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Dernièrement, j’ai écrit une chronique sur le véganisme et, comme je m’y attendais un peu, elle a suscité de nombreuses réactions négatives. Le fait de recevoir des commentaires négatifs ne me dérange pas tellement. Après tout, il n’y a qu’à travers le choc des idées que la vérité peut éventuellement émerger. Ce qui me dérange, en revanche, ce sont les insultes et la mauvaise foi. En général, je ne prends même pas la peine de répondre à de tels commentaires, mais il y a tout de même une chose sur laquelle j’aimerais revenir.

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Cette petite mise en scène peut sembler insolite, mais elle illustre néanmoins très bien ce que nous faisons subir aux animaux non humains. Je l’emprunte d’ailleurs à la philosophe Valéry Giroux, spécialiste en éthique animale, qui souligne ainsi qu’une des raisons pour lesquelles nous nous permettons d’exploiter et de consommer les autres animaux, c’est que nous nous sentons supérieurs à eux. Et tout comme les extraterrestres de l’exemple ci-dessus, nous considérons que nos capacités supérieures sont une justification à ce que nous les réduisions au rang de «choses» ou de biens de consommation.

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Mais est-ce bien le cas? La question fait de plus en plus débat, notamment avec l’essor du mouvement animaliste, mais plus fondamentalement encore en raison de certaines découvertes en éthologie et en sciences cognitives. Depuis quelques années déjà, la loi québécoise a d’ailleurs évolué en ce sens, faisant passer l’être animal de «bien meuble» à un «être doué de sensibilité ayant des impératifs biologiques». N’empêche que dans les faits, les animaux non humains demeurent toujours assujettis à nos désirs et à notre bon vouloir.

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Pourtant, en regardant la littérature scientifique sur le sujet, on en vient à se demander ce qui peut bien justifier une telle domination. Est-il moralement acceptable de faire souffrir ainsi des êtres vivants afin de satisfaire notre plaisir gustatif? Existe-t-il un seul argument «carniste» qui résiste à l’examen rationnel? Voyons cela ensemble.

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Sur le plan éthique, d’abord, un consensus solidement établi indique que les animaux non humains possèdent eux aussi une conscience. Ce sont des êtres sentients, c’est-à-dire qu’ils ont la capacité d’éprouver des choses subjectivement, d’avoir des expériences vécues. Évidemment, ils ne peuvent pas parler ni écrire comme vous et moi, mais ils n’en sont pas moins capables de ressentir physiquement et moralement de la souffrance et des émotions. Ce faisant, bien qu’ils ne soient pas aussi «intelligents» que nous, les faire souffrir n’est pas plus moral que faire souffrir un enfant ou une personne ayant une déficience intellectuelle.

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Sur le plan environnemental, ce n’est guère mieux. L’impact environnemental de l’élevage, intensif ou extensif, est largement documenté et il est catastrophique. À lui seul, le secteur de l’élevage représente près de 20% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. C’est plus que l’ensemble des transports individuels. De ce fait, parmi les gestes simples et concrets que nous pouvons poser pour l’environnement, le meilleur n’est pas de s’acheter une voiture électrique ou d’utiliser les transports en commun, mais bien de réduire significativement ou de cesser sa consommation de produits d’origine animale. Et en plus, ce sera bon pour votre portefeuille!

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Sur le plan de la santé, pas grand-chose à dire, si ce n’est qu’il est tout à fait possible d’adopter une alimentation 100% végétale tout en répondant adéquatement à l’ensemble de nos besoins nutritionnels. Certaines études laissent même entendre qu’il y aurait des bénéfices à entièrement végétaliser son alimentation. Ce qui est certain, du moins, c’est que nous gagnerions tous à réduire considérablement notre consommation de viande, celle-ci étant associée à une augmentation du risque de développer certains cancers et des maladies coronariennes.

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Que retenir de tout ça? Si l’on en croit la science et les travaux en éthique animale, nous aurions de toute évidence avantage à végétaliser le plus possible notre alimentation. Pour notre propre bien-être et celui des autres animaux, cela représenterait un progrès à tous les niveaux. Personnellement, j’ai tendance à penser que les questions éthiques sont les plus importantes, mais au final, quelles que soient vos raisons, réduire ou cesser votre consommation de produits d’origine animale ne pourrait avoir que des effets bénéfiques.

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Dans le film Independance Day, de Rolland Emmerich, les êtres humains parviennent à surmonter leurs différends et à s’unir autour d’une cause commune en raison d’une invasion extraterrestre. Cette fiction devrait nous inciter à réfléchir à l’insignifiance de nos querelles, et surtout à relativiser grandement le concept d’altérité chez l’être humain. Et en y réfléchissant davantage, peut-être parviendrons-nous aussi à comprendre qu’entre nous et les autres animaux, le fossé n’est pas si immense et que les exploiter simplement pour notre plaisir gustatif est aujourd’hui une idée aussi absurde et immorale que l’a été l’esclavage chez nos ancêtres.

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On entend souvent dire que les véganes seraient des extrémistes. Non seulement leur choix de ne plus consommer de produits d’origine animale serait « radical », mais ils seraient aussi enclins à poser des gestes violents ou provocateurs. On citera pour exemple les militants animalistes qui font irruption dans les restaurants afin d’interpeller les clients, ou encore ceux qui s’introduisent par effraction dans les élevages pour prendre des photos et des vidéos et venir en aide aux animaux. On peut évidemment se questionner sur le bien-fondé et l’efficacité de ces tactiques. N’y a-t-il pas, cependant, quelque chose de profondément hypocrite et ironique dans le fait de dénoncer la « violence » des militants alors qu’on est soi-même en train de manger un animal mort?

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On me répondra certainement que mes propos sont la preuve que les véganes sont intransigeants, qu’ils se croient moralement supérieurs et qu’ils n’acceptent pas que certaines personnes puissent ne pas adhérer à leur mode de vie. C’est à la fois vrai et faux. C’est vrai, car pour les véganes, il est effectivement choquant de constater qu’on puisse continuer à soutenir une industrie qui repose sur l’exploitation et la souffrance des animaux. Avec tout ce que nous savons sur l’impact environnemental de la viande, le choix d’en consommer devient pour le moins « discutable ». Mais c’est aussi faux. Ce n’est pas parce les véganes critiquent fortement les carnistes qu’ils ne peuvent pas les tolérer. Comme je disais plus haut, ce n’est qu’à travers le choc des idées que la vérité peut éventuellement émerger. Il est tout à fait normal que les uns et les autres se remettent en question.

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Le problème n’est pas de débattre et de se critiquer les uns les autres. Le problème, c’est la mauvaise foi. Permettez-moi de recourir à un autre exemple. Dernièrement, un organisme pour la défense des animaux a intenté une poursuite civile contre le Festival western de Saint-Tite pour maltraitance animale. L’objectif est d’interdire la tenue de certaines activités qui compromettent le bien-être et la sécurité des animaux. On peut être d’accord ou pas avec cette revendication. Encore faut-il avoir des arguments. Parmi les réactions négatives suscitées par cette requête, la plupart se contentent de traiter les militants animalistes de « sensibles » ou de les accuser de verser dans l’anthropomorphisme.

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Se préoccuper du bien-être des animaux n’est pas de la sensiblerie. La poursuite repose d’ailleurs sur des motifs sérieux. Les gens semblent l’ignorer ou l’oublier, mais en 2015, le Québec a adopté la Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal (communément appelée Loi BÊSA). C’est en vertu de cette loi que les animalistes souhaitent mettre fin à certaines activités qui compromettent l’intégrité physique et morale des animaux. Quant à l’accusation d’anthropomorphisme, permettez-moi de dire qu’elle repose sur une totale méconnaissance des plus récents travaux en éthologie et en sciences cognitives. Il ne fait maintenant aucun doute que les êtres humains ne sont pas les seuls animaux à ressentir des émotions et à posséder une conscience.

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Considérant tout cela, peut-on vraiment dire que les véganes sont des extrémistes? Je suppose que la réponse à cette question dépend de la valeur que l’on veut bien accorder au bien-être et à la vie des animaux non humains. Depuis des siècles, les êtres humains se sont attribué une place spéciale dans la nature sur la base de leur prétendue supériorité. Cette vision du monde a cependant été mise à mal par de nombreuses découvertes scientifiques. Qu’à cela ne tienne, ce n’est probablement pas demain la veille que les êtres humains accepteront de renoncer à leurs privilèges.

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On comprend alors assez bien pourquoi les véganes dérangent autant. En remettant ainsi en question la suprématie de l’être humain sur la nature et les autres animaux, ils nous placent dans une position inconfortable. Ils nous obligent à revoir notre rapport à « l’Autre », cet Autre qui n’est finalement pas si différent de nous. Les véganes sont donc bel et bien des extrémistes, en ce sens où ils rêvent d’un monde radicalement différent de celui dans lequel nous vivons actuellement. Un monde où régnera une compassion extrême et sans compromis à l’égard de tous les êtres vivants, humains ou non.

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Et si nous faisions de ce rêve une réalité?

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