Du hockey à la poutine avec Jean-Christophe Lirette

Jean-Christophe Lirette, un ailier gauche de bon gabarit, a joué dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec, à l’invitation de l’entraîneur-chef Guy Chouinard, qui l’avait vu s’entraîner avec des hockeyeurs professionnels de Québec.

Pour bien des Québécois, hockey et poutine vont de pair. C’est le moins qu’on puisse dire dans le cas de Jean-Christophe Lirette, le nouveau propriétaire des restaurants Chez Ashton, qui a atteint le niveau junior de notre sport national. Les liens entre son parcours de sportif et sa nouvelle vie d’homme d’affaires sont nombreux. Portrait.


Dès son jeune âge, Lirette, fils d’une famille d’entrepreneurs de Saint-Raymond de Portneuf, a attrapé la piqûre des affaires. «J’ai toujours vécu dans ce monde d’entrepreneuriat là, raconte-t-il au Soleil au siège social d’Ashton dans le quartier Lebourgneuf. Je n’ai jamais dit : “Je veux un métier spécialisé”, ça allait de soi que ce soit ça. Je faisais du sport quand j’étais jeune et je me disais que la journée où ça ne fonctionnerait plus, ce serait mon tour [de se lancer].»

Vieillir n’a pas fait changer d’un iota le mordu de hockey et de football. «Au secondaire, on rencontre un conseiller d’orientation et moi, je n’y suis même pas allé, sourit-il. C’était clair dans ma tête que j’allais devenir entrepreneur. Je ne savais pas dans quel domaine, mais c’était un no-brainer.»

Avec le Rocket

Lirette a joué avec le Rocket de l’Île-du-Prince-Édouard. 

Lirette, un ailier gauche de bon gabarit, a joué dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec, à l’invitation de l’entraîneur-chef Guy Chouinard, qui l’avait vu s’entraîner avec des hockeyeurs professionnels de Québec. Ironie du sort, c’est avec le Rocket de l’Île-du-Prince-Édouard que l’attaquant a disputé ses 54 parties en carrière dans la LHJMQ, clin d’œil facile à faire entre la plus petite province du Canada et les célèbres pommes de terre qu’il utilise maintenant pour fabriquer le mets national des Québécois dans ses restaurants.



Les cours de méditation et de visualisation — préparation mentale s’appuyant sur les bienfaits de la pensée positive — suivis à Charlottetown continuent d’ailleurs de lui profiter aujourd’hui. «C’est quelque chose que j’ai toujours gardé. À chaque jour, j’écris mes objectifs, ce que je veux réaliser. Je crois vraiment à ça.»

La retraite

Après un exil à Hawkesbury (CJHL), en Ontario, à Penticton (BCHL) et en Colombie-Britannique puis un arrêt à Saint-Jérôme au Québec (LHJAAAQ), Lirette est «rattrapé» par le hockey au tournant de la vingtaine. Il décide d’arrêter le hockey et d’entreprendre des études en administration et en entrepreneuriat au campus de Lévis de l’Université du Québec à Rimouski.

À sa deuxième année universitaire, Lirette élabore avec sa collègue de classe et copine depuis le secondaire 5, Émily Adam, un plan d’affaires visant la création d’une chaîne de restauration rapide. Sorte d’intuition, l’entreprise Ashton sert alors de modèle aux deux amoureux. «Ça répondait à nos critères : juste du frais, des aliments et des fournisseurs locaux, détaille-t-il. C’était le seul niché là-dedans.»

Ti-Oui

Le couple acquiert ensuite un premier restaurant, le mythique casse-croûte Ti-Oui de Saint-Raymond, qui leur permet de découvrir un tout nouvel univers. «Je n’avais aucune notion en cuisine, se rappelle Jean-Christophe Lirette. C’est mon oncle cuisinier qui m’a aidé. Réussir tout seul, c’est correct, mais en équipe, tout le monde ensemble, [c’est encore mieux]. Gagner en équipe après avoir vu les sacrifices faits par tout le monde, c’est super gratifiant.»

Le couple d’entrepreneurs — ils se connaissent depuis la maternelle — s’est ensuite associé avec une chaîne nationale et croyait dur comme fer que leur entreprise allait croître par acquisition. 

La bouchée Ashton

Lirette et Adam n’auraient jamais pensé que la prochaine étape serait d’avaler Ashton, emblème par excellence de la poutine dans la grande région de Québec. Acheter une entreprise de cette taille — 23 restaurants et 650 employés — dans la jeune trentaine, c’est beaucoup de pression. Il faut des nerfs d’acier, reconnaît l’homme, avant de mettre les choses en perspectives.

Lirette et sa conjointe ont eu un «fit» instantané avec le fondateur de l’entreprise, Ashton Leblond, qu’ils ont même visité en Floride lors du long processus de vente échelonné sur trois ans. «Autant il se voyait en nous plus jeune, que nous on aspirait à [répéter] ce qu’il a bâti. Ça coulait, on parlait le même langage de la restauration rapide. Ç’a été vraiment facile comme approche», confie l’homme de 33 ans.

Une discipline de fer

Le passé sportif sert bien le tandem Lirette-Adam. Le premier, un ex-hockeyeur, et la seconde, une ancienne kayakiste. Les deux complices se lèvent à 5 heures le matin, s’entraînent, font déjeuner leur fils de trois ans, vont le porter à la garderie et quittent pour le bureau. De longues journées de 12 à 15 heures de travail, une discipline de fer dont ils ne dérogent pas beaucoup.

«On est all in là-dedans, 24 heures sur 24, sept jours sur sept là-dedans, dit-il. Ça nous a peut-être aidés à aller plus vite dans notre croissance en affaires, mais c’est vraiment un mode de vie et il faut être discipliné. On aime ça, on carbure à l’avancement des projets, de voir le monde avoir du plaisir. Je ne changerais pas ça pour rien!»

Tous les jours, les nouveaux propriétaires d’Ashton veulent se dépasser, mais il y a plus, nuance Jean-Christophe Lirette.

C’est l’aspect humain. «Je veux être un bon businessman, mais je veux aussi être un gentleman en même temps. Oui, il y a les affaires, mais la croissance personnelle est importante et c’est ça qui fait que tu es bien avec les gens autour de toi, que tu peux apporter quelque chose aux autres. C’est la même chose avec Émily»

Les deux forment équipe unie qui n’a pas peur des défis!

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GAGNER LE SUPER BOWL À CHAQUE ANNÉE

 Jean-Christophe Lirette, le nouveau propriétaire des restaurants Chez Ashton. 

Jean-Christophe Lirette et Émily Adam veulent imiter les Patriots de la Nouvelle-Angleterre sous Tom Brady, soit de viser le Super Bowl à chaque année. Leur «objectif ultime» : faire d’Ashton une chaîne nationale et croître à l’extérieur de la grande région de Québec.

«On ne s’en cache plus, affirme Lirette. Au début on se demandait si on devait le dire à tout le monde, si ça en effraierait certains, mais quand tu veux apporter une entreprise à ce niveau-là, il faut que les gens avec qui tu travailles soient conscients [de l’ampleur du défi].»

Leur plan de match, pour utiliser une analogie sportive, est on ne peut plus clair : ouvrir un ou deux nouveaux restaurants par année dès l’an prochain, un rythme viable et raisonnable, en périphérie de Québec, avant de partir à la conquête du reste de la province. 

Le fondateur de l’entreprise s’est cassé les dents, à Montréal et à Laval au milieu des années 1980, mais ses successeurs croient en leur plan d’affaires. «Il y a eu une bonne croissance de la poutine, reconnaît Lirette. Sans dire que c’est la prochaine pizza, on croit vraiment que la tendance est là pour rester. La poutine a fait une percée aux États-Unis et en Europe, mais la meilleure, c’est la nôtre [ici au Québec]. Il n’y a pas de raison pour laquelle ça ne pourrait pas fonctionner.»

Chez Ashton va d’abord s’affairer à percer le marché québécois et canadien et pourrait ensuite viser l’international. «On a de grands rêves et de grandes ambitions», dit le jeune propriétaire.

Protéger l’ADN

L’entreprise est à développer de nouveaux prototypes et moderniser son image de marque. Une mentalité de gagnants que ses propriétaires veulent maintenir, mais pas à tout prix. 

La direction a par exemple embauché des «gardiens de culture» pour s’assurer de ne pas perdre son ADN dans sa croissance. «On ne négligera jamais les valeurs fondamentales qui ont fait son succès, promet-il. Que ce soit les produits frais et locaux, le look des restaurants ou l’identité du menu. On veut l’actualiser, mais il n’y aura personne de dépaysé en entrant dans le prochain Ashton. Nos recettes mythiques, on veut les garder.»

Bien des défis

Inflation, prix des matières premières qui explosent, pénurie de main-d’œuvre, ce n’est pas les défis qui manquent dans le monde de la restauration. La carte maîtresse de l’entreprise bien connue, c’est la fierté des gens qui travaillent à son siège social, à la cuisine centrale et dans ses différentes succursales. «Les gens sont tellement fiers d’avoir l’uniforme Ashton [sur le dos] et que ce soit un fleuron québécois. Ils ont vraiment été capables de mobiliser leur personnel. C’est une grande richesse qu’on doit protéger.»

Pas question de se replier en défensive. Chez Ashton, la meilleure défense, c’est l’attaque.