La dérive identitaire

Le recrutement de Bernard Drainville par la CAQ a eu l’effet d’un tremblement de terre selon certains.

POINT DE VUE / Le recrutement de Bernard Drainville par la CAQ a eu l’effet d’un tremblement de terre selon certains. On évoque dès lors la confirmation de la disparition prochaine du Parti québécois du paysage politique et la consécration du virage identitaire de la CAQ recrutant en grande pompe le fondateur du défunt projet de loi sur la «Charte des valeurs québécoises» du dernier gouvernement péquiste, une loi qui aurait été encore plus restrictive que l’actuelle loi 21 (sur la laïcité de l’État) si elle avait été adoptée à l’époque.


On peut se demander comment le nationalisme du temps de René Lévesque a-t-il pu évoluer ainsi? Voici que d’un nationalisme plutôt inclusif et émancipateur, le peuple québécois glisse lentement vers son opposé, un nationalisme fermé et réactionnaire.

La CAQ semble devenir progressivement le refuge de tous les nationalistes déçus cherchant un exutoire. À défaut de réussir la souveraineté politique, on se réfugie maintenant dans la lutte pour les «valeurs culturelles», pour la protection du français et pour un contrôle accru en immigration comme planche de salut d’un peuple qui hésita, deux fois plutôt qu’une, à faire le grand saut vers l’indépendance.

Bien que cela soit compréhensible dans le contexte d’un recul du français au Québec, cette nouvelle approche nationaliste n’est toutefois pas sans péril. Si l’histoire nous apprend quelque chose, c’est que les possibilités de dérive vers un nationalisme revanchard, xénophobe et chauvin aux graves conséquences sont bien réelles et ne relèvent pas de l’utopie — surtout dans un proche avenir dans lequel l’immigration sera de plus en plus présente afin de contrecarrer le vieillissement de la population et de combler le manque de personnel autant dans les services publics que l’entreprise privée.

Espérons que les Québécois seront assez sages pour choisir ultimement une autre façon que ce type de nationalisme afin d’exprimer leur sentiment national ainsi que leur inquiétude face à leur survie.