Le Domaine Forget, nouvelle corde à l’arc de Mathieu Lussier

Pédagogue chevronné, Mathieu Lussier est d’autant plus à même de comprendre les rouages d’une académie comme celle du Domaine Forget.

Le Domaine Forget annonçait il y a quelques jours avoir arrêté son choix sur le bassoniste Mathieu Lussier pour succéder au directeur artistique Paul Fortin, qui quitte l’institution charlevoisienne après 11 ans. Le Soleil a rejoint l’heureux élu pour discuter de sa relation avec le Domaine et de ses idées quant à l’avenir de ce joueur essentiel de l’écosystème classique québécois.


«J’ai été stagiaire au Domaine en 1995 et depuis j’ai été invité régulièrement à me produire à son festival comme bassoniste ou comme chef avec Pentaèdre, les Violons du Roy et Arion. J’y ai aussi enregistré des disques. C’est un endroit que je connais et que j’aime beaucoup», résume le musicien, qui est directeur artistique de l’ensemble montréalais Arion depuis 2019 après avoir été assistant de Bernard Labadie aux Violons du Roy de 2012 à 2018.

«C’est un organisme extraordinaire, qui fonctionne bien, qui a une histoire, un rayonnement, qui est une grande famille aussi. J’ai un immense respect pour ça», ajoute le nouvel administrateur, qui sera en charge autant du volet «festival» que du volet «académie» du Domaine Forget.

Pédagogue chevronné (il est professeur et vice-doyen à l’Université de Montréal), Mathieu Lussier est autant plus à même de comprendre les rouages d’une académie comme celle du Domaine Forget, qui rassemble chaque été des musiciens de partout sur la planète pour perfectionner leur art auprès de maîtres reconnus.

Même s’il sera officiellement en poste à partir du 22 août, le musicien prévoit plusieurs allers-retours à Saint-Irénée dès cet été afin de rencontrer les différents artistes, professeurs et stagiaires qui animeront le Domaine et de «s’imprégner de la culture du lieu».

À l’été 2023, sa présence sera toutefois requise à plein temps, ce qui ne pose aucun problème pour le Montréalais, qui avoue en riant qu’«il y a pire endroit pour passer trois mois l’été».

À l’écoute

Entre les deux, il faudra bien sûr mettre rapidement la main à la pâte pour préparer ce qui s’en vient. Mais pas question de tout chambouler d’emblée. «On ne parle pas de reconstruction, on ne parle pas de changement de cap. Je veux d’abord arriver avec beaucoup d’écoute par rapport à ce qui se fait déjà. Je ne me suis pas proposé comme un grand réformateur», avertit celui qui ne «veut pas arriver avec [s]es gros sabots», mais procéder «doucement et avec beaucoup d’humilité».

Mathieu Lussier profitera également de quelques collaborateurs expérimentés qui l’aideront à peaufiner la programmation très éclectique de ce lieu de diffusion faisant place autant à la musique classique et au jazz qu’à la danse, aux arts visuels et aux variétés.

Le musicien n’en désire pas moins laisser sa marque, notamment en lien avec ses propres champs d’expertise que sont la musique ancienne et la musique française. «Chaque jour, ma liste de projets — qui me réveillent parfois la nuit — s’agrandit!» confie celui qui ne dirait pas non à une collaboration avec le Centre de musique baroque de Versailles pour un éventuel stage.

S’il entend continuer à ce que la programmation du Domaine fasse de la place aux deux ensembles auxquels il est rattaché (l’orchestre baroque Arion et le quintette à vent Pentaèdre), le bassoniste estime néanmoins qu’il reste essentiel de garder les liens privilégiés tissés de longue haleine avec des habitués comme les Violons du Roy, l’Orchestre symphonique de Québec et l’Orchestre Métropolitain, expliquant vouloir que «les gens se reconnaissent» en venant à Saint-Irénée.

Comment Mathieu Lussier prévoit-il concilier la direction artistique du Domaine Forget avec ses autres activités? «Si je ne considérais pas que j’avais le temps de le faire, je n’aurais pas proposé ma candidature, car j’ai trop de respect pour l’institution», dit-il, tout en avouant qu’il devrait probablement mettre en veilleuse son activité de musicien d’orchestre pigiste.

«Ça va être des années occupées, mais je suis à ce moment-là de ma vie. Une grosse partie des projets plus individuels que je voulais faire sont derrière moi, alors j’ai envie de me mettre au service d’une institution», conclut-il.