Ce coup de sonde que certains qualifient de «biaisé» n’est pas de la seule opération de visibilité que mènera l’ex-cheffe de Démocratie Québec contre le projet de tramway cette semaine.
Vendredi, elle tiendra une conférence de presse en compagnie de la cheffe de Climat Québec, Martine Ouellet, qui, selon toute vraisemblance, se joindra à la lutte contre le projet de transport.
À la suite de la parution d’un texte du Soleil rapportant les propos de l’ex-élue, pour qui les résultats d’un sondage maison permettent de conclure qu’il est «clair et net que les gens de Québec ne veulent pas [du projet de tramway]», plusieurs citoyens et groupes ont dénoncé sa sortie publique,.
«Le sondage fait de la désinformation contre le projet de tramway de Québec», soutient le porte-parole du groupe Les jeunes de Québec pour la mobilité durable, Samuel Clavet-Labrecque. «Ses conclusions [...] ne tiennent pas du tout la route», affirme-t-il.
Jocelyn Paris, du groupe Québec désir son tramway, parle pour sa part de «manipulation des faits» et de «questions trompeuses et malhonnêtes».
La chercheuse et professeure titulaire en méthodologie des sondages et analyse des statistiques à l’Université de Montréal, Claire Durand, est également catégorique : le sondage mené par Anne Guérette n’est «absolument pas comparable» avec une étude menée par une firme sérieuse.
La consultation, qui a reçu 1495 réponses, n’a «aucune validité» pour tirer quelconque conclusion, selon l’experte, si ce n’est que de déterminer ce que le réseau de l’ex-cheffe de parti pense du projet. «Sur sa page Facebook, ce sont surtout des gens qui partagent ses opinions», remarque Mme Durand.
Et même si Anne Guérette affirme avoir publié son sondage sur plusieurs pages protramway pour éviter un biais, ceux qui l’ont rempli sont loin de représenter la population de la région de Québec.
«On n’a aucune information sur les répondants et s' ils représentent bien Québec. On ne connait pas leur âge, leur sexe, leur occupation, par exemple», explique Claire Durand.
La professeur note aussi le biais «évident» dans la façon dont la question du mode de transport préféré des répondants est formulée.
Alors que le métro léger est présenté comme un vecteur de «flexibilité maximale» et que l’option du Trambus vante la «possibilité de couvrir un maximum de territoire à coût moindre», la fiche du tramway parle de «destruction majeure de la nature», «d’absence de flexibilité» et de «fiabilité en hiver à prouver».
«Évidemment, on le sait que les sondages scientifiques ont des biais [...] Mais les firmes font tout ce qu’elles peuvent pour le réduire au maximum, et avec les données complètes, il y a moyen d’estimer et de calculer le biais. Là, avec Mme Guérette, ce n’est pas le cas», critique Claire Durand.
Une opération de communication «réussie»
S’il refuse lui aussi de créditer toute valeur au sondage d’Anne Guérette, faute «de méthodologie claire et acceptable», le professeur à l’École nationale d’administration publique, Philippe Dubois, croit qu’elle a quand même gagné son pari.
«Si le sondage ne nous dit rien, son utilité est de mettre à l’agenda médiatique un discours critique envers le projet de tramway. La preuve, c’est que vous et moi on en parle aujourd’hui», analyse le professeur de communication publique et politique. M. Dubois a œuvré auprès d’Anne Guérette alors qu’elle était au conseil municipal de Québec.
«On crée une nouvelle pour renforcer un discours contre le projet, et surtout, on mobilise les gens qui sont contre le tramway en leur offrant une “preuve” que la population partage leur opinion.»
«Sans équivoque, d’un point de vue opérationnel et de communication, c’est un succès pour Mme Guérette», tranche-t-il.