Là-bas, le maire Bruno Marchand s’est fait élire en promettant d’en faire plus pour protéger les bâtiments patrimoniaux. Il a livré la marchandise l’été dernier, en resserrant l’étau réglementaire de plusieurs tours de vis.
À Québec, un propriétaire qui laisse dépérir un bâtiment ancestral s’expose désormais à des amendes pouvant aller jusqu’à 250 000$ par jour.
C’est du sérieux!
Québec oblige aussi les propriétaires à chauffer les bâtiments inoccupés en hiver, en plus d’y maintenir un taux d’humidité de 65%. Il est même interdit d’en barricader les issues, sauf pour de courtes périodes, rapportait le Journal de Québec en juin dernier.
À Gatineau, ce genre de mesures, somme toute assez simples, auraient peut-être pu éviter la démolition de demeures ancestrales. Qu’on pense au 485, chemin Aylmer, qui a été laissé à l’abandon pendant des années par son propriétaire, la firme immobilière Richcraft. Elle devra être démolie.
Ou encore à cette charmante maison-allumette, au 207, rue Notre-Dame-de-l’Ile, que son propriétaire a barricadée après en avoir fait l’acquisition. Son sort est encore incertain, mais il se pourrait qu’on doive la démolir aussi, malgré son intérêt historique.
Pour en revenir à la Ville de Québec, elle ne fait pas que sévir contre les délinquants du patrimoine. En contrepartie des nouvelles obligations imposées aux propriétaires, la municipalité les rend désormais admissibles à un programme d’aide financière. Des professionnels de la ville seront même disponibles pour les accompagner lors de travaux de restauration. Même le règlement sur les démolitions a été modernisé.
C’est le genre d’encadrement qu’on rêve de voir apparaître à Gatineau où la protection du patrimoine bâti a trop souvent fait l’objet de laxisme. Qu’on se rappelle du triste saccage de l’Hôtel Chez Henri, malgré une citation patrimoniale censée le protéger.
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La Ville de Gatineau semble enfin déterminée à prendre les grands moyens pour mieux protéger son patrimoine bâti.
Après un faux-départ dans un dossier de protection du patrimoine (rappelez-vous la corniche du 4 Jeudis), Mario Aubé semble avoir retrouvé le droit chemin.
Alors que les demandes de démolition de maisons ancestrales se succèdent à la Ville de Gatineau, le conseiller juge qu’«il est temps que ça arrête».
Il a demandé mercredi à ce qu’on lui dresse le portrait des avenues réglementaires qui permettraient à la Ville de Gatineau de serrer la vis aux propriétaires négligents.
L’exercice tombe à point: la loi 69, adoptée en 2021 par l’Assemblée nationale, donne des pouvoirs accrus aux municipalités en matière de protection du patrimoine.
La mairesse France Bélisle semble animée du même sentiment d’urgence que M. Aubé. Elle se dit tannée de jouer toujours dans le même vieux film où des promoteurs achètent des maisons patrimoniales, les laissent pourrir jusqu’à la moelle, puis demandent un permis de démolition pour construire du neuf. Un scénario que fait penser au vieux proverbe: si tu veux noyer ton chien, accuse-le d’avoir la rage.
C’est pareil en matière de patrimoine. Si tu veux démolir un vieux bâtiment, prétends qu’il est irrécupérable…
Ceci dit, la Ville de Gatineau dispose déjà de plusieurs outils pour sanctionner les propriétaires récalcitrants. Avis d’infraction, amendes, poursuites devant les tribunaux… Mais elle hésite parfois à les utiliser, de peur d’avoir à mener de coûteux et épiques affrontements en cour de justice.
Gatineau fait bien de s’inspirer de ce qui se fait ailleurs. Mais à la fin, ça reviendra à une chose: la volonté d’agir. Québec a agi. Gatineau se doit d’emboîter le pas le plus vite possible.