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Il n’est pas le seul. «J’en connais d’autres comme moi.»

Christian Farsy est comme bien des Français, il aimerait bien venir vivre – et travailler – au Québec. «C’est un rêve depuis plusieurs années. Je suis venu quelques fois au Québec et c’est là que j’aimerais vivre.» Avec la pénurie crainte de main-d’œuvre – il y a plus d’un million de postes à combler au Canada – on pourrait croire qu’on ouvrirait la porte plus grande à ceux qui veulent venir travailler.

Eh bien non.

Malgré que les employeurs s’arrachent les cheveux et les employés, les procédures d’Immigration Canada sont toujours celles établies quand le marché de l’emploi était à l’inverse. Pour embaucher quelqu’un de l’étranger, il faut d’abord prouver qu’il est impossible de combler cet emploi par un Canadien.

Ça se défendait à l’époque, on voulait éviter les «voleurs de job», selon l’expression consacrée. Or, nous n’en sommes plus là, et depuis longtemps, et rien ne laisse présager que l’actuelle pénurie de main-d’œuvre pourrait se résorber à court terme. Les employeurs n’ont donc pas fini de se casser la tête.

L’os, c’est l’EIMT, l’Étude d’impact sur le marché du travail que les employeurs doivent obtenir en faisant une demande à Emploi et Développement social Canada et au ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) pour venir combler un emploi au Québec. Grosso modo, un fonctionnaire doit évaluer si l’embauche de ce travailleur temporaire prive un Québécois de boulot.

Il y a des exemptions, entre autres pour ceux qui ont déjà leur permis de travail, ceux qui ont fait une demande de résidence permanente et pour ceux qui habitent déjà au Québec. Ce n’est pas le cas de Christian, qui est en France. Il y a aussi maintenant un processus simplifié et une diminution des exigences de l’EIMT pour certains secteurs dont celui de la santé, de l’alimentation et de la restauration, mais ça ne suffit pas.

Sachez que les guides de pêche et les jockeys indépendants sont exemptés.

Les organismes religieux aussi.

Sur le site d’Emploi et Développement social Canada, on constate qu’à l’instar de bien d’autres services fédéraux, la machine est embourbée. «Nous recevons actuellement un grand nombre de demandes d’Évaluation de l’impact sur le marché du travail (EIMT), ce qui engendre des délais de traitement de l’EIMT plus longs pour certains volets du Programme des travailleurs étrangers temporaires, ainsi que des demandes telles que l’ajout et le changement de nom.»

L’employeur doit donc prendre son mal en patience. «Si vous avez déjà soumis vos demandes, veuillez ne pas présenter une autre copie pour éviter toute duplication et tout retard supplémentaire potentiel.»

On y apprend également que les délais les plus longs – en moyenne 58 jours si tout se déroule bien – sont pour les emplois identifiés comme à «bas salaire», soit moins de 25$ de l’heure. Pas de veine, ce sont précisément ces emplois qui sont disponibles à la pelle et que les employeurs n’arrivent pas à combler. Que Christian pourrait combler. Les délais les plus courts sont pour les «travailleurs saisonniers» et «talents mondiaux», respectivement de cinq et de dix jours.

Et après, il faut demander le permis de travail.

Christian a 59 ans, plus d’un quart de siècle d’expérience en gestion, en vente et en service-client. Depuis environ cinq ans, il écume les sites d’offres d’emploi, disposé à occuper toutes sortes de postes, incluant en restauration. «Les patrons pleurent qu’ils n’ont personne, vous faites travailler les enfants, il y a des dizaines de patrons qui m’embaucheraient, mais quand ils me demandent si je suis au Québec et que je réponds “non”, ça s’arrête là.»

Ou ça s’arrête en cours de route. «Il y a un restaurant de Drummondville qui voulait m’embaucher, on a fait quelques échanges vidéo, mais ils ont abandonné en cours de route à cause de la longueur des démarches. Je les comprends, j’aurais fait pareil. Les patrons ont besoin de monde tout de suite, pas en 2024!»

Selon Christian, on devrait tenir pour acquis, vu qu’il manque d’employés à peu près partout, que l’impact sur les travailleurs d’ici sera nul, puisqu’ils ne suffisent clairement pas à la demande .«On continue à demander l’EIMT alors qu’il n’y a pas de main-d’œuvre. On voit des affiches partout, “on embauche”, “travailleurs recherchés” et moi je suis là, je veux travailler, je ne demande que ça, mais je ne peux pas. Quand j’en parle aux gens autour de moi, ils ne me croient pas. Je leur dis: “allez, essaye, tu vas voir!” Ils essayent et ils se retrouvent comme moi.»

D’autres se sont tournés vers d’autres pays. «J’ai une amie qui est allée en Australie, c’est plus facile.»

Mais Christian n’en démord pas, c’est au Québec qu’il veut vivre. «C’est vraiment en rêve de venir ici. Je trouve que les Québécois sont un peuple accueillant, il y a un respect des autres. Les patrons sont justes, c’est réglo. J’aimerais pouvoir m’intégrer, travailler, venir y vivre avec ma famille. On serait bien.»

De combien de Christian se prive-t-on?

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