Je lui ai lâché un coup de fil plus tôt cette semaine. L’air assuré et le verbe coloré d’un tout petit accent anglophone, il est emballé à l'idée de revenir chez lui, où il est né — à Lauzon sur la Rive-Sud de Québec en 1945 — et où il a joué avec les As dans la Ligue américaine, à la fin des années soixante.
Pour André Lacroix, cette grande fête de l’AMH et des Nordiques sera surtout l’occasion de fraterniser avec de vieux potes. Se dire, hé, tu n’as pas du tout changé! «La majorité des joueurs qui vont être là pour la réunion, ça fait environ 40 ans que je ne les ai pas vus, dit-il. Et j’ai bien hâte de voir les gens de Québec.»
Beaucoup d'argent
Lorsqu’on lui parle des débuts du circuit maudit en 1972, Lacroix sourit. On le comprend, lui qui a vu les Blazers de Philadelphie doubler le salaire qu’il gagnait la saison précédente chez les Blackhawks de Chicago.
Un pactole payable sur cinq ans! «J’ai dit : “Hou, c’est intéressant ça!’’ raconte-t-il avec un sourire dans la voix en parlant de l’offre alléchante de 1972. Si je n’allais pas avec les Blazers, les Blackhawks m’auraient échangé de toute façon. Je n’étais pas content, et eux ne l’étaient pas non plus.»
En plus des dollars, l’AMH a été bonne pour le plus jeune d’une grande famille de 14 enfants. André Lacroix a été à la hauteur des attentes en obtenant six saisons consécutives de plus de 100 points, dont une récolte record de 147 points en 1974-75 dans l’uniforme des Mariners de San Diego, qu'il qualifie de «la meilleure place au monde».
Du talent
L’ancien des Flyers de Philadelphie dans la Ligue nationale de hockey explique son succès simplement : il n’a fait que laisser son talent s’exprimer sur la glace. «J’ai remporté trois championnats de suite dans le midget à Bienville, j’ai terminé champion compteur junior et été nommé deux fois le joueur le plus utile de la ligue dans la meilleure ligue junior au monde, évoque-t-il en parlant du circuit junior ontarien. Je n’étais pas surpris [de continuer dans l’AMH], ils m’ont donné l’occasion de jouer le genre de jeu que je voulais jouer, c’est tout!»
Près d’un demi-siècle plus tard, l’année 1974-75 demeure toujours très «spéciale» pour Lacroix. Grâce à son impressionnante récolte de 41 buts, 106 passes pour 147 points en 78 parties, il fait partie d’une très courte liste de quatre joueurs à avoir récolté 100 mentions d’aide dans une même saison dans une ligue professionnelle avec Wayne Gretzky (11 fois), Mario Lemieux (1) et Bobby Orr (1).
«C’était tout le temps plus important pour moi d’avoir une passe que d’avoir un but, raconte l’ancien joueur de centre. Avoir 100 passes dans une saison, c’est l’équivalent d’un joueur de baseball qui frappe pour ,400.»
Le meilleur pointeur de l'AMH
André Lacroix surpasse de grands noms de l’histoire comme Marc Tardif, Bobby Hull, Réal Cloutier, Gordie Howe et Jean-Claude Tremblay en étant le meilleur pointeur (798) et le meilleur passeur (547) de l’histoire de l’AMH. Des chiffres qui le rendent fier à quelques heures du début de la commémoration du 50e anniversaire de la création de ce circuit, et par le fait même, des Nordiques.
«Je voulais montrer à la Ligue nationale que j’étais capable de jouer au hockey, explique-t-il. L'autre raison qui me rend fier, c'est que j’ai pu accomplir ça avec plusieurs équipes.»
Lacroix, qui a toujours négocié ses propres contrats, a bien failli porter l’uniforme fleurdelisé. Le petit attaquant avait rencontré le jeune président des Nordiques, Me Marcel Aubut, dans le plus grand des secrets. «Ils m’ont fait rester dans une maison pour que personne ne sache que j’étais ici, se souvient-il. J’ai rencontré les 15 propriétaires des Nordiques. La seule raison que je n’ai pas joué pour Québec, c’est qu’on n’a pas pu s’entendre…»
Son seul regret, c’est de s’être arrêté à quatre petits points du plateau des 1000 en carrière, LNH et AMH combinées, un manque de délicatesse des Whalers de Hartford qui ne lui a pas permis d'atteindre ce chiffre magique.
Du reste, André Lacroix est fier de sa carrière, de ses exploits et de ses records. Sa flamme pour le hockey brûle toujours.
Il joue au hockey une fois par semaine avec des amis, groupe d’adeptes qu’il a formé il y a près d’une quinzaine d’années à Cleveland. «On joue tous les dimanche matin, à sept heures, pendant une heure. J’essaie aussi de marcher à tous les jours, je lis beaucoup de livres. J’essaie de me garder en bonne condition!»
Bonne visite à Québec, Monsieur Lacroix!