Un prof de l’Université Laval suspendu pour ses propos contre les vaccins anti-COVID

Patrick Provost

L’Université Laval vient de sanctionner sévèrement un de ses employés à cause de ses propos contre les vaccins à ARN-messager (Pfizer et Moderna). Le chercheur en biochimie et spécialiste de l'ARN Patrick Provost, qui a maintes fois critiqué la sécurité de ces vaccins en dépit d’un consensus scientifique en leur faveur, a été suspendu sans salaire le 14 juin dernier, et ce pour une durée de huit semaines.


Dans une lettre adressée à l’Université où il proteste contre la sanction, et dont Le Soleil a obtenu copie, M. Provost se dit victime de «contraintes doctrinales» qui menaceraient la liberté universitaire. «Elle [l’UL] qui prétend «que le lien de confiance (m’) unissant à l’Université Laval est sérieusement ébranlée», je crois que c’est plutôt ma confiance et celle de la population envers cette institution, chargée de défendre ces libertés, qui est sérieusement compromise», écrit-il. 

Soulignons que le Syndicat des professeurs et professeures de l’UL (SPUL) fait la même lecture que M. Provost et a logé un grief pour défendre la liberté académique.

La procédure a été initiée à la suite d’un courriel que M. Provost a envoyé à ses collègues de l’UL en décembre dernier, où il les enjoignait d’initier des débats sur la vaccination et sur les mesures sanitaires — il estime qu’«il n’y en avait pas et qu’il n’y en a toujours pas», a-t-il précisé lors d’un entretien téléphonique avec Le Soleil. Il y donnait l’exemple d’une conférence qu’il avait donnée dans les semaines précédentes, dans laquelle il critiquait la vaccination des enfants contre la COVID. 

«À la suite de ça, un prof de la Faculté de médecine a déposé une plainte en janvier, outré du fait que je soulevais des questionnements, en particulier sur les risques d’effets indésirables. J’en arrivais à la conclusion que, pour les enfants, les risques étaient supérieurs aux bénéfices», dit-il. (Notons sur ce dernier point que la Santé publique du Québec, Santé Canada et leurs équivalents dans pratiquement tous les pays occidentaux ont, avec une expertise plus pertinente que celle de M. Provost, tiré des conclusions complètement différentes.)

Un comité formé d’un avocat et de deux experts scientifiques a par la suite enquêté et conclu que le chercheur était effectivement fautif, avant que les ressources humaines de l’Université ne suspendent M. Provost.

À l’heure d’écrire ces lignes, il n’avait pas été possible de recueillir la version de l’Université. Le texte de M. Provost cite toutefois plusieurs passages de la lettre de suspension qu’il a reçue, dans laquelle l’UL lui reproche essentiellement un grave manque de rigueur et d’avoir trompé le public : «biais de confirmation volontaire dans le choix des informations retenues», «grand nombre d’interprétations partiales ainsi que des citations utilisées de façon orientée», avoir «(manqué) de responsabilité (…) envers le grand public qui a été exposé à des études ne reflétant pas l’ensemble des connaissances scientifiques actuelles», etc.

La lettre de M. Provost, il faut le dire, contient plusieurs passages dont la véracité factuelle ou la valeur scientifique sont, au bas mot, très contestables. Il y dénonce par exemple «l’absence d’un système de surveillance active des effets secondaires [des vaccins contre la COVID]», ce qui est manifestement faux : une surveillance est bel et bien exercée et a permis de détecter certains effets secondaires graves (mais très rares) des vaccins, comme le risque accru de myocardites associé aux vaccins à ARNm (surtout pour les jeunes hommes) et les thromboses veineuses profondes associées au vaccin de Johnson & Johnson.

M. Provost affirme également que les vaccins à ARNm sont une «nouvelle technologie» (il n'a rien contre les vaccins dits traditionnels) qui a été testée à la va-vite et dont on ignore tout des possibles effets secondaires à long terme, ce qui n’est pas tout à fait juste. Le développement des vaccins à ARNm remonte au début des années 1990 et ils ont fait l’objet d’essais cliniques pour le traitement de cancers depuis près de 10 ans et pour la prévention de maladies infectieuses depuis 2018, lisait-on l’an dernier dans un résumé des connaissances à l’intention des professionnels de la santé paru dans The American Journal of Medicine

En outre, on sait que l’ARNm ne persiste pas longtemps dans le corps et qu’il ne se fusionne pas au noyau cellulaire, ce qui rend la possibilité d’effets à long terme hautement invraisemblable, mais M. Provost n’en démord pas : «Pour savoir s’il y a des effets après 10 ou 15 ans, il faut attendre 10 ou 15 ans» — ce qui n’est pas totalement faux non plus.

Liberté académique

Mais au-delà de la validité scientifique et factuelle de ses positions, la suspension soulève la question de la liberté académique. Pour que les chercheurs puissent faire leur travail, ils doivent pouvoir soulever des questions et des hypothèses en toute liberté et sans crainte de représailles, même si leurs idées sont farfelues à première vue et qu’elles s’avèrent en bout de ligne complètement fausses. 

Or, plaide le président du SPUL, le professeur de droit Louis-Philippe Lampron, «il ne revient pas à l’administration d’une université de trancher sur le fond. Il faut laisser la science décrédibiliser ces hypothèses-là. (…) La science fonctionne comme ça : c’est entre collègues qu’on tranche de la véracité, et n’importe quelle thèse manifestement fausse va se faire défoncer. C’est comme ça que les connaissances ses construisent».

À ses yeux, les mécanismes de surveillance de l’intégrité de la recherche utilisés par l’UL pour suspendre M. Provost ne sont pas les bons. «Ces mécanismes-là existent pour contrôler les cas patents de manque d’intégrité, comme des détournements de fonds de recherche, la falsification des données, les conflits d’intérêts graves et pas divulgués, des choses comme ça. Ça ne sert pas à trancher sur le fond. (…) Ce qui est à craindre, c’est qu’on en vienne à sanctionner des chercheurs à cause du risque pour la réputation de l’université. Si on commence à dire : là, on vous suspend pour deux mois parce que vous avez fait du cherry-picking, on n’a pas fini, dit-il.

«Pour nous, la liberté académique implique qu’on vive avec ses mauvais côtés, qui sont que des fois, il peut y avoir des propos faux ou farfelus qui sont tenus, mais cette liberté-là inclut le droit de se tromper. C’est extrêmement problématique que l’Université se mêle de ça, et c’est pour ça qu’on a déposé un grief», ajoute M. Lampron.

Celui-ci précise que la démarche du SPUL n’est pas un appui aux positions de M. Provost, mais simplement une défense de son droit de les exprimer.

Il est vrai que les cas de chercheurs universitaires qui ont dit des faussetés sur la place publique dans le passé sont assez nombreux. Il s’en est trouvé qui prétendaient (et le font encore) que les OGM sont toxiques, que les ondes cellulaires sont dangereuses pour la santé, ou que les changements climatiques n’existent pas, et ce en dépit de montagnes de données et de consensus scientifiques très solides sur ces questions. Aucun d’eux, ou si peu, n’a été suspendu. Et même qu’en répondant à leurs arguments, la recherche a solidifié lesdits consensus scientifiques. C’est pour cette raison, fait valoir M. Lampron, que le SPUL sent le besoin de défendre la liberté académique de M. Provost.

Précision : une version antérieure de ce texte a été modifiée pour préciser l'expertise de M. Provost et rendre explicite la distinction qu'il fait entre les vaccins à ARNm, dont il se méfie, et les vaccins traditionnels, qu'il juge sécuritaires.