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C’est un des premiers sujets abordés dans l’histoire de cette chronique : j’en ai parlé le 19 décembre 2003! Vérifions si les choses ont changé depuis...

Non seulement ça n’a pas bougé, mais vous serez étonnée d’apprendre que plusieurs ouvrages ne voient toujours rien de répréhensible à utiliser le verbe «être» au passé composé comme synonyme d’«aller». À commencer par le «Petit Robert», qui donne des exemples sans jamais mentionner que cet usage est critiqué ni même familier.

Peut-être parce que cela créerait une forme d’incohérence... En effet, êtes-vous déjà tombée sur une phrase de style littéraire comme «elle s’en fut chez sa voisine» ou «il s’en fut à la chasse»?

Aux dernières nouvelles, «fut» est bel et bien le verbe «être» au passé simple... Donc, dans certains contextes, cette substitution d’«aller» par «être» passe comme une lettre à la poste.

En fait, «Le bon usage» de Grevisse et Goose nous apprend que «l’emploi d’\"être\" pour \"aller\" remonte aux origines de la langue et même au latin».

Il est même notoire que Voltaire a vivement reproché à Corneille, dans un commentaire sur sa pièce La mort de Pompée, d’avoir écrit «il fut [il alla] jusques à Rome implorer le sénat», alors que lui-même a écrit, dans ses Lettres philosophiques, «je fus le chercher dans sa retraite».

Le Dictionnaire Littré a pour sa part tenté de justifier cet usage en arguant que, contrairement à «il est allé», «il a été» permet de savoir que la personne est revenue.

Dans les faits, personne n’a cure de cette distinction. Georges Sand a ainsi écrit : «Tous ceux qui ont été à la Roche-Mauprat n’en sont pas revenus.»

J’y étais!

S’il y a un contexte où il ne devrait pas y avoir de problème à dire «j’ai été», c’est lorsqu’on fait suivre cette locution d’une préposition et d’un nom de lieu, par exemple «j’ai été à Montréal, chez ma meilleure amie, dans les Cantons-de-l’Est, sur le toit de la grange pour le réparer».

La preuve, c’est que vous pouvez changer le temps de verbe et la phrase se tient toujours.

«J’étais à Montréal.»

«Je suis chez ma meilleure amie.»

«Je serai dans les Cantons-de-l’Est.»

«Si j’avais les outils, je serais sur le toit de la grange pour le réparer.»

Même les partisans du verbe «aller» ne pourront contester que vous «étiez» à cet endroit. Un à zéro pour l’équipe du verbe «être».

Qu’en est-il maintenant quand «j’ai été, il a été, elles ont été» et compagnie sont suivis d’un infinitif?

Il apparaît clairement qu’on ne peut pas changer le temps de verbe comme on le voudrait et dire «je suis chercher, j’étais chercher» au lieu de «j’ai été chercher».

Toutefois, on se rend compte très vite que l’usage ne s’embarrasse pas de ce détail. Plusieurs grands auteurs font ainsi suivre «j’ai été» d’un verbe à l’infinitif, comme «faire», «ramasser», «prendre», «retrouver», etc.

Au passé, «avoir été» prend même habituellement la place du verbe «aller» au sens figuré. Par exemple, dans la phrase «elle va bien», «aller» est synonyme de «se porter». Mais les gens diront toutefois, au passé, qu’ils «ont bien été» après leur opération.

Demandez également à quelqu’un comment fonctionne sa voiture au retour des vacances : il va probablement vous répondre que maintenant, elle va mal (verbe «aller»), mais que, pendant le voyage, elle a bien été (verbe «être»).

«Il s’en est été»

Que conclure? Que cet emploi pullule chez les grands auteurs comme chez les gens ordinaires, ici comme en France et ailleurs dans la francophonie.

Au Québec, nous allons même une coche plus loin, et vous entendrez des personnes dire (abusivement quand même) «il s’en a été» et «il s’est en été» au lieu d’«il s’en est allé». C’est dire à quel point ce phénomène d’origine très ancienne est ancré profondément.

Donc, vous savez maintenant qu’il n’y a pas unanimité, même si on nous martèle depuis le secondaire, voire depuis le primaire, qu’il faut dire «je suis allé» et non «j’ai été».

Le «Petit Robert», le «Petit Larousse» et Usito, qui ne sont quand même pas nés de la dernière pluie, n’émettent aucune restriction. La Banque de dépannage linguistique est silencieuse sur cette question. Le Dictionnaire de l’Académie française ainsi que les dictionnaires de difficultés de Larousse et Bordas considèrent cet usage comme familier et recommandent de l’éviter à l’écrit et dans la langue soutenue.

Mais en fin de compte, il y a beaucoup plus d’ouvrages neutres que d’ouvrages déconseillant cette tournure. Peut-être est-il temps de concéder une fois pour toutes que cette forme est bien implantée, même si, d’un point de vue grammatical, elle ne respecte pas toujours les règles (un infinitif ne peut normalement jamais suivre le verbe «être»).

J’ai donc envie de conclure de la même façon qu’en 2003 : si vous tenez à votre verbe «être», gardez le lien de cette chronique dans votre cellulaire ou imprimez-la et placez-la dans votre portefeuille ou votre sac à main. Vous aurez ainsi les arguments sous la main au cas où quelqu’un vous reprendrait.

Perles de la semaine

La seule mappemonde que certains élèves connaissent, c’est la chanson des sœurs Boulay...

«La moitié de la Hollande est recouverte par la mer, l’autre moitié est recouverte de tulipes et de fromages.»

«L’Espagne s’appelle aussi la péninsule hystérique.»

«C’est en Angleterre que passe le méridien de Greenpeace.»

«Les Anglais sont des Anglo-Saxophones.»

«Autour des grandes villes d’Afrique, les gens habitent dans des bidons d’huile.»

Source : «Le sottisier du collège», Philippe Mignaval, Éditions Points, 2010.

Questions ou commentaires?
Steve.bergeron@latribune.qc.ca

Il est maintenant temps d’une pause estivale pour «Séance d’orthographe». Je serai de retour avec vous à la mi-septembre. Vous pouvez tout de même m’envoyer vos questions et commentaires, je les garderai en banque pour l’automne. D’ici là, je vous souhaite une excellente fin d’été.

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