Six objets de plastique interdits de vente au Canada d’ici un an et demi

Les ministres fédéraux Steven Guilbeault et Jean-Yves Duclos étaient à la Baie de Beauport, lundi matin, pour une annonce pancanadienne

Six objets de plastique à usage unique seront interdits partout au Canada d’ici un an et demi, dont les sacs, pailles et bâtonnets à mélanger. Mais les entreprises canadiennes pourront continuer à en vendre dans d’autres pays pendant deux ans de plus. «On fait juste déplacer le problème», dénonce toutefois un intervenant-clé de l’industrie.


Les ministres fédéraux Steven Guilbeault et Jean-Yves Duclos étaient à la Baie de Beauport, lundi matin, pour faire cette annonce pancanadienne. Une promesse réalisée par le premier ministre libéral Justin Trudeau dès 2019.

Le règlement publié lundi prendra effet complet à la fin de l’année 2023. Le droit d’exporter ces objets de plastique à usage unique s’étend par contre jusqu’à la fin de 2025.

Sacs, ustensiles, pailles, bâtonnets à mélanger, récipients alimentaires et anneaux pour tenir souvent six canettes de breuvage ensemble seront bannis des commerces à travers le Canada d’ici 18 mois.

On évalue que chaque Canadien produit en moyenne un kilogramme de déchets de plastique par année, donc environ 38 millions pour le pays au complet. Cette règle permettra d’en sauver deux millions par année, a précisé M. Duclos, ministre canadien de la Santé et député de la circonscription fédérale de Québec, où se tenait la présentation.

Les deux ministres ont d’ailleurs été accueillis avec une fleur... de plastique. En fait, chacun une fleur faite de déchets de plastique. Comme il s’en retrouve des tonnes sur le bord des cours d’eau et des plages comme celle de la Baie de Beauport, qui servait de décor bucolique à l’annonce fédérale.

Steven Guilbeault et Jean-Yves Duclos ont été accueillis avec une fleur... de plastique.

Drôles de fleurs

Ministre de l’Environnement et du Changement climatique, M. Guilbeault était mi-sourire, mi-grimace en recevant ce cadeau. «Ah, super...» a-t-il laissé tomber, y voyant sans doute tout le chemin encore à parcourir pour atteindre l’objectif de zéro déchet de plastique pour 2030.

«Soyons réalistes! Les plastiques jouent un rôle important dans notre économie. On ne peut pas se mettre la tête dans le sable, mais il faut aussi garder le plastique hors du sable», a-t-il déclaré, souhaitant donc mettre l’accent sur le plastique réutilisable.

M. Guilbeault a rappelé qu’en ce moment, seulement 8 % du plastique jeté à travers le Canada est recyclé.

Quant à l’échéancier plus long de deux ans pour l’exportation, ce qui revient à dire que nos entreprises continueront à vendre dans d’autres pays, souvent pauvres, ce que notre gouvernement ne tolèrera plus ici, M. Guilbeault souhaite «donner une peu de temps à l’industrie, parce qu’on comprend qu’il y a des impacts importants».

Dans son allocution d’introduction, il a lui-même raconté son passage au Ghana, en Afrique subsaharienne, sur une plage semblable à celle de la Baie de Beauport, mais jonchée de déchets.

«Il y a une économie au Ghana, et dans plusieurs pays en voie de développement, autour de ces produits. Mais il faut s’assurer que ce qu’on exporte, ce sont vraiment des produits recyclables et non pas des déchets. [...] Mais dans le cas de ces produits [bientôt bannis ici], ce sont des produits difficilement recyclables. C’est vrai ici, c’est vrai à l’extérieur également», a-t-il expliqué.

Le ministre n’a pas écarté l’idée de bannir d’autres produits plus tard.

L’aide aux entreprises pour faire la transition se chiffre en «centaines de millions de dollars», a indiqué M. Guilbeault, sans avoir le montant exact.

Le ministre Duclos, à la Santé, a de plus souligné que les pailles de plastique à usage unique utilisées en milieu médical, par exemple par des personnes quadriplégiques, resteront accessibles sur demande ou par le biais des établissements de soins de santé.

Mauvaise cible

Cette conférence de presse pour une nouvelle «réchauffée» n’a pas impressionné Simon Chrétien, directeur général de l’Alliance Polymères Québec, un organisme de développement de l’industrie du plastique. M. Chrétien y voit une façon pour le gouvernement d’obtenir un capital de sympathie politique.

«Quand je vois qu’on investit du temps et de l’argent dans une tournée pour cette annonce à la grandeur du Canada… Il aurait été plus efficient de faire une tournée pour rencontrer les organismes structurants comme nous pour mettre en place des solutions.»

M. Chrétien estime qu’on se trompe de cible en visant le «zéro déchet plastique». «Pourquoi ne pas viser le zéro déchet tout court? demande-t-il. Si ce n’est pas du plastique, ce sera autre chose. Le besoin est encore là, on fait juste déplacer le problème.»

Simon Chrétien, directeur général de l’Alliance Polymères Québec

Plutôt que de bannir quelconque produit, M. Chrétien soutient qu’il serait préférable d’investir dans les entreprises qui proposent des technologies innovantes permettant le recyclage du plastique et du polystyrène. Qu’il vaudrait mieux améliorer les procédés de collecte et de tri des matières en plastique.

Car un monde sans plastique demeure utopique, dit-il en substance. «Du plastique, il y en a partout. Si on dit aux gens : enlevez tout ce qui est en polymère sur vous, ils vont se retrouver tout nu, même plus de bijoux», illustre M. Chrétien en riant. «En bannissant, on fait juste mettre le problème en-dessous du tapis, car on remplace par autre chose.»

M. Chrétien prend en exemple les sacs de plastique, qui seront bientôt bannis par la majorité des épiceries canadiennes. «Il n’était pas à usage unique. Les gens les utilisaient comme sacs à poubelle. Et là qu’est-ce qu’on fait? On achète des sacs à poubelle. Ça paraît bien quand on va faire nos achats, mais on n’a rien réglé.»