REGARDS SUR LA CAMPAGNE / Le Québec dans le monde. Voilà un thème orphelin. Moins tangible que la crise du logement ou l’effritement du système de santé, la diplomatie n’en est pas moins un rouage essentiel au futur de tout État. Quelles voies et quelle voix les partis politiques entendent-ils donner au Québec à l’international?
Le Québec possède un réseau diplomatique dans 34 villes sises dans 19 pays. Ce qui, pour un État, qui n’est pas un pays, s’avère respectable. En plus de cette présence, le Québec parle en son nom propre au sein de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Au cours du premier mandat de la CAQ, la diplomatie québécoise a été grandement axée sur l’économie. Non sans risque de voir se rétrécir les autres dimensions des relations internationales, dont la diplomatie culturelle, navire amiral pour la langue française.
Devant les résultats du dernier recensement de Statistiques Canada, sans équivoque quant à la précarité du français au Québec, l’offre des partis politiques ne se pense qu’à l’intérieur de nos frontières.
S’il va de soi que des actions fortes doivent être posées au Québec, il est rare qu’une règlementation séduise le cœur. Qu’on se le dise et qu’on se le répète : choisir le français par obligation ou par défaut n’induit pas la même relation avec la langue et ses locuteurs que si elle est choisie avec cœur, doublé d’un horizon de possibles.
Le moment n’est-il pas venu pour les aspirants au pouvoir de parler de la langue française autrement? De parler du français pour ce qu’il est aussi, c’est-à-dire une langue monde?
L’anglais exerce un attrait indéniable, telle une garantie de portes ouvertes sur l’international. Il est impératif de faire savoir que choisir le français ne condamne pas à un repli sur soi, ni à l’entre soi. À cet égard, certains partis doivent réaliser que ne parler de la langue française qu’en mode survie perpétue ce stéréotype d’un horizon bouché.
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En 2022, l’Observatoire de la langue française estime qu’avec ses 321 millions de locuteurs francophones et francophiles présents sur les cinq continents et dans 112 pays, le français est la cinquième langue mondiale. Pour le réseau diplomatique québécois, il y a 321 millions de personnes, dont 33 millions dans les Amériques, avec qui développer des affaires, faire avancer la science, créer des œuvres ou s’attaquer à l’urgence climatique. Comme on dit, «Il y a de quoi à faire», et à le faire en français.
La francophonie représente un espace unique où le Québec peut, par lui-même et pour lui-même, faire valoir sa vision de l’économie, de l’environnement, de la solidarité et de la démocratie.
Malheureusement, je crois que trop peu de Québécois le savent. Et que trop peu ont la chance d’être en contact avec les instances de la francophonie qui ont pignon sur notre territoire, je pense ici tant aux délégations générales, les consulats des États francophones et francophiles que Les offices jeunesse internationaux du Québec (LOJIQ), l’Institut de la francophonie pour le développement durable (IDFF) ou le Centre de la francophonie des Amériques.
Pour qui est habitué d’aborder la langue française en position de lutte et de survie, aller à la rencontre de la francophonie internationale vous assure de vivre un contraste percutant. La francophonie internationale nous plonge dans la diversifiée joyeuse, audacieuse, portant certes ses blessures historiques, mais généreuse de ponts entre les cultures.
Voilà la langue monde qu’il est urgent de mieux faire connaître au grand public.
Gouverner, c’est placer le Québec sur l’échiquier mondial. La discrétion inhérente à la fonction diplomatique ne devrait pas se prolonger dans la campagne électorale. Autrement, il est tentant de conclure à une absence de vision, ce qui n’augure rien de bon, qu’on reste Québec province ou que l’on devienne Québec pays.