Tamino et «l’instrument de l’âme»

Lors de la composition de ses nouvelles chansons, Tamino a jeté son dévolu sur l’oud, un luth arabe surnommé «l’instrument de l’âme».

Après un premier album largement acclamé, Tamino émerge d’une nouvelle période de création et présente Sahar. Sur cette nouvelle offrande musicale, le chanteur à la voix d’or a poursuivi sa collaboration avec le bassiste de Radiohead Colin Greenwood et s’est découvert des affinités artistiques avec la chanteuse Angèle.


Le monde est petit en Belgique. Ses artistes finissent immanquablement par se connaître, surtout quand ils commencent leur carrière en même temps. 

En octobre 2018, Tamino a fait paraître Amir deux semaines après qu’Angèle ait elle-même dévoilé son premier album Brol. À partir de ce moment, ils n’ont cessé de se croiser dans les festivals ainsi que dans le cadre d’autres événements artistiques et culturels.  

Pourtant, ils ne s’étaient jamais réellement parlé au-delà des salutations d’usage et autres politesses. Il y a un an, Angèle a invité Tamino à la rejoindre en studio afin d’explorer ce qu’ils pouvaient créer ensemble.  

«On s'est entendus très vite. Je me suis senti à l’aise et j'ai été impressionné par elle», affirme-t-il. 

Quelques semaines plus tard, Tamino a composé une chanson dans laquelle cohabitent deux personnages. Le compositeur a alors pensé à Angèle pour interpréter l’une des voix de Sunflower

Cette collaboration pourrait surprendre quelques personnes, car ces deux artistes belges ont des styles très différents.  

On peut entendre la chanteuse belge Angèle sur la chanson <em>Sunflower </em>de Tamino.

«Le style m’importe peu. Ce qui m’importe c’est l’intégrité et les valeurs artistiques d’une personne, ainsi que ses valeurs en tant qu'être humain», insiste l’auteur-compositeur-interprète. 

En plus de cette nouvelle collaboration, le musicien a approfondi celle qu’il entretient avec le bassiste de Radiohead, Colin Greenwood. Après avoir joué sur un morceau de l’album Amir, on l’entend à présent sur plus de la moitié des titres de Sahar

Le royaume de l’entre-deux 

Tamino est à Philadelphie au moment de son entrevue avec Le Soleil. La veille, il a offert le premier concert de sa tournée nord-américaine qui est, en partie, une reprise de celle qu’il a dû interrompre en 2020, mais dans laquelle il présente aussi Sahar.

«J’ai joué plusieurs de mes nouvelles chansons pour la première fois, c’était assez excitant. […] Je découvre ces chansons sous un tout autre jour», déclare l’auteur-compositeur-interprète.

Le musicien a particulièrement aimé l’expérience d’interpréter The Longing sur scène. Il pressentait depuis longtemps que cette pièce qui ouvre son nouvel album serait spéciale.

L’artiste belgo-égyptien considère que ses compositions sont assez différentes les unes des autres, mais qu’elles vivent dans un lieu commun, «le royaume de l’entre-deux».

«Quand j’ai choisi ces 10 chansons, Sahar a semblé un titre approprié. Ça signifie “juste avant l’aube”, explique-t-il. Ce n’est pas la nuit, ce n’est pas le jour, c’est un entre-deux, un moment de réflexion.»

Un moment de création

Tamino aime la solitude. Il en a besoin pour son équilibre personnel ainsi que pour saisir la musique qui le traverse.

D’où son absence des réseaux sociaux alors qu’il travaillait sur Sahar.

«C’est tout simplement une énorme distraction. Instagram et ce genre d’apps sont conçus pour vous rendre dépendant. C’est la raison principale pour ne pas l’avoir sur mon téléphone : pour ne pas être distrait et pouvoir créer beaucoup plus», indique le résident d’Anvers.

C’est là, dans son appartement, qu’il a composé les pièces de son nouvel album et plusieurs autres. Il en avait plus d’une trentaine au moment de choisir celles qui formeraient son deuxième opus.

«J’essaie d’écrire quelque chose qui me touche et j’observe où la chanson veut me mener…», soutient celui qui se sent comme le vaisseau de la musique qui le choisit.

Tout de même, extraire ces mélodies de soi demande beaucoup de travail, précise-t-il.

La profondeur de l’oud

«Parfois, tu prends un instrument et tu connectes immédiatement avec lui, alors qu’avec tant d’autres, non», témoigne l’artiste.

Tamino est de ces musiciens qui entretiennent des relations spéciales avec leurs instruments. La guitare de son grand-père Moharam Fouad, vedette égyptienne de la chanson et du cinéma, lui est très précieuse.

Pour la préserver, il joue de moins en moins de cet instrument antique. Lors de la composition de ses nouvelles chansons, Tamino a jeté son dévolu sur l’oud.

Il a appris à jouer de ce luth arabe auprès d’un musicien et réfugié syrien vivant à Anvers, Tarek Al Sayed Yahya.

«J’ai essayé de jouer un peu avant, mais je n’étais pas bon. Il y a deux ans, j’ai commencé à prendre des leçons», raconte-t-il.

Surnommé «l’instrument de l’âme», l’oud apporte une profondeur notable au son de ses nouvelles pièces.

Lors de la composition de ses nouvelles chansons, Tamino a jeté son dévolu sur l’oud, un luth arabe surnommé «l’instrument de l’âme».

«Il n’y a pas de frettes, donc on peut jouer des quarts de ton et aussi, quand on les joue, on a plus de chances de les chanter, explique le musicien. Cet album sonne plus spacieux et intime à la fois. Probablement parce que les instruments principaux sont acoustiques.»

Tamino affirme avoir été moins contrôlant lors de la production de ce deuxième album que le premier.

«Lâcher prise, même en dehors de la musique, est quelque chose que j’ai dû apprendre», admet-il.