La commissaire Anne-Sophie Blanchet a rassemblé douze femmes artistes qui créent des paysages fragmentés, où des éléments sculpturaux se greffent et se lovent aux lieux comme des inquilins.
Une pratique d’infiltration ancrée dans la douceur, qui attise la curiosité et stimule l’observation. «Leurs sculptures et installations vont occuper l’ensemble de l’espace disponible, mais en dialogue, en utilisant plusieurs petits éléments plutôt qu’en imposant un élément central et massif», souligne l’historienne de l’art.
Reprenant la thématique et cinq artistes de Paysages-fragments, présentée pendant Manif d’art 2019, Anne-Sophie Blanchet a élargi son corpus pour investir deux bâtiments patrimoniaux et deux sites extérieurs de Deschambault-Grondines.
Paysages éclatés au presbytère
La visite commence au vieux presbytère. Au grenier, la poésie sur écran et les petites pièces de céramique au sol de Carol-Ann Belzil-Normand côtoient les formes arquées, en papier fait main, de Sarah Booth.
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Les deux pratiques complémentaires dialoguent dans la pénombre, sous le toit incliné et invitent les corps à se faufiler. Les cimaises rappellent la forme du pignon. Les mots font écho à la mémoire, à ce qui s’efface et aux nécessaires tables rases.
À l’étage, Sylvie Cloutier, de Saint-Jean-Port-Joli, pose le cœur de sa pratique inquiline — du nom des organismes qui se greffent à un hôte sans lui nuire. Elle a fixé un peu partout sur les murs du presbytère de petites pastilles, des châsses (de petits reliquaires), des visages sculptés dans des pommettes séchées.
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«À l’accueil, on remet des loupes, pour que les gens les cherchent», note la commissaire. Les interventions se fondent même dans l’exposition permanente sur l’histoire du lieu.
L’installation de céramique et de matière vivante La forêt déprimée, d’Isabelle Demers, occupe une pièce fenestrée. «Il faut arroser l’œuvre régulièrement. Lorsqu’on le fait, ça embaume!» souligne Anne-Sophie Blanchet. Une vraie araignée grimpait sur le serpent de céramique au moment de notre visite.
Festif et tragique
Au rez-de-chaussée, trois œuvres qui charment l’œil soulèvent des questions écologiques. La céramiste Loriane Thibodeau signe une œuvre inédite : une borne-fontaine rose, éclatée par un flux de maïs soufflé. La borne-fontaine sans eau a des allures de piñata tragique.
On retrouve les sculptures irisées de noir et de jaune fluorescent de Marie-Fauve Bélanger. «Les formes sont créées numériquement, donc il n’y a rien de naturel dans le processus de fabrication de la sculpture, mais ça évoque le corail, la montagne, le fragment lunaire», explique la commissaire.
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Les socles, magnifiques, reflètent la sculpture murale d’Amélie Proulx, un champ vertical en hommage aux abeilles. On entend un battement d’ailes, créé par des moteurs vibreurs à l’intérieur de pots de céramique.
Les couvercles percés de trous rappellent les maisons qu’on fait, enfant, pour capturer des insectes. Les éléments composés d’abeilles moulées portent les teintes des différents pollens, qui varient selon la saison et le type de fleurs.
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Haltes en plein air
Deux arrêts inédits jalonnent la visite. Dans les ruines d’un ancien moulin de la rue Saint-Laurent, Marie-Fauve Bélanger a installé des balais de sorcières peints en vert lime, du bois de grève et des pièces de plexiglas. Serties de dessins pyrogravés, elles reflètent la lumière du soleil et projettent des reflets colorés.
En empruntant le sentier derrière le Moulin de La Chevrotière, les visiteurs peuvent découvrir, sur les vestiges d’un ancien barrage, un incroyable amas de truites colorées en céramique. Faites par Stacy-Ann Oliver, elles ont été peintes par ses concitoyens de la Baie-James.
De l’art au Moulin
À l’intérieur, l’artiste a peint une vue aérienne de la rivière. Disposée à la verticale, la toile se répand au sol pour accueillir d’autres truites, avant de s’échapper par la fenêtre.
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«Elle s’est fait parler des pesticides qui ont pollué la rivière dans les années 80 et fait décliner la population de truites. Depuis une dizaine d’années, elles reviennent», raconte la commissaire.
Ingrid Tremblay présente des hommages aux femmes créatrices et à la transmission. Lors d’une résidence à Saint-Jean-Port-Joli, on lui a beaucoup parlé des frères Bourgault.
Elle réplique avec douze petites icônes féminines, faites à partir de retailles de bois, en hommage aux sculptrices anonymes de ce haut lieu de la sculpture sur bois en taille directe.
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Gabrielle Bélanger a dissimulé des dessins sérigraphiés sous une plage de sable, qui fait écho à la rivière voisine. Les visiteurs sont invités à les révéler ou les cacher en traçant des sillons.
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Une installation photographique et sonore d’Anne-Marie Proulx nous amène en Basse-Côte-Nord. La cueillette de chicoutés (de petites framboises jaunes) et un immense feu texturé par les braises et les cendres créent un territoire propice aux confidences et aux échanges.
La plus grande partie du sous-sol du moulin est occupée par les machines cinétiques et sonores de Pascale LeBlanc Lavigne. Se glisser parmi elles est une aventure qui suscite une appréhension amusée et le beau risque d’être ému par la danse maladroite d’un néon.
L’exposition est présentée jusqu’au 2 octobre. Info : www.culturepatrimoinedg.com