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Le frigo-partage situé devant le Patro Roc-Amadour, sur la 1^ère avenue, fait régulièrement face à ce problème, selon les Fées du frigo, un groupe de citoyennes responsable de ce réfrigérateur de dons alimentaires.

«Pour un 20 % d’abuseurs, on a un 80 % de gens qui en ont vraiment besoin et qui l’utilisent correctement, estime Anne Lyonnais, une des bénévoles des Fées du frigo. Mais les 20 %, ils abusent en grande. C’est bien plate.»

M^meLyonnais affirme que les Fées du frigo ont reçu plusieurs signalements à cet effet et qu’elles l’ont constaté elles-mêmes. «Parfois, on est carrément témoins quand on va porter du stock et qu’on voit des gens qui vident tout au fur et à mesure», dit-elle.

Des employés du Patro et des gens qui viennent chercher de la nourriture au frigo-partage ont observé des razzias similaires : des gens viennent en voiture et remplissent leur coffre avec tout le contenu du frigo, puis repartent.

Bernard Bossé, qui travaille à la réception du Patro Roc-Amadour, se souvient d’une propriétaire de maison de chambres qui facturait un service de repas à ses locataires, mais s’approvisionnait gratuitement au frigo-partage. «Elle arrive ici et remplit son char de tout ce qu’il y a là, dit M. Bossé en pointant le réfrigérateur. Puis, elle les nourrit avec [ça].»

Mardi midi, Richard, un homme de 58 ans qui vit de l’aide sociale, a trouvé des muffins, des croissants, des mini-pâtés à la viande, un peu de bacon et de la salade de chou dans le frigo-partage du Patro Roc-Amadour.

Richard vient au frigo-partage environ une fois aux trois semaines. Plusieurs fois, il dit s’être retrouvé devant un frigo vide. Jean, qui est l’aidant naturel de Richard, se souvient d’avoir averti des personnes qui venaient de vider le frigo-partage dans plusieurs sacs. «T’as faim, je comprends, dit-il. Mais pense aux autres.»

Les Fées du frigo étaient aussi responsables du frigo-partage devant le Soupe et cie, sur la 3^e avenue, avant que le restaurant soit la proie d’un incendie. Anne Lyonnais se souvient qu’il y avait aussi des razzias à cet endroit.

Une fois, des gens étaient carrément partis avec un des tiroirs du frigo rempli de nourriture, se remémore M^me Lyonnais «Ils ne l’ont jamais ramené». Au Patro Roc-Amadour, les tiroirs ont été enlevés du frigo-partage.

Anne Lyonnais ne croit que pas les frigos-partages puissent être victimes de vols. «On ne peut pas voler quelque chose qui est donné, dit-elle. Je considère que c’est de l’abus». Selon elle, ces abus diminuent néanmoins le rayonnement du frigo-partage. «Il y a tellement de gens qui en ont vraiment besoin», dit-elle.

Frédéric Leblanc, qui travaille à l’entretien ménager au Patro Roc-Amadour, ne voudrait pas que les gens cessent de donner de la nourriture malgré les abus. Il se souvient d’avoir été marqué par des parents qui contribuaient à remplir le frigo avec leurs enfants, leur inculquant au passage l’importance de la générosité. «On voit vraiment de beaux gestes ici», dit M. Leblanc.

Éviter la revente

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Sur les réseaux sociaux, des mises en garde circulent à propos de la revente sur Marketplace ou Kijiji de paniers de nourriture provenant des frigo-partages. La véracité de ces messages est difficile à vérifier pour les organismes, mais certains prennent des mesures pour éviter que la situation se produise.

À l’ancien frigo-partage du Soupe et cie, les bénévoles des Fées du frigo avaient commencé à mettre des étiquettes sur les emballages de nourriture où il était écrit «interdit de revente», note Anne Lyonnais.

Durant la pandémie, le Service d’entraide Basse-Ville a été avisé par un partenaire de ne pas mettre trop de nourriture d’un coup dans son frigo-partage pour éviter la revente de nourriture sur les sites, indique la directrice générale de l’organisme, Patricia Caissy.

Depuis, les publications de commerçants qui annoncent avoir déposé de nombreux repas dans le frigo-partage sont différées de quelques heures sur la page Facebook de l’organisme, pour que le plus de gens possible puissent en profiter dans l’intervalle.

M^me Caissy croit par ailleurs qu’il ne faut pas se fier aux apparences. Ce n’est pas parce qu’une personne ne correspond pas au stéréotype du pauvre qu’elle n’a pas besoin de recourir au frigo-partage, souligne-t-elle.

Certains gagnent un bon salaire, mais sont devenus si endettés qu’ils n’arrivent plus à payer leur nourriture. D’autres traversent des épisodes de maladie ou de dépression et n’arrivent plus à mettre de la nourriture sur la table. «Un frigo-partage, c’est supposé s’adresser à tout le monde, dit Patricia Caissy. Ce n’est pas tagué juste pour les gens qui sont à faibles revenus.»

Au frigo-partage du parvis de l’église Saint-Roch, la bénévole Marcelle Pouliot place les aliments dans le frigo et informe les gens du parvis lorsqu’une nouvelle livraison de nourriture arrive. M^mePouliot affirme avoir vu souvent des gens qui faisaient des razzias dans le frigo-partage. Certains, ajoute-t-elle, revendaient ensuite les aliments près d’une épicerie sur la rue Saint-Joseph.

Mais le pouvoir de surveillance des organismes envers les gens qui abusent des frigo-partages est limité, note-t-elle. «On ne peut pas les empêcher de tout prendre», dit Marcelle Pouliot, qui est bénévole pour Engrenage de Saint-Roch, la table de quartier qui est responsable du frigo-partage du parvis de l’église.

M^mePouliot essaie plutôt de sensibiliser les gens à l’importance d’en laisser aux autres. «J’essaie de parler avec la personne», dit-elle.

Le frigo-partage du parvis est populaire. Mardi, en début d’après-midi, il était vide. Mais, vers 14h30, Jocelyne Daigle a traversé le parvis d’un pas décidé, son sac rempli. Dès qu’elle a déposé des pommes et des plats préparés dans le frigo, plusieurs personnes sont venues se servir dans le réfrigérateur.

Plus tôt dans la journée, ils avaient eu droit à des hot-dogs et de hamburgers qui sont partis à la vitesse de l’éclair, raconte M^me Daigle. «Il y a des restaurants, des bénévoles, même des pompiers et des policiers qui viennent mettre des choses», dit-elle.

Jérôme Gourdeau, chargé de projet en participation citoyenne à Engrenage Saint-Roch, souligne que la plus grande préoccupation de la table de quartier est de s’assurer que le frigo-partage soit disponible. L’accent, ajoute-t-il, est moins mis sur les entrées et les sorties du frigo.

«C’est quelque chose qu’on considère un peu hors de notre contrôle, dit M. Gourdeau. Alors, on met toutes nos énergies dans des choses où on a plus de leviers.»

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