Menaud: le savoir-faire charlevoisien, du grain jusqu’au goulot

Martin Brisson, maitre distillateur, et Charles Boissonneau, responsable du marketing, deux des quatre partenaires derrière Menaud. Derrière eux, les imposants alambics qui distillent l’alcool.

Rares sont les distillateurs qui peuvent se vanter d’utiliser uniquement des grains locaux dans la production de leur alcool. La distillerie brasserie Menaud, établie à Clermont dans la région de Charlevoix, peut le faire, puisqu’elle embouteille littéralement sa région dans chaque produit. 


«Nous, notre but, c’était de faire des produits avec la forêt boréale, mais d’en faire le plus possible par nous-mêmes pour être certain d’avoir un meilleur produit», explique d’emblée Martin Brisson, maitre distillateur et copropriétaire, en accueillant le journaliste du Mag.

Toutes les opérations de Menaud sont regroupées dans un seul bâtiment: salon de dégustation, espace de production pour distiller et brasser, espace pour embouteiller et encanner, laboratoire, entrepôt, etc.

Au départ, mettre sa région en bouteille «du grain au goulot» n’a pas été facile pour son équipe, tant du côté de la bière que des spiritueux, avoue-t-il. Toutefois, aujourd’hui ils peuvent dire mission accomplie, notamment grâce à des partenariats avec des producteurs locaux.

Une partie de l'équipement de brassage de bière, rempli à 100% de grains charlevoisiens.

«Nos alcools, par exemple la vodka, sont faits avec du blé et du seigle de L’Isle-aux-Coudres. Ce sont les Harvey, les petits-fils à Grand Louis que tu voyais labourer sa terre dans les films de Pierre Perreault, qui cultivent la même terre que leur grand-père», explique le sculpteur distillateur, visiblement fier des liens qui unissent son produit à l’histoire de la région.

Non seulement les grains, mais les aromates aussi viennent de la région, «à 95%», d’après le maitre distillateur. Par exemple, les camerises qui composent la liqueur du même nom sont cueillies dans les champs de la famille Bhérer de Saint-Irénée.

«On travaille aussi avec les herbes et les petits fruits indigènes et sauvages», ajoute M. Brisson.

On a des cueilleurs qui sillonnent les forêts de Charlevoix et ils nous rapportent tout ce dont on a besoin

Porté par sa passion pour les aromates locaux qu’il utilise, Martin Brisson nous fait visiter sa «caverne d’Ali Baba», où se trouvent toutes les herbes et épices récoltées ainsi que les différents pots de macérations qui y sont reliés. Salicorne, génépi, poivre d’aulne, résine de conifère, bourgeon de peuplier, les bacs empilés sont remplis autant d’ingrédients communs que de très peu connus.

Alcool neutre maison

L’aventure de Menaud a commencé il y a un peu plus de quatre ans, avec la concrétisation d’une idée un peu folle, qui circulait souvent lors de soirées arrosées entre chums: créer un spiritueux charlevoisien.

«Enrico [Bouchard] m’a appelé un matin pour me dire qu’il avait acheté un bâtiment pour son autre compagnie, mais qu’il était trop grand. On s’est tout de suite dit “envoye on le fait!”», raconte M. Brisson, qui est aussi un sculpteur bien connu dans son patelin. Deux autres partenaires-propriétaires, Charles Boissonneau et Grégoire Bluteau, se sont greffés dès le départ à l’aventure, qui ne cesse de croitre depuis.

La Persil est une bière de saison avec des notes citronnées qui proviennent du persil de mer cueilli sur les berges de L’Isle-aux-Coudres.

Pour réaliser leur rêve de faire une variété de produits entièrement locaux, les partenaires n’avaient d’autre choix que de se lancer dans la production d’alcool neutre, qui tourne autour de 95%.

Les imposants alambics aménagés à cet effet peuvent être aperçus à partir du salon de dégustation, qui est séparé de l’espace de production par d’immenses portes de garage vitrées. On peut voir clairement l’alcool qui circule à travers les tuyaux, un spectacle impressionnant pour tous les néophytes.

La distillerie possède ainsi un avantage indéniable par rapport aux autres producteurs québécois de spiritueux, car elle est la seule à utiliser cet alcool pur à base de 75% de blé et 25% de seigle.

«Certains, par exemple, vont utiliser de l’alcool de Greinfield, qui est bien correct et de bonne qualité. Mais en faisant ça, ils partent tous du même point, donc ils doivent travailler plus pour se distinguer et ne pas ressembler aux autres», explique le maitre distillateur.

Le gin et la vodka Menaud, deux spiritueux à découvrir. Une nouvelle variété de gin est également disponible depuis peu, le Maria.

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SALON DE DÉGUSTATION

Les produits Menaud se distinguent facilement avec leurs étiquettes épurées et chics et leurs bouteilles originales. Ainsi, certains pourraient être surpris de l’emplacement de la distillerie brasserie, qui se situe dans le parc industriel de Clermont.

Cependant, en arrivant sur les lieux, on comprend rapidement qu’on a affaire au mouton noir du quartier. Avec la terrasse aménagée sur un tapis de gazon artificiel à poil long et sa petite récolte de houblon adjacente, l’ensemble détonne dans le voisinage.

Il est mardi 13h, les portes viennent tout juste d’ouvrir et déjà quelques clients prennent place dans le salon de dégustation.

«L’été parfois ça peut être complètement fou, raconte Martin Brisson, on peut faire 300 clients en un seul après-midi.»

Le comptoir du salon de dégustation dispose d’une bonne sélection de bières en fût pour déguster sur place. Toute la sélection d’alcools forts et de liqueurs de Menaud est aussi disponible pour emporter.

Toute la famille est admise dans le salon de dégustation et sur la terrasse. Menaud ne sert pas de nourriture, mais les clients peuvent apporter leur repas. L’ambiance y est chaleureuse, voire familiale.

«On est ouvert seulement l’après-midi parce qu’on veut vraiment que ça soit une ambiance relaxe et ouverte dans laquelle tout le monde est bienvenu, pas comme dans un bar», explique M. Brisson.

Il est seulement possible de se faire servir de la bière dans le salon de dégustation. Toutefois, les clients peuvent acheter des spiritueux pour continuer à savourer les arômes charlevoisiens à la maison.

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NOUVEAUX PRODUITS À VENIR

Dans la caverne d’Ali Baba de Menaud, le journaliste du Mag a pu déguster en exclusivité deux nouveaux produits qui seront bientôt disponibles sur les tablettes de votre SAQ locale: un apérol de type campari ainsi qu’un fernet bien foncé. Deux produits avec une belle amertume qui seront disponibles dans les prochains mois.

La distillerie travaille également sur une absinthe charlevoisienne, qui devrait être disponible dans les prochains mois. À l’arrière des immenses alambics, on peut aussi apercevoir des fûts de chêne, ce qui annonce assurément la venue d’un alcool brun d’ici quelques années...

Du côté des bières, la période estivale apporte la bière légère Herbe, faite à partir des fleurs de la tanaisie vulgaire, d’agastache et de feuilles de framboisiers. Comme quoi les mauvaises herbes sont bonnes à boire!

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PRIX ET DISTINCTIONS

Les deux spiritueux phares de la distillerie Menaud, soit le gin et la vodka, ont été récompensés à plusieurs reprises lors de concours internationaux. En 2022, la vodka Menaud a été décorée avec l’argent au International Spirits Challenge ainsi qu’au San Francisco Wolrd Spirits Competition. Quant à lui, le gin s’est mérité l’argent en 2022 à l’occasion du International Wine Spirit Competition et en 2019 au SIP Awards.

Les étiquettes au design singulaire et très distingué ont également attiré l’attention au cours des dernières années. Menaud a notamment été déclaré gagnant au concours Idéa 2020 dans la catégorie emballage commercial ainsi que grand gagnant du Design 2020 de la réputée revue Communication Arts.

Pour la deuxième année de suite, l’équipe de Menaud est aussi finaliste aux Lauriers de la gastronomie dans la catégorie brasseur, vigneron ou producteur de boissons de l’année.