Selon la poursuite déposée à la Cour supérieure, Mme Nadeau réclame d'abord la somme de 250 000 $ au diffuseur public en réparation des dommages moraux «causés par sa conduite abusive, illégale et fautive».
Elle réclame également des dommages-intérêts punitifs d'une somme de 100 000 $ pour «les atteintes illicites et intentionnelles portées à ses droits fondamentaux de sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation».
Le 5 août 2021, Radio-Canada annonçait dans un communiqué que sa cheffe d'antenne du Téléjournal week-end avait informé la direction de l'information de son intention de prendre sa retraite l'automne suivant.
Or, dans une entrevue accordée au Soleil le 18 août 2021, Pascale Nadeau révélait ce qu'elle considérait comme étant les vraies raisons de son départ. Elle affirmait notamment avoir été suspendue sans salaire pour une période d'un mois en février 2021, après une plainte de la part d'un employé pour des propos qu'elle aurait tenus sur le plateau du Téléjournal. Il était question ici d'une dénonciation anonyme à l'égard de la cheffe d'antenne, faite par une tierce personne au nom d'autres personnes.
Dans une lettre publiée dans nos pages le même jour, Pascale Nadeau estimait avoir été traitée injustement par l'employeur et déplorait qu'on n'ait jamais tenu compte de sa version des faits.
Le jour même, la directrice de l'information de Radio-Canada, Luce Julien, convoquait les médias pour faire le point sur la situation. Elle niait catégoriquement que le départ à la retraite était un congédiement déguisé, comme l'affirmait Mme Nadeau dans sa lettre.
«Il était de notre responsabilité de protéger l'ensemble de nos employés», avait-elle précisé, parlant d'un «processus d'enquête rigoureux» mais préférant taire la nature de la plainte, «pour protéger la réputation de Pascale Nadeau».
Les avocates de la demanderesse, Me Caroline Biron et Me Ioana Jurca du cabinet Woods, considèrent aujourd'hui que le diffuseur public «a agi de manière délibérée, négligente et intempestive en ayant faussement dépeint Mme Nadeau au grand public comme ayant fait des victimes et que plusieurs personnes en avaient été témoin».
Elles considèrent du même coup que ces propos de Radio-Canada, qu'elles qualifient de «mensongers» et de «diffamatoires», ont porté atteinte «de manière irréversible à la réputation sans tache» de leur cliente.
Elles rappellent enfin que le rapport d'enquête concluait qu'«aucune "victime" ou aucun collaborateur n'est venu affirmer qu'ils étaient affectés par les propos de Mme Nadeau».
Par ailleurs, la poursuite dénonce le contenu d'un communiqué publié par Radio-Canada le 19 août 2021 et parle d'«une campagne interne de dénigrement de la réputation de Mme Nadeau auprès de ses collègues du service de l'Information de la SRC, ainsi que de son équipe de travail», jugeant que ces facteurs «ont gravement porté atteinte à sa réputation».
«En raison du dénigrement fait par la SRC, la carrière de Mme Nadeau est entachée pour toujours et son seul espoir de tenter de racheter son image auprès du public repose maintenant sur des procédures d'arbitrage», peut-on également lire dans la poursuite. On dit plus loin que ces atteintes à sa réputation ont «pratiquement mené à sa mort professionnelle».
En janvier dernier, l'arbitre Me Jean Allard a rejeté la demande d'amendement concernant «l'allégation de congédiement déguisé au motif qu'elle avait été déposée hors délai». Le mois suivant, le Syndicat des travailleuses et travailleurs de Radio-Canada déposait un nouveau grief pour congédiement déguisé, harcèlement et atteinte à la réputation de Mme Nadeau.
Jointe par Le Soleil, Pascale Nadeau n'a pas voulu commenter le dossier, suivant les recommandations de ses avocates. Radio-Canada, qui n'avait toujours pas reçu la poursuite au moment où nous avons contacté le service des communications, compte réagir après en avoir pris connaissance.