Don Pasquale, un opéra en quête de spectateurs

Don Pasquale de Donizetti était donné en première samedi soir à la salle Louis-Fréchette. Une proposition stimulante avec plusieurs atouts qui n’a hélas guère fait accourir le public.

CRITIQUE  / Don Pasquale de Donizetti était donné en première samedi soir à la salle Louis-Fréchette. Une proposition stimulante avec plusieurs atouts qui n’a hélas guère fait accourir le public.


Il était vraiment crève-cœur de voir le petit noyau de spectateurs couvrant le centre du parterre, dont plusieurs étaient de surcroît les invités de l’Opéra. Don Pasquale reste pourtant une œuvre extrêmement accessible, apte à contenter autant le néophyte que le lyricomane endurci. On ne parle décidément pas d’un obscur opéra atonal. 

Oui, il y a l’inflation. Les sorties culturelles constituent le premier poste budgétaire à écoper. Mais la tendance était déjà bien amorcée avant la pandémie. La première de la magnifique production de Werther de Massenet n’avait rempli qu’une demi-salle à l’automne 2018. 

La transmission de la culture (savante comme populaire) est un chantier urgent à l’heure de Netflix et autres rouleaux compresseurs culturels.

Les nombreux absents ont raté une lecture scénique originale et cohérente. Le metteur en scène Jean-Sébastien Ouellette, qui faisait ses débuts à l’Opéra de Québec, a décidé de situer l’action au cœur des années 1960 et il ne s’agit pas d’un choix anodin. 

Le clash entre le vieux Don Pasquale – le livret le dit «à l’ancienne» – et les autres personnages prend tout son sens durant les sixties, alors qu’une nouvelle génération née dans le confort de l’après-guerre se met à contester les valeurs de ses aînés. 

Le clash entre le vieux Don Pasquale – le livret le dit «à l’ancienne» – et les autres personnages prend tout son sens durant les sixties, alors qu’une nouvelle génération née dans le confort de l’après-guerre se met à contester les valeurs de ses aînés.

L’idée de faire éclater l’unité de lieu pour sortir de la seule maison du barbon sert également très bien l’action. Don Pasquale commence l’opéra sur un lit d’hôpital après avoir été victime d’un infarctus et c’est là que le Docteur Malatesta, un «vrai» docteur pour le coup, lui propose sa sœur en mariage. 

Quand le vieil homme revient chez lui, sa réplique «Je suis revenu à la vie» prend alors un relief nouveau. 

Le cadre des années 1960 invite également à des décors et à des costumes éclatés.

Le cadre des années 1960 invite également à des décors et à des costumes éclatés. L’essentiel de l’action prend place dans une grande pièce dont la profondeur en fausse perspective impressionne. Les apparitions de la voiture Mustang sont également d’un savoureux pittoresque.

Les prestations des différents interprètes sont toutefois inégales. En particulier en ce qui concerne le baryton-basse français Olivier Déjean, guère à sa place dans le rôle-titre. Le jeune chanteur est évidemment trop fringant pour incarner ce vieillard défraîchi, plus souvent joué par des chanteurs vieillissants.

Mais le problème est surtout vocal. Pas que M. Déjean chante mal. Mais le volume de sa voix ne convient peut-être pas à ce répertoire. On le perdait dès que l’orchestre dépassait le mezzo forte

Le contraste était patent avec son collègue Hugo Laporte, qui nous a offert une de ses plus brillantes prestations en Malatesta. La voix du baryton est charnue – magnifique «Bella sicome un angelo»! – et le jeu juste assez extraverti. 

Le Congolais Patrick Kabongo impressionne par la beauté du timbre de sa voix de tenore di grazia, même s’il gagnerait à prendre plus de place sur scène, ce qui lui donnerait probablement le soupçon d’assurance lui permettant de solidifier ses aigus dans les passages plus délicats comme la fin de son grand air du deuxième acte.

L’étoile de la soirée va toutefois à la soprano Anne-Catherine Gillet, qui remplaçait au pied levé sa collègue Hélène Guilmette à une dizaine de jours d’avis dans un rôle qu’elle connaît manifestement bien. Elle s’amuse comme une folle dans la peau de Norina, notamment dans une savoureuse scène dans une salle d’attente d’hôpital. La chanteuse est également tout à fait à sa place sur le plan vocal, plus que dans Marguerite, qu’elle avait chanté sur la même scène l’été dernier. 

Le chef français Laurent Campellone, un autre nouveau venu, a aussi charmé par sa direction naturelle, vivante et cohérente, si on excepte une certaine mollesse au début du troisième acte.

Don Pasquale sera redonné les 25 et 27 octobre à 19h30 et le 29 octobre à 14h.