Chronique|

Au revoir tante Gisèle

Gisèle Lalonde est décédée à l'âge de 89 ans.

CHRONIQUE / «On va avoir du fun».


Combien de fois ai-je entendu ma tante Gisèle prononcer ces mots? Mille fois? Cinq mille fois? 

«Venez, on va avoir du fun!». Et elle avait raison. C’était toujours le fun chez tante Gisèle et oncle Gilles.

Comme aux réveillons de Noël chez elle. Après la messe de minuit, c’est droit chez tante Gisèle que les neuf Gratton débarquaient. Il ne s’en fait plus de réveillons comme ceux-là. Les rires, la joie, la danse, la table bien garnie, les jeux et les chansons à répondre jusqu’au petit matin. Et le numéro que tout le monde attendait chaque année: tante Gisèle qui interprétait sa version grivoise de la chanson Catherinette. Je vous fais grâce des paroles, elle m’en voudrait que je les partage avec vous. Je l’entends me dire: «Vas pas écrire ça, mon Nini!».

Elle m’appelait «mon Nini».

«Viens faire un tour au chalet, mon Nini. On va avoir du fun».

Alors je m’arrêtais parfois à son chalet du Lac Schryer. Et Dieu qu’on avait du fun! Je ne voulais plus revenir en ville.

Gisèle Lalonde avait une joie de vivre contagieuse. Dans tout ce qu’elle entreprenait.

Je me souviens de sa campagne à la mairie de Vanier, en 1985. «Viens-tu m’aider à distribuer des dépliants aux portes de Vanier, mon Nini? On va avoir du fun».

J’avais 25 ans. Je n’entrevoyais aucun plaisir à arpenter les rues de Vanier pendant toute une soirée à distribuer des «votez Gisèle». Mais j’ai accepté. Et le lendemain, je suis retourné! Simplement parce que tante Gisèle avait trouvé le tour de rendre cette tâche le fun.

La longue lutte de S.O.S. Montfort a été difficile pour elle. Physiquement et émotionnellement difficile. Mais chaque fois que tante Gisèle et moi en reparlions au cours des dernières années, elle laissait toujours tomber: «ça n’a pas été facile, mais maudit qu’on a eu du fun, hein mon Nini!?».

Et ce petit sourire espiègle qu’elle lançait en le disant. Je n’oublierai jamais son sourire.

À titre de présidente de la Fondation de l’Hôpital Montfort, un poste qu’elle occupait dans les années 1990, Tante Gisèle organisait annuellement un téléthon à la télé communautaire Rogers d’Ottawa. 

Une année, elle a réussi à convaincre Zachary Richard de venir chanter quelques chansons à ce téléthon. Quand ce dernier s’est pointé à Vanier avec sa guitare, je lui ai demandé pourquoi il avait accepté de quitter sa Louisiane dans le sud des États-Unis pour venir à Vanier le temps d’une chanson.

«Parce qu’on ne peut pas dire non à Gisèle Lalonde», m’avait-il répondu en souriant.

Il avait tout compris.

On ne pouvait pas dire non à tante Gisèle. On ne VOULAIT pas dire non à tante Gisèle. 

On voulait la suivre dans ses luttes, dans ses combats, dans ses folies. On voulait juste un peu de cette joie de vivre qu’elle propageait et qu’elle rayonnait. On voulait être à ses côtés. On voulait rire avec elle. On voulait lutter avec elle. On voulait gagner avec elle.

Elle était une leader née. Elle était une tante incomparable, et une mère et une grand-mère attentionnée. Elle était et sera toujours une grande dame. 

Notre grande dame.

Dormez en paix, ma tante. Oncle Gilles, l’amour de votre vie, vous attend de l’autre côté. Vos soeur Reina et ma mère Cécile aussi, ainsi que votre frère Gérard. Tout le monde y sera pour vous accueillir. Je pense même que votre neveu Michel vous a rédigé un discours à prononcer pour votre arrivée. 

Merci pour tout, tante Gisèle. Vous aviez bien raison. Maudit qu’on a eu du fun!

— Votre Nini qui vous aime.