Vers une récession... bénéfique?

Le Québec subira une récession économique début 2023, mais bonne nouvelle, elle sera courte. Un «passage nécessaire pour faire face à la surchauffe actuelle», selon l’économiste de Desjardins, Hélène Bégin.


La forte inflation et l’augmentation des taux d’intérêt des derniers mois mettent à mal les budgets des ménages québécois. Et cela se ressent dans la croissance économique avec un fort ralentissement depuis le printemps. La croissance est passée de 6 à 1 %. La prudence dans les dépenses sera de mise pour les prochains mois. 

L’indice précurseur Desjardins (IPD), qui permet de saisir dans l’économie du Québec, les changements de tendances susceptibles d’annoncer l’arrivée d’une récession environ six mois à l’avance, a enregistré un fort recul en juillet. 

«La chute de l’IPD en juillet marque un point tournant. Alors que les faibles baisses des mois précédents pointaient vers un ralentissement de l’économie du Québec, le recul de 2,5 % est désormais assez prononcé pour signaler le début d’une période de contraction du PIB réel. L’économie du Québec a déjà perdu de la vitesse après un début d’année exceptionnelle et les prochains mois s’annoncent difficiles», prévient Hélène Bégin. 

Par le passé, lorsque l’IPD a subi un repli mensuel de plus de 2 %, une récession est survenue six mois après la première baisse significative. En 2007, la détérioration de l’IPD amorcée en septembre a d’abord été timide et s’est aggravée au printemps 2008. La récession a ensuite commencé l’automne suivant.

«On s'en va vers une tempête», prédit Stéphane LeBlond, syndic autorisé en insolvabilité du cabinet LeBlond et Associés. 

Entre l'inflation galopante, l'augmentation des taux d'intérêt, la pénurie de main-d'œuvre et les problèmes d'approvisionnement, les demandes de conseils financiers pour insolvabilité ont fortement progressé depuis un mois et demi autant chez les particuliers que du côté commercial. «Pour les particuliers, il s'agit surtout de proposition de consommateur alors que, pour le commercial, on a plus de faillites», mentionne M. LeBlond. 

Stéphane LeBlond conseille aux gens de consulter dès les premiers signes de difficultés financières. «Plus ils consultent tôt, plus leurs options sont élevées. Trois clients sur cinq ressortent sans faire une faillite ou une proposition de consommateur. On réorganise les finances et on regarde pour vendre certains actifs.»

Baisse des prix dans l’immobilier résidentiel

Le marché immobilier affecté depuis le printemps par la remontée des taux hypothécaires va continuer à décroître dans les prochains mois. Par contre, bonne nouvelle pour les acheteurs, la surenchère durant la pandémie est terminée. 

Depuis le sommet d’avril, le prix moyen a même amorcé une baisse de 4,1 % au Québec. La diminution se poursuivra jusqu’à la fin de 2023 et devrait atteindre entre 15 % et 20 %.

«On voit surtout une baisse des prix dans les régions où il y a eu de la surenchère comme dans la région de Montréal, en Estrie, et en Outaouais. Dans la Capitale-Nationale, la baisse sera moindre, car il y a eu moins d’excès», souligne Mme Bégin. 

Augmentation limitée du chômage 

Du côté des entreprises, même si la confiance s’est affaiblie et que les perspectives économiques mondiales et nord-américaines se sont assombries, les investissements et les exportations ont tenu le coup jusqu’à la mi-2022. Une forte croissance a même été enregistrée dans les deux cas au deuxième trimestre.

Les futurs mois seront plus difficiles pour les PME. Qui dit récession, dit chômage. Mais la pénurie de main-d’œuvre est telle au Québec, que le taux de chômage augmentera peu, passant de 4,5 à environ 6 % selon les économistes de chez Desjardins. 

«Dans la grande région de Québec, où la pénurie de main-d’œuvre est particulièrement forte, les gens licenciés devraient retrouver assez facilement du travail dans des entreprises avec une bonne santé financière», évoque Mme Bégin. 

Les économistes prévoient une reprise de la croissance économique à partir de la seconde moitié de 2023. «L’inflation augmentera moins vite. L’économie va repartir sur des bases plus saines et la Banque du Canada pourrait diminuer le taux directeur d’ici fin 2023», estime Hélène Bégin.