Vous pourriez ne pas vouloir danser de joie au soir du 3 octobre prochain

François Legault lors d'un rassemblement à Drummondville.

POINT DE VUE / La comparaison des plus récentes législatures provinciales démontre que, durant les dernières années, la gauche a régressé en termes de représentativité à l’Assemblée nationale du Québec. Et les projections concernant les résultats des prochaines élections sont préoccupantes. À long terme, le phénomène fait perdre du poids aux plus ardents défenseurs de notre social-démocratie.


Sympathique aux réjouissances des 125 nouveaux élus, je me souviens d’avoir tout de même passé la fin de ma soirée électorale d’octobre 2018 habité par un mélange d’incrédulité et de doute. Je n’en revenais pas des surprises du moment: de bonne guerre, on devait souligner la fin d’une ère, celle de l’alternance bipartite entre le Parti libéral du Québec (PLQ) et le Parti Québécois (PQ). La Coalition avenir Québec (CAQ) vibrait au tonnerre de sa victoire fracassante. D’autre part, il fallait aussi constater la montée de Québec solidaire (QS). 

Ce soir-là, le paysage politique québécois s’est indiscutablement redessiné sous nos yeux. Mais j’ai surtout titillé en constatant les réjouissances des membres de QS.

Lorsque l’on consulte les chiffres, en excluant les indépendants, la 41e législature (avec le gouvernement Couillard) s’est clôturée avec 31 députés de gauche (PQ: 28, QS: 3), contre 89 de droite (PLQ et CAQ). L’élection de 2018 (inaugurant un gouvernement caquiste) a fait élire vingt députés de gauche (dix pour le PQ, dix pour QS), contre 105 de droite. Ce constat me rendait incapable de communier à l’intensité des réjouissances de QS, dont certains membres dansaient devant les caméras. Eux-mêmes gagnaient sept autres députés à l’Assemblée nationale, mais globalement, nous perdions onze députés explicitement de gauche au sein de la législature émergente.

Au mois d’octobre qui vient, si l’on se fie aux projections de Qc125, le tableau devrait s’assombrir encore pour la gauche. Avec potentiellement dix députés solidaires et un péquiste, ce pourrait être un spectaculaire 114 députés de droite qui entrent à l’Assemblée nationale. 

Peu importe l’interprétation que l’on en fait, il est inéluctable de constater que le nombre d’élus appartenant au grand ensemble politique de gauche se marginalise peu à peu avec le temps.

Je vous l’admets d’emblée, mes préférences se situent plutôt à gauche sur l’échiquier de la politique québécoise et canadienne. Je crois que les politiques sociales les plus audacieuses de l’État sont à l’origine de nos grandes réussites collectives. 

Éducation supérieure à faible coût, soins de santé universels, assurance médicaments, politiques familiales: ce ne sont que quelques mesures phares de notre système inspiré par un grand idéal collectif de redistribution de la richesse et d’égalité des chances.

Pour faciliter la clarté de mon propos, j’ai tiré des raccourcis. Les acquis de notre Révolution tranquille sont évidemment chers à la grande majorité d’entre nous, en outre au sein des partis que j’ai considérés à droite. La gauche n’a pas le monopole de cet héritage. Mais j’écoute les promesses inspirées par les refrains des sirènes néolibérales qui chantent depuis le début de la présente campagne électorale et je m’inquiète: baisses d’impôts, privé en santé, euphémismes concernant les questions environnementales, etc. 

Si le nombre d’élus explicitement portés par les idéaux de social-démocratie ne cesse de dégringoler à l’Assemblée nationale du Québec, le 3 octobre prochain, on pourrait bien ne pas avoir envie de danser avant un bon bout.