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Nombreux sont ceux et celles qui se souviendront de cette célèbre réplique d’Astor le robot. Sectionné lors d’une imprudence commise près d’impressionnantes machines, le robot doré remet aisément son bras en place. Le message d’intérêt public lancé par Les Amputés de Guerre en 1984 a marqué les jeunes esprits de toute une génération. Encore aujourd’hui, la prévention en bas âge reste actuelle. C’est d’autant plus pertinent lorsque des enfants vivent sur une ferme ou en milieu rural. Mais à la place d’Astor, c’est Yvan Bergeron qui a incarné les dangers reliés à l’univers des agriculteurs lors d’une journée de sensibilisation auprès des élèves de l’école primaire La Jeunesse à Sainte-Perpétue.

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Je suis en train de me préparer à dîner lorsque j’entends une voix familière qui provient de la télévision du salon. Intriguée, j’étire le cou pour voir qui parle de prévention des accidents en milieu agricole. Tout de suite, je reconnais Yvan, un confrère amputé d’un bras qui a fait une partie de sa réadaptation en même temps que moi. Quel bon prétexte pour prendre de ses nouvelles!

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Dix ans ont passé depuis que l’accident de travail de l’agriculteur lui a coûté son bras droit. Celui qui était droitier, pour comble de malchance, a vu sa vie basculer en quelques secondes.

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«J’ai raidi quand l’accident est arrivé et j’ai lâché un cri à ma fille d’arrêter le tracteur», me raconte-t-il.

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C’est en effectuant un entretien de routine sur une ensileuse de sa ferme qu’une pièce en mouvement a malencontreusement accroché le tissu de sa manche. Yvan Bergeron avait l’habitude d’huiler les chaînes de la récolteuse-hacheuse-chargeuse en marche. Bien qu’il la faisait tourner au ralenti, la puissance de la machine lui a broyé son bras tout en arrachant la presque totalité de ses vêtements.

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«J’étais bien habillé, c’était l’automne. Mais tout mon linge a arraché. Il ne restait que la moitié de mon sous-vêtement!»

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Il présente d’ailleurs une photo de l’entortillement spectaculaire du tissu dans l’ensileuse aux enfants venus l’écouter lors de la journée de sensibilisation «Sécurijour». Organisé par le syndicat des Agricultrices Centre-du-Québec, l’événement a lieu chaque année dans une école choisie pour sa localisation à proximité des fermes agricoles.

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Depuis sept ans, Yvan Bergeron raconte son histoire à cette occasion. L’homme au timbre de voix fort et joyeux commence sa conférence sans sa prothèse. Il dissimule d’abord son amputation sous un t-shirt à manche longue vêtu par-dessus celui qui comporte une manche coupée.

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«Quand j’enlève mon t-shirt, c’est là qu’ils voient mon moignon qui est à l’air… Là, tu vois que je suis en train de perdre l’attention de quelques-uns. Tu vois que ça les saisit. J’explique que le bout du moignon est froid, que le sang circule moins bien.»

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Devant le regard attentif des élèves, il enfile un bas sur son membre résiduel avant de mettre sa prothèse et d’installer les bretelles qui la maintiennent en place. Yvan utilise une prothèse mécanique, un crochet en métal qui s’ouvre et se ferme grâce à un câble contrôlé par le mouvement de son épaule opposée, celle de gauche dans son cas.

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«L’ergothérapeute m’avait dit dans les premières années: monsieur Bergeron, il vous reste un bras, vous lui ferez attention… Ça fait dix ans, pis on s’en va sur onze, et bien j’ai compris ce qu’elle voulait dire!»

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Malgré l’épaule parfois endolorie, Yvan n’a pas cessé de travailler à la ferme laitière de Saint-Samuel dont il est le copropriétaire avec son frère. Bien qu’il n’ait jamais refait la traite des vaches, il s’occupe de la compatibilité et conduit le tracteur comme auparavant. Pour le reste, Yvan a trouvé un certain équilibre et fait preuve d’une belle résilience.

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«J’ai appris avec le temps que pendant que je fais du travail à un bras, il y a quelqu’un d’autre qui fait de l’ouvrage à deux bras.»

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Contrairement à mes pinces myoélectriques, la prothèse mécanique de l’agriculteur est robuste et résistante à l’eau, parfaitement adaptée à son travail. D’ailleurs, il dispose d’une prothèse dédiée à la ferme et d’une autre pour ses autres occupations. De cette façon, il est assuré de laisser à l’étable l’odeur typique des vaches.

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Puisqu’il a été amputé au-dessus du coude, il utilise l’articulation mécanique de sa prothèse lui permettant de fixer son bras dans 11 positions. Il peut donc mettre son bras le long de son corps comme il peut aussi le positionner dans un angle de 90 degrés. Avec sa main restante, Yvan ajuste la position du coude et du poignet selon l’opération à effectuer. Il possède même une main de forme humaine qu’il peut fixer au bout de son emboîture. Mais elle est si peu fonctionnelle en comparaison avec le crochet qu’Yvan utilise cette prothèse uniquement dans les grandes occasions ou lors des cérémonies importantes. Comme les enterrements où on lui a demandé de prononcer un discours. Dans ces moments importants, il préfère mettre sa main de sorte à ne pas attirer l’attention sur son crochet, mais bien sur ce qu’il dit.

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Habitué aux regards, le sympathique amputé n’est pas vexé lorsqu’il entend les gens parler de son handicap près de lui. Au contraire, il retient certaines anecdotes amusantes.

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«La plus drôle que j’ai entendue est lorsque j’étais dans un magasin à Victoriaville et qu’un jeune avec sa mère regardait ma prothèse qui l’été est entièrement visible. Le jeune dit à sa mère: le monsieur il a ça en attendant que son bras repousse?»

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Yvan Bergeron aime bien répondre aux questions des enfants. C’est d’ailleurs une des raisons qui le pousse à accepter de participer à la journée de sensibilisation «Sécurijour» chaque année. Bien au fait des dangers qu’on peut retrouver sur une ferme, il est très heureux de pouvoir apporter un exemple concret des conséquences d’un tel accident. Les élèves sont à l’écoute et très participatifs. Il n’a aucune difficulté à trouver des volontaires pour tenter un défi que lui-même a su relever avec beaucoup d’entraînement, soit celui d’attacher les lacets d’un soulier d’une seule main… la moins habile de surcroît!

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Je suis certaine qu’Yvan enseigne bien plus que le message de sécurité qu’il partage au travers de sa conférence, il incarne également un merveilleux exemple de résilience et de persévérance.

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Lors de la journée du «Sécurijour», les élèves participent à toutes sortes d’ateliers où la prévention est à l’honneur. En plus d’assister à la conférence, ils sont invités à monter dans la cabine d’un tracteur afin qu’ils réalisent par eux-mêmes quels sont les angles morts autour de l’engin. On explique aux enfants, entre autres choses, les pictogrammes avertissant les dangers sur certains produits, comment approcher un animal et quoi faire pour éviter ou éteindre un début d’incendie en toute sécurité.

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