Le sport à la rescousse du décrochage scolaire

Béatrice Turcotte-Ouellet.

Dix ans après son lancement, l’heure d’un bilan a sonné pour l’initiative Le diplôme avant la médaille, qui permet à des élèves en difficulté d’obtenir de l’aide scolaire en échange de temps de jeu sur les terrains de sports.


«Je n’avais pas de difficultés scolaires en particulier, mais je faisais beaucoup d’anxiété de la performance. Le tutorat m’a permis de me donner confiance et de réduire mon stress », confie Rosalie Fortier-Francoeur, qui a bénéficié du programme Le diplôme avant la médaille pendant trois ans à l’école La Camaradière à Québec.

À l’aide de son tuteur, Etienne, qui venait de graduer en ingénierie à l’Université Laval, elle a bénéficié d’un soutien personnalisé en mathématiques et en science, à raison d’une heure par semaine. «Il était toujours là pour répondre à mes questions, pour m’aider dans mes révisions et il m’a montré des techniques d’étude et de révision. Et maintenant que je suis au cégep, ça va super bien.»

Le diplôme avant la médaille est une initiative lancée en 2012 par Béatrice Turcotte-Ouellet qui consiste à donner à des élèves de secondaire en difficulté de l’aide aux devoirs en échange de temps de jeu dans leur équipe sportive. Ce projet est présent à l’école Vanier, La Camaradière, Roger-Comtois et à la polyvalente de Charlesbourg.

Près de 650 jeunes bénéficient du programme d’aide, appuyés par près de 350 tuteurs bénévoles.

Des besoins importants

L’idée a germé dans l’esprit de Béatrice Turcotte-Ouellet il y a 10 ans, alors qu’elle était entraîneure de basket à l’école Vanier. «Au début de l’année, une quarantaine d’élèves se sont présentés pour faire partie des équipes. Je leur ai demandé de se placer en fonction de leur secondaire et l’un d’eux m’a demandé s’il devait se placer selon le secondaire où il était ou selon celui dans lequel il devrait être.». La jeune femme a alors constaté que près de la moitié des élèves avaient redoublé au moins une fois. «Je me suis rendu compte que la plupart ne se voyaient pas continuer leurs études après le secondaire. J’ai trouvé ça injuste.»

Alors qu’elle était encore étudiante au cégep de Sainte-Foy, la jeune femme a lancé son initiative, de manière bénévole puis en tant qu’organisme communautaire depuis 2016.

La plupart des bénévoles qui font office de tuteurs sont des étudiants, notamment de l’Université Laval. Des travailleurs ou des retraités donnent aussi de leur temps. «On a déjà eu de belles complicités dans des tandems entre des élèves et des aînés. Par exemple, une étudiante qui a passé trois ans avec la même tutrice pour l’aider dans ses mathématiques a finalement gradué son secondaire et l’a invitée à son bal de finissants», relate Béatrice Turcotte-Ouellet.

Créer une solidarité

Sur le long terme, Béatrice Turcotte-Ouellet espère voir son programme se développer dans plus d’écoles à travers la province. Mais pour l’instant, la jeune femme reconnait «ne pas être capable de répondre à la demande» car elle ne veut pas perdre l’aspect humain de l’approche.

De ses trois années de tutorat avec Le diplôme avant la médaille, Rosalie Fortier-Francoeur retient surtout des liens qui se sont renforcés avec ses coéquipières de basket. «On est devenues très soudées, tout le monde s’encourageait car on était toutes dans le même bateau », se souvient-elle.

 Le lancement du programme dans son école n’avait pourtant pas été vu d’un bon œil par les élèves. «Beaucoup d’élèves se disaient "ils ne pourront pas m’empêcher de jouer des matchs"» ou «"pourquoi ils ne nous laissent pas gérer nos affaires?"» dit-elle. «Mais notre travail, c’est d’étudier, le sport est un privilège et on dirait qu’on ne le réalise pas.»