«Plus on en apprend et plus c’est dégoûtant», se désole Pascale St-Onge. «C’est une situation très prenante, très préoccupante», admet aussi la ministre, dont l’agenda est fortement teinté par ce dossier depuis quelques semaines, au point de devoir réduire ses vacances.
N’empêche, si la députée de Brome-Missisquoi ne cache pas être elle aussi surprise par les histoires que les médias déterrent, elle rappelle que ce n’est pas la première fois que de tels scandales éclaboussent le sport. Malheureusement.
Il y a des histoires dans le sport professionnel, dans le sport élite, dans le sport amateur et dans le sport étudiant. Tapez «agression sexuelle + athlète» sur votre moteur de recherche préféré et vous aurez des heures de lectures pas agréables.
Vous apprendrez peut-être, par exemple, que lorsqu’on parle d’agressions sexuelles commises dans un contexte sportif, 98 % du temps, les agresseurs sont des entraineurs, des instructeurs ou des enseignants.
Pascale St-Onge rappelle qu’il y a une relation de pouvoir particulière dans le milieu sportif, puisque les carrières dépendent beaucoup des entraineurs. «Les coachs ont beaucoup de pouvoir, ce qui encourage une culture du silence», explique la ministre. Un phénomène corroboré par différentes études.
Même si les agressions sexuelles ont lieu dans tous les domaines, la culture du sport en fait un lieu propice aux abus. L’athlète a souvent une confiance aveugle en son entraineur. Plusieurs comportements sont encouragés dans le sport, comme la bagarre, les blessures, la douleur, le sacrifice de soi. On a tendance à accepter dans le sport des comportements qui passeraient moins inaperçus en général.
Autre problème de taille, il y a un cruel manque de diversité. Tout le monde a vu que Hockey Canada était très masculin. Mais c’est partout comme ça. L’an dernier, on retrouvait seulement 18 % d’entraineures. C’est même un recul, elles étaient 25 % il y a quelques années. En plus, une entraineure exerce environ 4 ans en moyenne, contre 11 ans pour un homme. Les iniquités salariales, la difficulté d’être prise au sérieux et même le refus de plusieurs athlètes d’être entrainés par des femmes, tout ça fait en sorte qu’elles restent moins longtemps.
Heureusement, quelques récentes nominations d’entraineures ou de directrices au sein d’importantes équipes professionnelles pourraient renverser la vapeur.
Cette diversité est l’une des clés selon Pascale St-Onge pour changer la culture. Pour avoir droit au financement du fédéral, les fédérations et les associations sportives devront répondre à des critères resserrés, y compris dans la gouvernance. Plus de femmes, mais aussi plus de diversités culturelles, plus de parcours différents.
«On espère que ce levier amènera plus de diversités, explique la ministre. On ne peut pas changer une structure si les directions ne changent pas. Si le leadership est homogène, c’est dur de faire entrer de nouvelles perspectives et différentes initiatives.»
Au moment de notre discussion, Pascale St-Onge venait d’apprendre que son ministère ne peut pas mettre sous tutelle Hockey Canada. Ceci ne décourage pas la ministre, qui retiendra le financement tant que l’organisme n’aura pas fait les changements exigés.
Si Hockey Canada attire les regards ces temps-ci, la ministre rappelle que c’est l’ensemble du sport qui vit une crise. On lui a demandé d’agir également dans d’autres fédérations ou associations. «Il existe déjà plusieurs initiatives dans plusieurs organismes, souligne-t-elle, mais là où c’est plus enraciné, il faut accélérer le rythme.»
«Je peux imposer des critères de financement plus exigeants, je peux mettre en place des politiques, raconte Pascale St-Onge, mais je ne peux pas changer la culture toute seule comme ministre. C’est national, c’est régional et c’est local.»
C’est aussi scolaire, comme le démontrent les récentes dénonciations concernant des entraineurs de basketball. C’est partout, à tous les échelons, dans tous les milieux. L’humour, le cinéma, la politique, la restauration, c’est partout.
Hockey Canada a utilisé l’expression «culture de comportements toxiques» plutôt que culture du viol, mais peu importe, tout ça est trop présent partout.
«C’est un phénomène de société, ajoute la députée. C’est le moment de changer les choses. Quand les langues se délient, c’est déjà un changement. Ça n’avance pas aussi rapidement qu’on voudrait, mais les choses évoluent.»
Devant des scandales, les ministres ont souvent le réflexe – ou le mandat – de faire comme si c’était une histoire isolée et que tout allait bien dans le meilleur des mondes. Pascale St-Onge ne joue pas cette carte.
C’est rassurant d’entendre une ministre qui ne se met pas la tête dans le sable, qui dit sans gêne qu’il y a un profond problème de culture et qui essaie de changer les choses tout en reconnaissant ses limites. Il y a quelque chose de lucide dans ses propos.
«Mon message, dit Pascale St-Onge, c’est que comme ministre, je peux mettre des politiques en place, mais si ça ne change pas sur les patinoires ou dans les gymnases, ça ne changera pas.»
Si le gouvernement et Hockey Canada ne doivent plus tolérer ce genre de comportements, on ne doit pas plus le tolérer lorsque ça se passe près de nous. Pour que ça change, il faut que tout le monde change.