2021 et le 31 août 2022.

Malgré les représentations de la SQ et des syndicats, le Secrétariat du Conseil du Trésor refuse pour l’instant de modifier la catégorie d’emploi des répartiteurs d’urgence, qui sont considérés comme du «personnel de bureau».