PARLER À UN HUMAIN | Un syndicat dénonce la «déshumanisation» des services

Le président du Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec, Christian Daigle, accuse le gouvernement de se désengager en matière de services aux citoyens.

«La pandémie sert de prétexte à l'État pour poursuivre la déshumanisation de ses services.»


Réagissant à l'enquête «Pas facile de parler à un humain à la SAAQ et la RAMQ», publiée lundi par les Coops de l'information, le président du Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ), Christian Daigle, accuse le gouvernement de se désengager en matière de services aux citoyens. 

Le syndicat regroupant le plus grand nombre de fonctionnaires offrant des services de première ligne estime que cette déshumanisation des services avait commencé avant la pandémie.



Dans le cadre d’une enquête menée en juillet et en août, les Coops de l’information ont testé les services téléphoniques de dix sociétés d’État, ministères et organismes parmi les plus utilisés par les Québécois, afin de savoir s’il était encore possible de parler à un humain. Parmi les pires résultats, 80% des appels à la Société de l’assurance-automobile du Québec (SAAQ) se sont soldés par un échec, tandis que la moitié de nos tentatives à la Régie de l'assurance-maladie du Québec (RAMQ) ont été vaines.

Christian Daigle est président du Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec.

Pourtant, selon un sondage maison dévoilé par la SAAQ, l’indice de satisfaction de la clientèle serait de 8,6 sur 10. «Un sondage, on peut lui faire dire n'importe quoi, réplique le président du SFPQ. Si on demande aux gens servis s'ils sont bien servis, c'est vrai que nos membres donnent du bon service. Mais on devrait plutôt demander si l'accès au service a été difficile.»

Le Protecteur du citoyen avait sonné l’alarme

Les difficultés d'accès à la RAMQ et à la SAAQ étaient déjà à l'écran-radar du Protecteur du citoyen. Les délais d’attente à la RAMQ ont été dénoncés dans son rapport annuel de 2019-2020. «À ce jour, cette situation ne semble pas être réglée malgré les efforts déployés par la RAMQ. Le Protecteur du citoyen suit attentivement cette problématique et poursuit ses démarches auprès de la RAMQ afin que l’accès aux services téléphoniques s’améliore», écrit dans un courriel Carole-Anne Huot, responsable des relations avec les médias.

Les délais d’attente à la RAMQ ont été dénoncés dans le rapport annuel du Protecteur du citoyen.

À l'époque, le Protecteur du citoyen relevait un fort volume d’appels à la RAMQ au moment de l’arrivée des travailleurs étrangers, au printemps, et des étudiants étrangers, à l’automne. La RAMQ évoquait également le départ de plusieurs employés, en 2019, pour justifier les difficultés à répondre dans les temps impartis. La RAMQ espérait alors que le virage numérique qu’elle amorçait contribuerait à régler le problème.

Le Protecteur du citoyen dit également faire des suivis auprès de la SAAQ pour que «la situation rentre dans l’ordre». Il affirme effectuer régulièrement des tests téléphoniques pour vérifier l’accès aux services de la SAAQ.

À la SAAQ, la Déclaration de services aux citoyens indique qu’on tente de respecter un délai de trois minutes pour 80 % des appels.

Le Protecteur du citoyen effectue régulièrement des tests téléphoniques pour vérifier l’accès aux services de la SAAQ.

Selon le Protecteur du citoyen, «chaque personne qui a besoin de faire affaire avec un service public doit pouvoir obtenir le service auquel elle a droit, peu importe sa condition et ses capacités». Il doit donc avoir la possibilité de joindre ces services publics par téléphone, en personne, par écrit, par courriel, par clavardage ou par formulaire en ligne, selon le moyen le plus approprié à sa condition et à ses capacités.

Les partis politiques réagissent 

Tous les partis politiques ont réagi lundi à l’enquête des Coops de l’information.

La Coalition Avenir Québec (CAQ) n’a pas cherché à défendre son bilan à ce chapitre, estimant que la Société de l'assurance automobile du Québec doit s’assurer de livrer la marchandise en matière de services aux citoyens. «On s’attend à ce que la SAAQ prenne toutes les mesures nécessaires pour répondre adéquatement aux clients dans des délais raisonnables, peu importe la période de l’année et de l’achalandage», a affirmé la CAQ dans une déclaration officielle.

La cheffe libérale, Dominique Anglade, y voit une conséquence de la pénurie de main-d’œuvre. «Il s’agit encore une fois d’un autre exemple des difficultés engendrées par la pénurie de main-d’œuvre qui vient compromettre l’accès aux services gouvernementaux, a estimé Mme Anglade par courriel. Les citoyens ne devraient pas attendre des heures et se buter à une absence de réponse à leurs questions. Leur temps est précieux. Le gouvernement a la responsabilité de s’assurer d’avoir en place le personnel et les moyens technologiques nécessaires pour offrir aux citoyens les services auxquels ils ont droit dans un délai raisonnable.»



La cheffe libérale Dominique Anglade était de passage à Laval, lundi. 

Le chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime, qui veut réduire la taille de l’État en coupant notamment le nombre de fonctionnaires, assure qu'il veut justement recentrer les ressources étatiques là où elles sont vraiment nécessaires. «On veut que l'État se concentre sur ses missions fondamentales et l'une de ses missions, c'est d'être certain que quand un citoyen appelle pour des services publics, qu'on ne le fait pas niaiser pendant 3h et que ça raccroche après», lance-t-il.

Le chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime, a tenu un point de presse devant l'assemblée nationale à Québec, lundi.

Chez Québec Solidaire (QS), le député sortant et candidat dans Jean-Lesage, Sol Zanetti, a estimé que le service rapide obtenu dans plusieurs ministères lors de l’enquête des Coops de l’information montre que la SAAQ et la RAMQ pourraient en faire autant. «Les bons taux de réponse qu’on voit dans certains organismes publics montrent que c’est possible, qu’on est capable de bien servir les gens, dit-il. Les mauvaises performances ailleurs montrent que, à mon avis, on ne donne pas au personnel dans le public toutes les ressources pour répondre aux besoins de la population.»

M. Zanetti, qui a été le porte-parole de QS pour les Aînés, ajoute qu’il a rencontré plusieurs personnes âgées un peu partout au Québec qui lui ont confié leur difficulté à parler à un humain dans les services publics.

Au Parti québécois, la candidate dans la circonscription de Saint-François, Sylvie Tanguay, a estimé que la difficulté de parler à un humain à la SAAQ et la RAMQ est «complètement déplorable et inacceptable».

«Les robots sont pratiques pour répondre aux appels, mais ne remplacent pas le service et la compréhension d’un être humain, ajoute Mme Tanguay. Le manque de personnel à la RAMQ et à la SAAQ, ce n’est pas une surprise. Le gouvernement a regardé le problème passer sans agir. On a été incapable de recruter du personnel et d’agir avant que ça éclate. Une vaste campagne de recrutement doit être lancée, et ce, dès maintenant.»