Des propos similaires lui avaient valu, le 13 juin, une suspension sans solde de huit semaines.
Deux jours après l’entrevue au 98,1, un auditeur a déposé une plainte succincte via le site web de l’Université Laval: «Décidément votre professeur n’apprend pas de sa suspension, persiste et signe avec une entrevue de désinformation. Surtout lorsque qu’il dit que le vaccin est pire pour les enfants que la maladie elle-même et qu’ils ne sont pas un vecteur entre autre.»
Cette plainte est accompagnée d’une capture d’écran d’un commentaire de Patrick Provost sur la page Facebook de CHOI 98,1: «L’efficacité des vaccins est négative au Québec depuis décembre 2021 (le gouvernement a fait disparaître cette donnée sur son tableau de bord peu de temps après…) cela signifie qu’on a plus de chances d’être infecté si on est vacciné. C’est tout le contraire d’un vaccin traditionnel. Pourquoi se faire vacciner?»
Professeur au département de microbiologie-infectiologie et d’immunologie de l’Université Laval, Patrick Provost contredit plusieurs consensus scientifiques entourant la COVID et la vaccination, notamment en remettant en question la sécurité des vaccins Pfizer et Moderna, l’arn messager (la matière première dont on tire les vaccins) étant un sujet qui fait partie de son champ d’études.
Or, il tient aussi des propos épousant les thèses complotistes, qui n’ont d’ailleurs pas manqué d’être récupérés par ceux et celles qui y adhèrent.
Le 4 août, Patrick Provost a été informé par l’Université Laval que la nouvelle plainte a été retenue et qu’il devra se soumettre de nouveau au processus disciplinaire qui lui avait valu en juin une suspension de huit semaines après une première plainte déposée par un professeur à la faculté de Médecine.
La suspension a pris fin le 9 août, après quoi Patrick Provost a entamé une année d’études, qui était prévue avant que le scandale n’éclate.
Dans un premier temps, il sera convoqué à une rencontre pour s’expliquer après quoi l’Université déterminera si elle confie le dossier cette fois encore à un comité d’enquête chargé de déterminer si la plainte est fondée, si le professeur Provost a manqué à ses obligations et à ses devoirs.
Au terme de l’exercice, il s’expose donc à de nouvelles sanctions. «Je pourrais avoir une autre suspension ou même être congédié. C’est l’indépendance et la liberté des professeurs qui est au cœur de l’affaire. L’université de veut pas de débat, il n’y a aucun dialogue, aucun échange, c’est : “tu n’a pas le droit de dire ça”, ils sortent le bâton de baseball et ils me frappent dessus.»
Plusieurs personnes sont aussi d’avis que cette affaire - connue désormais comme l’affaire Provost - met en péril la liberté universitaire. C’est le cas de Chantal Pouliot, professeure au département d’études sur l’enseignement à l’Université Laval, qui faisait partie du comité mis sur pied par le gouvernement pour accoucher de solutions pour préserver cette liberté. «Les chercheurs doivent pouvoir exprimer des réserves et des critiques quant au discours sociopolitique dominant sans craindre un traitement punitif», insiste-t-elle.
Elle souligne aussi que ce deuxième processus disciplinaire survient alors que la nouvelle loi sur la liberté universitaire vient d’être adoptée il y a à peine trois mois. «Ça pourrait être un premier test, c’est à la lumière de la loi que la situation aurait dû être interprétée. La loi vise à accentuer la reconnaissance et la protection de la liberté universitaire. Il m’apparaît clair que les propos qui ont été reprochés à Provost sont protégés par cette loi.»
Le gouvernement a un an pour mettre en place un comité qui étudiera des dossiers comme celui de Patrick Provost. «C’est là que son cas devrait être étudié.»
Le recours à des sanctions disciplinaires par l’université, craint-elle, risque d’avoir l’effet d’une douche froide, voire d’une muselière dans le corps professoral. «À l’Université Laval, plusieurs professeurs sont stupéfaits vis-à-vis du traitement disciplinaire dont a été l’objet Patrick Provost cet été. Ils et elles sont inquiets de ce que le traitement de la deuxième plainte par l’administration lui réserve.»
Selon les principes de la liberté universitaire, il ne revient pas aux établissements de statuer ce qu’un professeur a le droit de dire ou non. L’article 3.3 de loi est clair : «un professeur a le droit «d’exprimer son opinion sur la société et sur une institution, y compris l’établissement duquel la personne relève, ainsi que sur toute doctrine, tout dogme ou toute opinion.»
La vaccination, alors que le monde était confronté à une pandémie galopante, a très tôt revêtu les habits du dogme.
Le syndicat des professeurs de l’Université Laval a d’ailleurs contesté la première suspension de Patrick Provost en déposant un grief et s'oppose également à ce deuxième processus disciplinaire qui pourrait se solder de nouvelles sanctions. «Ils ont aussi fait suivre mon dossier à la Commission permanente sur la liberté académique (COPLA) qui devrait se prononcer à l’automne», indique Patrick Provost.
La COPLA avait dénoncé la première suspension.
L’Université Laval, de son côté, préfère ne pas commenter le dossier comme elle l’a fait en juin lorsque la décision de suspendre le professeur Provost a été révélée dans les médias. «M. Provost est le seul à pouvoir fournir des informations sur la situation qui concerne son dossier personnel, car à l’Université Laval, comme ailleurs, le contenu du dossier personnel d’une employée ou d’un employé est confidentiel, et ce, conformément à la loi sur la protection des renseignements personnels.»
La responsable des médias, Andrée-Anne Stewart, a poursuivi son courriel en rappelant le processus de traitement des plaintes de l’institution. «Qu’il s’agisse d’une personne avec le statut de professeur ou d’un autre titre d’emploi, l’Université doit traiter toute plainte déposée par un membre de la communauté interne ou externe. Le traitement d’une plainte se fait conformément aux diverses normes et politiques applicables, selon la nature de la plainte.»
Elle a aussi précisé, après avoir rappelé les principes de la liberté universitaire contenus dans la loi, que ce droit «doit s’exercer en conformité avec les normes d’éthique et de rigueur scientifique généralement reconnues par le milieu universitaire et en tenant compte des droits des autres membres de la communauté universitaire.»
Patrick Provost persiste et signe. «Si un chercheur se positionnait contre le vaccin contre le tétanos, il devra assurer sa propre parole. S’il avance une chose comme ça, il va avancer les données qui l’ont amené à ça pour qu’on puisse en débattre. Je prétends être en mesure de contribuer à la vérité, je veux pouvoir le faire.»