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Déjà, après sept minutes, c’était 1-0 pour Toronto.

Ma patronne m’a proposé d’aller passer mon lundi soir où on n’avait rien à cirer de la soirée électorale, dont l’identité du vainqueur est déjà connue, où on se demande juste qui sera le moins grand perdant. Je suis allée à la Cage dans Lebourgneuf, ça devait être le Monday Night Football, mais la Sainte-Flanelle a monopolisé les écrans.

Quatorze minutes, 2-0.

Quelques minutes après 20h, les Leafs ont cloué le cercueil du Canadien en marquant un troisième but en même temps où les chaînes d’info ont mis fin au suspense électoral, le prochain gouvernement allait être le même que celui des quatre dernières années, caquiste majoritaire, ne restait plus qu’à attendre les scores finaux.

Ce ne sera pas un blanchissage, mais avec le poids qu’ont les oppositions dans un gouvernement majoritaire, ce sera tout comme.

Une gang de gars est débarquée au bar où j’étais assise, ils arrivaient de jouer un match de hockey, comme à tous les lundis.

Vous ne regardez pas la soirée électorale?

Ils ont éclaté de rire.

Un m’a confié qu’il avait annulé son vote, il ne s’était retrouvé dans aucun des partis. Un autre a longtemps été libéral, il a voté pour la CAQ aux en 2018, mais il a été déçu. Il a voté pour le Parti Québécois pour la première fois, même s’il sait qu’il ne gagnera pas, il a trouvé que «St-Pierre Plamondon assumait ses convictions.»

21h25, le Canadien vient de marquer. Toronto n’a pas mis longtemps à répliquer, ajoutant même un cinquième but à quelques secondes de la fin.

La soirée avance, le dépouillement des boîtes de scrutin confirme la victoire écrasante de la Coalition Avenir Québec, qui fera élire plus de députés que la dernière fois. Une fille à ma droite regarde son cellulaire, annonce à son amie: «Duhaime a été battu».

À ma gauche, je jase avec Claude Lussier, il a entre autres participé au tournage de Lance et compte et a patiné sur la glace du Colisée en tenant la coupe Stanley dans l’uniforme du National. Il a été journaliste sportif au Progrès dimanche au Saguenay pendant une quinzaine d’années, il a fondé à 50 ans sa boîte de communications.

Il joue au hockey deux fois par semaine, une fois le lundi avec la gang de grands gaillards qui étaient à la Cage, une autre avec les anciens des Nordiques.

Il marche deux kilomètres par jour.

Il a 67 ans, mais ce n’est pas juste parce qu’il a 67 ans que je vous raconte ça. Je vous raconte ça parce qu’il y a une couple d’années, il a appris qu’il avait le Parkinson et qu’il a pensé pendant un bout que sa vie était finie. Il l’a caché tant qu’il a pu aux gens autour de lui, à ses clients, à ses coéquipiers.

«Je suis resté dans le garde-robe deux ans. Tout le monde autour de moi le savait, mais je ne voulais pas me l’admettre.»

Puis il a assumé. «Un soir, je suis arrivé dans la chambre des joueurs, j’ai dit aux gars que j’avais quelque chose à leur dire. Je leur ai annoncé, je leur ai dit “c’est ça, pis à partir de là on n’en parle plus, je ne veux pas de pitié.” Ç’a été ça et depuis ce temps-là, je continue à jouer comme je l’ai toujours fait.»

Il continue à vivre comme il l’a toujours fait. «J’ai décidé que ce n’était pas moi qui allais m’adapter au Parkinson, mais le Parkinson qui allait s’adapter à moi. La seule chose que je peux changer, c’est la façon dont je vis avec ça.»

Claude est parti avant la fin du match et avant la fin de l’annonce des résultats électoraux, il allait regarder ça au réveil, il se lève aux aurores.

Le monde n’aura pas changé.

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