Elles sont quatre à encaisser depuis des années un flot de haine d'assaillants plus ou moins anonymes, qui font de leur vie un véritable enfer. Simplement parce qu’elles prennent leur place et qu’elles font entendre leur voix. Un grand «retourne dans ta cuisine», version 2.0.
Le film du duo Clermont-Dion/Maroist fait le pari de nous faire vivre à notre tour ce cauchemar. L’expérience s’avère percutante, révoltante et surtout inquiétante.
Deux politiciennes ont accepté de raconter leur histoire devant la caméra des réalisatrices québécoises.
Décrite comme «la femme la plus harcelée d’Italie», Laura Boldrini a été nommée présidente de la chambre des députés en 2013. Pour cette tête forte — qui arbore d’ailleurs fièrement à l’écran le coton ouaté «Je parle féministe» de la marque La Montréalaise Atelier —, les insultes et les menaces se sont intensifiées.
Des opposants qui font des effigies d’elle avec des poupées gonflables jusqu’à un maire qui lance un appel direct au viol sur les réseaux sociaux : ça en est presque surréaliste. Et pourtant…
Aux États-Unis, une autre élue fera les frais de propos haineux : députée dans l’État du Vermont, Kiah Morris est devenue la cible d’un groupe d’extrême droite à cause de son engagement politique et de la couleur de sa peau. D’abord à travers l’écran, puis jusqu’à la porte de son domicile.
YouTubeuse française, Marion Séclin a dénoncé le harcèlement de rue et a reçu pour réponse plus de 40 000 (elle dit avoir arrêté de compter en franchissant ce cap) messages haineux, dont de nombreuses menaces de viol et de mort.
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Jeune enseignante québécoise, Laurence Gratton vit elle aussi dans la peur depuis qu’un camarade de classe s’est créé de faux comptes pour la harceler, comme d’autres consœurs.
Des menaces qui n’ont pas été prises au sérieux quand des plaintes ont été logées.
En parallèle, un exemple démontrant que cette violence virtuelle peut cruellement trouver écho dans la réalité : celui de la jeune Rehtaeh Parsons, qui s’est suicidée après une agression sexuelle qui a été doublée d’une vague de cyberintimidation.
Analyses éclairantes et effrayantes
À travers ces témoignages on ne peut plus concrets de victimes qui gardent la tête haute, des avis d’experts, dont celui de la sœur du fondateur de Facebook, Donna Zuckerberg, qui ne se gêne pas pour montrer du doigt les réseaux sociaux dans cette montée de haine et de misogynie.
Des analyse éclairantes, mais aussi souvent effrayantes.
Parce qu’il est là le point de vue des réalisatrices Léa Clermont-Dion et Guylaine Maroist, qui présentent leur documentaire comme un suspense psychologique, comme une sorte de film d’horreur.
C’est appuyé par la musique qui se fait souvent anxiogène. Par ces messages dégradants (voire carrément dégueulasses) qui sont mitraillés à l’écran. Par ces images d’archives qui ont de quoi glacer le sang.
Un montage dynamique vient captiver le spectateur en même temps qu’il le fouette.
On ressort de ce documentaire avec un sentiment d’urgence : on doit parler de ce fléau et il faut que ça cesse.
Je vous salue salope est présenté au cinéma.
Au générique
Cote : ****
Titre : Je vous salue salope
Genre : Documentaire
Réalisatrices : Léa Clermont-Dion et Guylaine Maroist
Durée : 1h20