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L'inconnue des plaines d'Abraham

L’été, Louis-Philippe aime s’étendre sur un hamac accroché entre deux arbres, un livre à la main, son chien blotti près de lui. La première année de la pandémie, il s’installe souvent sur les plaines d’Abraham le vendredi, où il relaxe avant son match de rugby le lendemain.

Parfois, des inconnues viennent flatter son chien. «C’est mon meilleur wingman», blague Louis-Philippe, un étudiant de 27 ans aux épaules carrées et à l’air décontracté.

Parmi ces étrangères, une brunette dans la vingtaine s’arrête quelques fois avec ses amies.

C’est une admiratrice de Star Wars, Louis-Philippe aussi. Ils insèrent des répliques de la série de films dans leurs conversations, seuls à comprendre les références. Louis-Philippe craque pour son côté «nerd» et ses yeux radieux. «Même quand elle ne souriait pas, elle avait les yeux qui souriaient», dit-il.

Leur première date a lieu au Chocolats Favoris. Puis, ils poursuivent la soirée sur la terrasse chez elle, où ils visionnent, quoi d’autre, un film de la Guerre des étoiles. Louis-Philippe la trouve encore plus charmante quand ils sont juste tous les deux. L’attirance est réciproque. Un couple fleurit au beau milieu de la pandémie, au gré de visites plus ou moins interdites.

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C’est un amour d’été passionnel. Louis-Philippe ne se reconnaît plus. «J’ai toujours été du genre, vers 5h, si on n’a pas de plan, je reste chez nous, je fais mes affaires, dit-il. Là, c’est la première fois que j’avais une relation avec une fille et que, si elle m’écrivait à 10h, pendant que j’étais devant la télé et à moitié endormi, je prenais mes affaires pis j’y allais.»

Mais à la rentrée, le couple commence à se faner. Le stress de la réussite universitaire a chassé la légèreté estivale. Il a l’impression que ses études sont plus importantes que les siennes. Elle a le sentiment qu’il jette tout le blâme sur elle. La tension monte.

Il faut se parler, lui dit Louis-Philippe. Avant un match, il passe chez elle pour ce genre de conversation où ça passe ou ça casse. Elle porte une robe, plus belle que jamais, peut-être pour qu’il se ravise. Mais elle reste de glace face à ses récriminations. En cette fin d’après-midi automnal, Louis-Philippe décrète la rupture.

«Ç’a été une décision que j’ai regrettée par moments, parce que quand ça allait bien, ça allait très bien, dit-il. Mais je pense quand même qu’à ce moment-là, on ne s’en allait pas à la même place.»

Depuis, les ex-amoureux se sont épris d’autres partenaires, mais Louis-Philippe a renoué avec le célibat récemment. Peu de temps après sa rupture, il a reçu par hasard un message anodin de sa flamme de l’été 2020, avec qui il est resté ami. L’étincelle s’est rallumée un instant pour s’éteindre aussitôt. «Ah non c’est vrai, s’est dit Louis-Philippe. Elle est en couple.»

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Le chandail du moniteur

Dans un camp de jour à Québec, Mélanie est embauchée comme aide-monitrice. Elle surveille les enfants, organise des activités et monte des mini-spectacles.

Elle a 15 ans, c’est son premier emploi d’été. Au-dessus d’elle dans la hiérarchie du camp, il y a un moniteur de 16 ans qui n’en est pas à son premier été de monitorat. Grand, svelte, cheveux foncés, yeux pâles, artiste, flirteur, il fait vite craquer Mélanie.

Un soir, les enfants dorment au parc dans des tentes, sous la supervision des moniteurs. Pour la nuit, le charmeur prête son chandail à Mélanie. «Son gilet, il ne me l’a jamais redemandé, donc je l’ai gardé longtemps», raconte-t-elle.

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Chez elle, Mélanie dort avec le chandail, qui porte encore l’odeur du moniteur. Elle pense à lui écoutant des chansons d’amour, probablement du Bryan Adams.

À la fin de l’été, Mélanie n’en peut plus. «À un moment donné, j’ai pris tout mon courage, et je me suis dit : “là, je vais lui dire”».

À la fin de son quart de travail au parc, elle demande au moniteur si elle peut lui parler en privé. Puis, elle lui avoue son amour secret.

Désolé, mais je ne mélange pas l’amour et le travail, lui répond-il, faussement professionnel. «Il n’était pas intéressé, mais il ne le disait pas.»

Mélanie a maintenant 35 ans. Elle n’a jamais revu le moniteur, mais elle garde son souvenir dans un coin de sa mémoire, quelque part derrière le chandail.

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Une épaule sur Tinder

Geneviève met le cap sur la Côte-Nord pour un road trip en solo. C’est l’été 2020. Après des mois de confinement, elle veut faire des rencontres et, pourquoi pas, tomber amoureuse.

En s’arrêtant à une halte routière, elle décide de se donner un petit coup de pouce technologique et ouvre l’application de rencontre Tinder.

Au début, les profils des hommes qui apparaissent sur son écran ne lui semblent pas assez attrayants pour qu’elle glisse son pouce à droite. Puis, surgit un gars avec un grand sourire, un amateur de plein air qui a l’air d’un bon vivant et se décrit avec humour.

Mais le gars — appelons-le Éric —, doit lui aussi «swiper» à droite pour faire savoir à Geneviève qu’il était intéressé et avoir la possibilité de discuter avec elle.

Quelques semaines plus tard, il n’a toujours pas donné signe de vie. Mais, à la fin de l’été, alors qu’elle se rend auprès de son père malade dans sa région natale, Geneviève reçoit une notification. Éric a aimé son profil. Ils s’échangent des messages et se rencontrent finalement à la maison d’Éric.

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Avant d’entrer, Geneviève, qui a aujourd’hui 38 ans, a peur d’être déçue. «Il y a toujours cette crainte que la personne ait un peu trop moussé sa candidature, que les photos datent de 10 ans», dit-elle. Mais Éric affiche bel et bien ce grand sourire qui avait fait craquer Geneviève.

Au pas de la porte, Geneviève se pose les questions malaisantes que de nombreux célibataires sur Tinder ont expérimentées pendant la pandémie. Ai-je le droit de rentrer chez lui? Devrais-je lui serrer la main? Est-ce qu’on se fait la bise?

Entre les deux, après la bise, ça clique. Durant environ un an, ils se fréquentent sans jamais former un couple officiel. Éric travaille dans le domaine touristique, voyage beaucoup et joue cartes sur table : il ne veut pas d’une relation «sérieuse». Geneviève s’en accommode relativement bien.

Durant cette période, le père de Geneviève meurt. Et presque chaque fois qu’elle retourne auprès de sa famille en deuil, ce gars qu’elle avait rencontré sur Tinder est là pour l’écouter, la prendre dans ses bras. «Un bon appui dans des moments difficiles», dit Geneviève.

La relation s’est terminée depuis. Mais Geneviève et Éric sont restés amis. Parfois, même sur Tinder, des inconnus arrivent pile au bon moment.

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Un regard qui en dit long

Dans un restaurant de Québec, François* est présenté à Jeanne*, une femme qu’il n’a jamais vue, l’amie d’un ami. Normalement, ce bref échange suivi d’une poignée de main aurait été vite évacué de sa mémoire, une rencontre estivale parmi tant d’autres.

Mais François est bouleversé par le regard de cette femme qui a soutenu le sien quelques secondes. «Ses yeux étaient d’une profondeur extrême», décrit-il.

En revoyant son ami, François s’informe à propos de la femme aux yeux bleus. Est-elle célibataire? Malheureusement, non.

«Je ne suis pas le genre de gars à jouer dans les plates-bandes» d’un autre, dit François, qui a aujourd’hui la fin quarantaine. Mais, un mois plus tard, la chance lui sourit. Jeanne est libre.

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François, qui ne manque pas de cran, compose le numéro de cette femme qu’il a croisée un instant dans un restaurant, persuadé qu’une étincelle se cache derrière ses pupilles.

«Il y a un genre de courant qui a passé, même si c’est un 2 volts c’est pas grave.»

Au bout du fil, Jeanne ne semble pas étonnée. Elle se souvient de François.

Ils vont souper. François apprend qu’elle a des enfants comme lui et qu’elle sort elle aussi d’une relation de plusieurs années.

Finalement, le courant est beaucoup plus fort que 10 volts — assez élevé pour que la relation continue une quinzaine d’années plus tard et mène à une famille recomposée.

«Le eye contact que j’ai senti, dit François, il était véridique.»

* Les vrais prénoms de François et Jeanne ont été modifiés à la demande de François pour protéger leur anonymat.

Vous avez des amours d’été à nous raconter? Écrivez-moi à mallard@lesoleil.com

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