Pour recruter à l’international, la bonne volonté ne suffit plus. Il faut avoir des yeux tout le tour de la tête.
Le manque de main-d’oeuvre se fait toujours plus criant au Québec, et la courbe démographique n’est pas près de se stabiliser. Exceldor, comme bien des entreprises, pige à l’international pour recruter.
«La plupart des entreprises mettent beaucoup d’accent et d’énergie sur l’attraction, mais pas assez sur la rétention. On ne pourra jamais changer la nature du travail en usine, mais il y a des choses qu’on peut faire pour améliorer les conditions de travail», souligne le vice-président des ressources humaines d’Exceldor, Denis Boudreau. Parmi ces «choses» se trouve une intégration complète d’un travailleur étranger dans une nouvelle communauté. La première étape : lui assurer un toit.
La coopérative spécialisée dans la transformation de volaille accueille des travailleurs étrangers depuis près de 10 ans dans son usine d’origine à Saint-Anselme, dans Bellechasse. Elle en sait donc long sur les défis qu’entraîne la rareté de personnel. Pour chacune de ses usines, Exceldor débourse des centaines de milliers de dollars par année afin d’offrir un espace de repos à ses travailleurs étrangers.
Le besoin de main-d’oeuvre est tel que «l’investissement qu’on fait avec eux, au bout du compte, c’est un amortissement», souligne Denis Boudreau.
Et pour ce dernier, associer le mot défi à la pénurie actuelle est une qualification «faible».
«À Saint-Anselme, notre plus grande usine au Canada, nous avons un peu plus de 600 employés, mais il nous manque encore de 75 à 80 employés pour opérer. Dans toutes nos usines, il nous manque entre 15 % et 20 % de main-d’oeuvre.»
Porter plusieurs chapeaux
À ces maux de tête s’ajoute celui causé par le manque de logements, qui touche plusieurs régions du Québec, mais aussi du Canada.
Le 1er janvier prochain, 184 travailleurs étrangers seront logés à Saint-Anselme. À Saint-Bruno-de-Montarville et à Saint-Damase, en Montérégie, près d’une centaine auront droit au même traitement. À Hanover, en Ontario, une trentaine.
Pour dénicher un logement de qualité, le niveau de difficulté varie, précise Denis Boudreau. Pour les usines de Saint-Damase et de Saint-Bruno-de-Montarville, la saturation du marché immobilier locatif est «excessivement difficile».
Dans Bellechasse, toutefois, des solutions de rechange aux logements traditionnels donnent un grand coup de main à la coopérative.
«Par exemple, il y a une ancienne résidence pour personnes âgées qui a fermé, et nous avons fait une entente de location avec le propriétaire», raconte M. Boudreau. En tout, 60 travailleurs étrangers temporaires y sont logés.
À Saint-Damien-de-Buckland, le couvent des soeurs de Notre-Dame du Perpétuel Secours accueille également plusieurs travailleurs d’Exceldor.
Le couvent a été divisé en trois : une section pour les soeurs, une pour des personnes aînées et une autre pour des travailleurs étrangers temporaires.
«Ce qui est intéressant avec ce type de logement, c’est que, de la manière que c’est divisé, c’est déjà prévu que chaque travailleur aura son intimité. Une chambre avec un lit, une toilette et un lavabo. Le reste en aires communes», explique M. Boudreau.
Les travailleurs étrangers versent un maximum de 51,71 $ par semaine pour le logement.
Si les dépenses actuelles en valent la chandelle, le vice-président des ressources humaines ne voit pas son organisation investir en immobilier à long terme.
«Investir dans des développements immobiliers, c’est quand même dispendieux. On aime mieux investir en technologie dans nos usines, pour justement réduire le besoin de main-d’oeuvre.»
De temporaires à permanents
L’entreprise se démène pour offrir une certaine stabilité à ses travailleurs, dans l’espoir de les voir rester plus longtemps.
«Nous, ce qu’on recherche, c’est que les travailleurs étrangers se transforment en immigrants reçus [résidents permanents] pour qu’ils viennent ensuite s’installer ici avec leur famille afin de ne pas avoir à recommencer le recrutement.»
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Et pour avoir toutes les chances de son côté, Exceldor fait des pieds et des mains pour offrir un accueil gagnant pour ses travailleurs. Dans toutes ses usines, des employés parlent trois langues — français, anglais et espagnol — afin de faciliter l’intégration.
«Nous avons aussi un service de navette qui transporte les travailleurs entre les logements et l’usine. Même chose pour les étudiants : il y a des navettes qui, pour le cas de Saint-Anselme, partent de Québec jusqu’à l’usine et les ramènent.»
La coopérative va jusqu’à payer des cours de francisation. Elle a même négocié avec une épicerie IGA du coin afin d’importer des produits alimentaires populaires auprès de sa main-d’oeuvre étrangère, comme ceux de la marque La Costeña et de la farine de maïs.
«Je ne vois pas le moment où nous n’aurons plus besoin de main-d’oeuvre temporaire. Je ne crois pas qu’on se remette à faire une dizaine d’enfants par famille au Québec, conclut Denis Boudreau. La seule raison pour laquelle nous sommes capables de survivre, c’est grâce à eux.»