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Pénurie de logements: la crise qui gronde, à quelques jours du 1er juillet

Diane Longpré n’a toujours pas réussi à trouver un logement pour elle et ses quatre enfants.

CHRONIQUE / Diane Longpré a cherché. Longtemps. Depuis le mois de janvier, en fait, elle cherche un logement pour le 1er juillet. Mais Diane n’a rien trouvé. Mère monoparentale de quatre enfants, la professionnelle disposait pourtant d’un bon budget pour se poser, après sa séparation survenue en décembre dernier. Mais il n’y a rien, tout simplement. Il y a trois semaines, Diane a abandonné ses recherches. Elle ira vivre temporairement chez le père de ses plus grandes filles, le temps de se trouver une autre option. C’était ça ou la rue.


«Je louais une maison, mais c’était convenu que c’était jusqu’en juin, car elle n’était plus disponible après. J’ai cherché, cherché, j’ai fait tellement de téléphones, mais je n’ai rien trouvé. Souvent, les propriétaires ne rappellent pas du tout. Il y a tellement de gens qui cherchent que les gens qui annoncent ont l’embarras du choix. Je vois des 5 et demi où les propriétaires écrivent: idéal pour un couple ou une personne seule. C’est pas normal! Alors tu comprends bien qu’une mère monoparentale avec quatre enfants, ce n’est pas très populaire. Mais nous ne sommes pas des tout croches parce qu’on est monoparental. Je veux juste me poser avec ma famille et commencer notre vie dans une nouvelle demeure», résume la maman de quatre filles de 13, 11, 4 et 2 ans.

La pénurie de logements, elle frappe très fort en Mauricie et au Centre-du-Québec. Diane peut en témoigner. Et si elle a eu la chance de pouvoir compter sur l’aide de son ex-conjoint pour une certaine période, plusieurs autres familles n’ont pas cette chance à l’heure actuelle. Au 1er juillet, c’est la rue qui les guette, tout simplement. Et c’est à une véritable crise sociale qu’il faudra faire face d’ici quelques jours.

C’est ce que redoute fortement l’organisme Info-Logis Mauricie, qui veille à défendre les droits des locataires dans la région. Présentement, ce sont de 30 à 35 appels de détresse par jour qui entrent à l’organisme, de gens qui n’ont toujours pas trouvé et qui cherchent désespérément à se loger d’ici quelques jours.

«Où est-ce qu’on va mettre tout ce monde? Je l’ignore, mais je redoute qu’on voie de plus en plus des campements de fortune s’installer un peu partout dans des parcs. Ça pourrait arriver. Avoir un logement en 2022, ça devrait être un droit fondamental», clame Claude Durand, président d’Info-Logis Mauricie. L’organisme milite depuis longtemps pour voir se construire davantage de logements sociaux dans la région.

À l’Office municipal d’habitation de Trois-Rivières, ce sont plus de 400 personnes qui sont inscrites sur la liste d’attente afin de pouvoir obtenir un loyer de type HLM. En outre, l’organisme gère aussi le programme de supplément du loyer, qui permet de couvrir un certain pourcentage du prix du logement grâce à une subvention. La ministre Andrée Laforest avait d’ailleurs récemment annoncé une aide financière de 77 M$ afin d’aider les ménages québécois à l’approche du 1er juillet. Mais encore faut-il trouver des propriétaires intéressés à ce partenariat et des logements qui sont disponibles. Et à 0,8 % de taux d’inoccupation à Trois-Rivières, c’est loin d’être évident.

Diane Longpré dispose pourtant d’un bon budget, elle qui travaille comme écrivaine, éditrice et coordonnatrice dans une maison d’édition. Elle cherche surtout dans le secteur de Saint-Élie-de-Caxton, Saint-Étienne-des-Grès, Charette, Saint-Barnabé ou Saint-Boniface, afin de permettre à ses filles de continuer de fréquenter les mêmes écoles et services de garde, en plus d’éviter trop de voyagement pour aller les reconduire chez les deux papas. Mais les prix ont tellement grimpé depuis les derniers mois qu’il est impossible pour elle de trouver quoi que ce soit sans qu’elle envisage faire exploser son budget.

«Nous on a besoin d’au moins trois chambres. J’ai vu des loyers d’une seule chambre qui étaient affichés à 1500 $. C’est quoi ça? J’ai été visiter une maison qui était affichée à 1600 $. On a refusé de me la louer parce qu’on me disait que nous étions trop. C’est ridicule! Je n’emménage pas avec cinq colocataires pour faire la fête tout le temps. Je veux m’installer avec mes enfants, c’est tout», dénonce-t-elle.

À 0,8%, le taux d’inoccupation à Trois-Rivières n’a jamais été aussi bas.

Pour contrer la hausse des loyers, plusieurs organismes communautaires, dont Info-Logis Mauricie mais également COMSEP, la Corporation de développement communautaire de même que le Regroupement des organismes d’éducation populaire autonome de la Mauricie ont dévoilé vendredi après-midi le contenu d’un avis juridique qu’ils sont allés chercher auprès du cabinet Cain Lamarre, indiquant que la Ville de Trois-Rivières dispose de tous les pouvoirs pour instaurer un registre des loyers. Le regroupement a même présenté la proposition d’un règlement qui pourrait être adopté en ce sens.

L’instauration d’un tel registre permettrait, selon les organismes, un meilleur contrôle sur la hausse des prix des loyers, car les mesures d’encadrement déjà mises en place seraient insuffisantes, et trop souvent méconnues des locataires pour faire valoir leurs droits. Reste toutefois à savoir si les élus municipaux souhaiteront eux aussi aller en ce sens.

Ailleurs sur le territoire, la pénurie de logements se fait également sentir. Dans la MRC de Maskinongé, des organismes dont la Corporation de développement communautaire de même que l’Office municipal d’habitation du Lac-Saint-Pierre se sont unis au député Simon Allaire afin de venir en aide aux familles qui chercheraient encore des logements pour le 1er juillet. Plus d’une vingtaine de ménages seraient dans cette situation, évalue-t-on. Dans tous les cas, on essaie de les mettre en contact avec les différents organismes qui pourraient leur venir en aide rapidement.

À Trois-Rivières, une entente existe entre la Ville et différents hôteliers afin de loger temporairement des locataires qui n’auraient rien trouvé au 1er juillet. «Mais c’est difficile à appliquer, car nous sommes dans la haute saison touristique et bien souvent, les hôtels sont pleins durant cette période», note Claude Durand d’Info-Logis Mauricie.

L’organisme n’a d’ailleurs pas été surpris d’apprendre l’histoire de Diane Longpré, lui qui accompagne de nombreuses familles actuellement dans leurs démarches. «Nous cherchons aussi pour une famille de quatre enfants qui possède deux animaux. Eux non plus n’ont rien trouvé. C’est la rue qui les guette», se désole M. Durand.

Info-Logis Mauricie implore donc les deux paliers de gouvernement d’agir le plus rapidement possible pour annoncer la construction de nouveaux logements sociaux dans la région. Quelques projets sont en chantier, mais déjà tous attribués, ne faisant certainement pas diminuer la liste d’attente pour autant.

Pour Diane, par contre, un tel projet ne changerait pas grand-chose. Elle n’est pas admissible à la location de type HLM, en raison de ses revenus. Visiblement bien entourée, des amis lui ont même proposé d’acheter une maison pour la lui louer à long terme. «C’est tellement généreux de leur part, mais en même temps le prix des maisons a lui aussi fait un bond astronomique. Nous avons fait les calculs et je n’aurais pas eu le budget pour payer la location qui couvrirait leur hypothèque», mentionne-t-elle.

Pour cet été, donc, elle se posera chez son ex-conjoint avec les quatre enfants, le temps de continuer ses recherches et de prendre soin de sa marmaille, qui vit difficilement ces changements importants.

Claude Durand, président d’Info-Logis Mauricie.

«C’est lourd, c’est dur sur la santé mentale de tout le monde. Mais en même temps, je suis pleine de gratitude, tellement chanceuse de pouvoir compter sur cette aide de mon ex-conjoint. Je sais que ce n’est pas tout le monde qui peut compter sur de l’aide comme ça», souligne-t-elle.