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Un matin de semaine, je roule les yeux, un café à la main en glissant mon doigt sur mon compte Instagram: «Ça y est! je crie à mon copain. C’est la saison des photos de pommes». Il me regarde avec un regard perplexe.

En France, la cueillette de pommes n’est pas une activité automnale aussi importante qu’ici. «Mais si tu veux des pommes mon amour, il y en a des tonnes au magasin, me lance-t-il. Pourquoi irait-on passer l’après-midi à cueillir nos propres pommes?»

Le truc, c’est qu’on sait tous, au plus profond de nous, que notre entourage n’a pas soudainement une envie viscérale de pommes. Personne ne s’est, non plus, développé une passion pour la pomiculture. Aller aux pommes, c’est surtout profiter du décor bucolique de la campagne québécoise pour afficher au monde que, toi, tu ne passeras pas cet hiver seul !

Que ce soit pour montrer votre nouvelle fréquentation, votre bague de fiançailles ou la tête de votre nouvelle progéniture à tous vos contacts, quoi de mieux qu’un verger ou un champ de citrouilles avec un petit #blessed pour couronner le tout.

Ce n’est pas que je ne me réjouis pas du bonheur de ces couples, c’est simplement que, quand vous êtes célibataire, c’est le genre de contenu qui peut vite nous faire tourner en bourrique: est-ce que je ne devrais pas me trouver quelqu’un pour passer l’hiver? C’est là qu’entre en jeu le concept de cuffing season.

Si vous avez plus de 30 ans, il est possible que vous n’ayez jamais entendu ce terme. La cuffing season, ou la saison des menottes, si vous préférez, désigne les mois d’automne et d’hiver où les célibataires ressentent le besoin urgent de se mettre en couple pour passer la saison froide.

Selon le Merriam-Webster Dictionary, le terme prend vie dans la communauté étudiante vers 2011. Il a ensuite été popularisé dans la pop culture grâce aux applications de rencontre ou à des chansons comme Cuffin' Season du rappeur Fabolous.

Mais pourquoi ressentons-nous autant le besoin d’être en couple l’hiver?

La science derrière la cuffing season

Certains scientifiques se sont penchés sur la régulation de la température de nos corps, appelée la thermorégulation, mais surtout, la thermorégulation sociale. C’est un phénomène observé chez plusieurs espèces animales, mais moins chez l’humain.

La régulation de notre chaleur corporelle est essentielle à notre survie, et le contact d’autres corps contre le nôtre peut nous aider à atteindre cet objectif en période plus froide.

Dans un article du magazine Insider, un chercheur du nom de Hans IJzerman parle de sa recherche intitulée The Human Penguin Project, réalisée en 2018. Lui et ses collègues ont trouvé que les personnes ayant un cercle social diversifié ont plus de facilité à réguler leur température corporelle dans des environnements froids. Cette association était particulièrement élevée pour les personnes dans des relations amoureuses.

Voici un élément de réponse intéressant, mais si l’on regarde l’évolution des relations amoureuses dans l’histoire, ce n’est que récemment que les gens s’engagent dans des mariages ou des relations à long terme basées sur l’amour et non plus seulement sur des bases socio-économiques.

La norme sociale du couple

Comme l’indique Carl Rodrigue, enseignant à St. Jerome's University au département de Sexuality, Marriage and Family studies, il y a peu d’études à ce sujet, mais dans ce qu’il a trouvé, on observe une hausse des relations sexuelles chez les gens durant l’été, mais aussi au début de l’hiver, durant la période des fêtes.

«Au-delà des études faites aux États-Unis auprès des jeunes, il y a des chercheurs qui ont analysé les tendances en matière de recherches Google, explique-t-il. Ils ont constaté que les recherches en lien avec la sexualité concordaient surtout avec les périodes de vacances et de fêtes.»

Ce n’est donc pas qu’une question de température, mais bien d’occasions de rencontres, précise-t-il.

«Le fait de se mettre en couple à ce moment-là [en hiver], c’est une sorte de sécurité et de stabilité pour répondre à ses besoins sexuels et affectifs, vu qu’il y a moins d’opportunités de socialisation et de rencontre», observe Carl Rodrigue.

Il n’y a rien de mal à chercher quelqu’un pour passer l’hiver. C’est juste que, lorsque la recherche d’un ou d’une partenaire se fait dans l’urgence et dans la simple optique de ne pas être «seule», la qualité de la relation laisse souvent à désirer (je sais de quoi je parle).

L’idée que le couple monogame est la seule façon de remplir nos besoins émotionnels et physiques est une construction sociale bien ancrée. Là-dessus, Carl Rodrigue est d’accord.

«Il serait intéressant de déconstruire l’idée de ce que c’est qu’être “seul”, explique le chercheur. Quand on regarde les termes qu’on utilise du couple et du non-couple, quand on parle du couple, on parle de relation amoureuse, d’engagement, de relation à long terme. Le couple est le référent par défaut de ce que c’est que d’être en relation avec quelqu’un.»

Ses recherches montrent que les gens peuvent avoir toutes sortes de relations intimes et émotionnelles qui sortent de la notion de couple.

Par exemple, des relations avec un ou une amie de lit (fuck friend) ne rendent pas les émotions ou le contact physique que l’on vit moins importants. Ce que je veux dire, c’est que cette hiérarchisation de nos interactions intimes, avec le couple monogame en haut de la pyramide, vaudrait peut-être la peine d’être déconstruite.

Avant de vous sentir seul en regardant les photos aux pommes d’une vieille amie du secondaire, pensez aux différentes relations qui vous gardent physiquement et émotionnellement au chaud l’hiver.

Personne n’a envie de s’infliger les regards de pitié de ses oncles et tantes au party de Noël parce que «t’es bien trop belle et intelligente pour être célibataire», mais si vous n’avez pas de douce moitié cet automne, c’est OK! Vous n’avez pas à céder à la pression sociale du couple.

Puis les chums/blondes de dernière minute amenés dans sa famille à Noël, ça coûte cher en cadeaux. En plus, c’est malaisant pour tout le monde quand grand-maman demande «il est rendu où le beau Jonathan?» au mois de février.

Sur ce, je vous laisse. Je vais trainer mon copain français aux pommes cette fin de semaine. Il faut bien l’introduire aux coutumes locales.

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