Cette alliance d’associations industrielles de l’automobile au Canada est composée de la Corporation des associations de détaillants d’automobiles (CADA), de l’Association canadienne des constructeurs de véhicules (ACCV) et de Constructeurs mondiaux d’automobiles du Canada (CMAC). Elle a lancé le 24 juin ce qu’elle appelle son Tableau de bord de la préparation aux véhicules zéro-émission (VZE). Ce tableau de bord peut être consulté dans le site nommé En route vers 2035.
Le trio formé par la CADA, l’ACCV et CMAC plaide que les gouvernements, fédéral et provinciaux, devraient en faire plus pour inciter les Canadiens à se tourner vers les véhicules électrifiés.
D’abord avec plus de bornes de recharge. L’alliance soutient qu’il faudrait jusqu’à près de 1,7 million (1 676 580, plus précisément) de bornes de recharge au Canada pour répondre aux besoins d’un parc automobile composé à moitié de VZE. Avec toutes les bornes implantées au pays, il y aurait un déficit de 1 660 338 bornes actuellement.
Au Québec, avec 6397 bornes publiques en service, de niveaux 2 et 3 confondus, il y aurait un déficit de 379 282 bornes. Le chiffre magique, selon les trois associations, serait de 385 679 bornes.
Un chiffre que met en doute le Circuit électrique d’Hydro-Québec. «Le ratio de bornes par véhicule proposé dans le tableau de bord sur le site Internet [de l’alliance] est d’une pour sept. Compte tenu du niveau d’utilisation des bornes de recharge publiques avec un ratio actuel d’une pour 24, un tel nombre de bornes de recharge nous semble un peu excessif», écrit Jonathan Côté, porte-parole pour le Circuit électrique.
Également, un document de travail (Assessing charging infrastructure needs in Québec) préparé par l’International Council on Clean Transportation (ICCT) et présenté en février dernier, estime qu’il faudrait au Québec 52 000 bornes publiques pour un parc de 1,5 million de véhicules électriques en 2030. Même si ce nombre de véhicules sera le double en 2035, en multipliant par deux 52 000 bornes, on est loin de 385 679…
En ce moment, le Québec est l’endroit au Canada où il y a le plus de véhicules électrifiés (VÉ) dans son parc automobile. Selon les données compilées par l’Association des véhicules électriques du Québec (AVEQ), il y avait, en date du 31 mars dernier, 137 741 unités immatriculées au Québec. Dans l’ensemble du Canada, il y en avait 309 229.
Alors, la part du Québec est de 45 %, notamment en raison des incitatifs qui sont encore plus généreux ici. Mais la Colombie-Britannique nous suit de très près. Et même qu’il se vend plus de VÉ par rapport aux véhicules à essence, Mais on y reviendra plus loin.
Ceci dit, les 45 % de la part du parc d’automobiles canadien en véhicules électriques attribués au Québec ne seront sûrement pas éternels. Si, dans le meilleur des cas, on estime que la part du Québec par rapport au reste du Canada serait de 33 % du parc total, il suffirait de multiplier par trois les 52 000 bornes publiques nécessaires en 2035 — le chiffre de l’ICCT.
Or, 52 000 fois trois, ça donne 156 000 bornes publiques. On est toujours loin du 1,6 million requis par l’alliance.
Par ailleurs, c’est loin d’être la cohue dans les bornes de recharge publiques. La plupart ne servent que pour recharger lors de longs trajets. L’alliance perd de vue l’un des avantages de la voiture électrique : plus de 90 % de la recharge se fait à domicile. M. Côté confirme que les bornes rapides (niveau 3) sont utilisées à 6 %. Celles de niveau 2 le sont dans une proportion de 13 %.
«Nous sommes d’avis que les constructeurs et concessionnaires automobiles, au lieu de s’inquiéter du ratio de bornes par rapport au nombre de véhicules électriques, devraient plutôt s’assurer de répondre à la demande de leurs clients qui veulent en acheter», ajoute-t-il. «Le ratio de véhicule électrique disponible par client qui en veut un devrait être d’un pour un.»
Les subventions…
En comparant avec les rabais accordés aux États-Unis à l’achat d’un véhicule électrique, la CADA, l’ACCV et CMAC avancent que les gouvernements pourraient faire mieux. Elles ont pris l’aide californienne à l’achat qui équivaut à 12 200 $ (9500 $US) comme référence.
Selon l’alliance, toutes les provinces canadiennes traîneraient de la patte. Le Québec accuserait un déficit de 200 $ par rapport aux États-Unis. Ailleurs au Canada, l’écart varie entre 2200 $ et 7200 $.
Ce que dément également Daniel Breton, PDG de Mobilité électrique Canada (MEC). «Les deux plus gros vendeurs, voitures électriques et à essence confondues, sont les Tesla Model Y et Model 3. Or, Tesla n’est plus admissible au rabais fédéral américain de 7000 $, car il a dépassé le cap des 200 000 véhicules vendus», dit-il, en citant un récent article d’InsideEV. «C’est quand même pas anodin. Déjà, GM n’a plus droit au rabais aux États-Unis. Ce sera au tour de Toyota bientôt...»
D’autant plus, il ajoute que le lien entre les rabais et la vigueur des ventes est totalement faux. «En Colombie-Britannique, il se vend plus de véhicules électriques annuellement là-bas [13 % contre 9,5 % au Québec en 2021] et les rabais sont de 4000 $ moins élevés qu’ici au Québec.»
Enfin, M. Breton souligne que dans ce genre d’opération, on confond souvent le pourcentage des ventes avec celui du nombre de véhicules dans le parc d’automobiles.
«Un problème factuel», lance-t-il. «Ce n’est pas parce qu’il y a 10 % de ventes de VÉ une année, qu’il y a 10 % de VÉ sur les routes. Par exemple, en Norvège, en date de mars 2022, le pourcentage de voitures 100 % électriques [voitures et camions légers] représentait 16,8 % des véhicules sur la route. Le parc de véhicules hybrides rechargeables est de 6,2 %. Mais si on regarde le pourcentage des ventes pour ce mois-là, c’était de 86,1 % [les deux catégories confondues]. Et la proportion du parc qui est électrifiée est de 23 %.»
Il souligne également qu’avant qu’on se rende à 100 %, «ça va aller à 2050». «Ça n’ira pas en 2035. Les constructeurs disent qu’en 2035 que le gouvernement veut 100 % de véhicules électriques. Ce n’est pas ça! Le gouvernement veut que 100 % des ventes soient des véhicules électrifiés [à batterie et hybrides rechargeables], ajoute M. Breton. Ce qui veut dire que rendus à 100 % de ventes, on sera rendus à 25 à 30 % de véhicules électriques sur la route.»