Ottawa est agacé par l’utilisation de la disposition de dérogation de façon préventive dans cette loi — comme le gouvernement Legault l’a également fait dans la législation réformant la Charte de la langue française, adoptée cette semaine.
Cette confirmation venue du ministre fédéral de la Justice, David Lametti, a beau mettre François Legault en colère, on estime néanmoins au gouvernement québécois qu’elle peut servir la CAQ électoralement.
Quoi de mieux, en effet, d’un certain point de vue, qu’un adversaire comme Justin Trudeau pour rassembler les «nationalistes» à la veille d’une campagne électorale?
François Legault soutient qu’en obtenant un mandat fort aux élections du 3 octobre prochain, il convaincra le fédéral de s’abstenir de contester la loi proscrivant le port de symboles de foi chez les représentants de l’État. Rien n’est moins sûr, mais bon.
M. Legault a fait valoir le même argument à propos du rapatriement des pouvoirs en immigration : un appui électoral fort forcerait en quelque sorte la main à Ottawa.
Les points sur les i mis par le gouvernement Trudeau font cependant aussi l’affaire du Parti québécois. C’est une bouée à laquelle il espère pouvoir s’accrocher avec le temps.
Le péquiste Joël Arseneau a pris plaisir, jeudi, à souligner que «le gouvernement fédéral a confirmé qu’il n’hésiterait pas à s’impliquer dans la contestation judiciaire non seulement de la loi 21, mais également de la loi 96 sur la langue française». Sarcastique, le député a ajouté, citons-le encore, que «l’alternative à l’indépendance que propose le premier ministre Legault, c’est la fierté... : la fierté de ne pas avoir obtenu des transferts en santé, la fierté de ne pas avoir de rapport d’impôt unique, la fierté de se faire imposer une politique d’immigration par le fédéral, la fierté de ne pas pouvoir imposer la loi 101 aux entreprises à charte fédérale. Bref, la fierté de se faire dire non chaque fois qu’on exige le respect des particularités du Québec»…
La réplique du premier ministre s’est appuyée sur le mot fierté. Citons-le, lui aussi : «Je suis fier, depuis quatre ans, d’avoir signé une entente sur le logement social avec Ottawa de 1,8 milliard, d’avoir signé une entente sur les services de garde de 6 milliards sans aucune condition, d’avoir signé une entente de 4,2 milliards avec Ottawa sur la formation de la main-d’œuvre, de 1,2 milliard sur les infrastructures, de 693 millions pour notre industrie aéronautique, de 460 millions pour installer Internet haute vitesse partout, de 374 millions pour nous aider avec les demandeurs d’asile, [d’avoir obtenu] les compensations pour la gestion de l’offre, de l’entente sur la lutte contre l’itinérance de 172 millions, etc.»
N’empêche. Malgré la force de la CAQ dans les intentions de vote, l’accumulation de refus dans des domaines majeurs et symboliques — que M. Legault déplore lui-même avec des accents dramatiques — conduira un jour ou l’autre si rien ne change, d’ici quelques années, à un moment de vérité.
Un moment de vérité, soit dans les rapports entre le Québec et le reste du Canada, soit pour la Coalition avenir Québec elle-même, qui réunit non seulement des gens plus à droite, d’autres plus à gauche, mais des indépendantistes et des fédéralistes.
De deux choses l’une…
La fierté d’être Québécois. C’est sous ce thème sans surprise que se déroule ce week-end un congrès de la Coalition avenir Québec, le tout dernier avant le scrutin du 3 octobre. On veut y célébrer le Québec.
Alors, on a évacué tout sujet important de société, toutes les questions qui défraient l’actualité depuis des mois.
De deux choses l’une : soit les militants caquistes sont satisfaits de toutes les actions du gouvernement, soit ils n’ont pas voulu l’embêter ou l’embarrasser. Quoi qu’il en soit, le résultat est le même : ils lui signent un chèque en blanc.
À ce congrès, on ne débattra donc ni d’inflation, ni de la pénurie de main-d’œuvre, ni des problèmes de logement, ni du réchauffement climatique, ni du réseau de la santé et des services sociaux, ni de la place faite aux personnes âgées — pour ne prendre que ces sujets.
Les 23 résolutions soumises aux membres ne donneront pas lieu à des débats déchirants.
Le parti propose par exemple de soutenir la création d’une plateforme en ligne regroupant «tous les spectacles québécois». Elle permettrait aussi «d’obtenir des récompenses à la suite de l’achat de billets». On propose aussi d’instituer «un concours pour désigner la capitale touristique et culturelle québécoise de l’année» et «de créer, par catégorie professionnelle, un concours des meilleurs artisans du Québec».
Dans un autre type de résolutions, on retrouve une proposition visant à «créer un catalogue de grandes œuvres artistiques québécoises», ainsi qu’une autre, tout de même plus substantielle celle-là, invitant le gouvernement à «faire de l’enseignement du français une priorité», notamment en révisant les programmes au primaire et au secondaire. Mais aucun argumentaire n’est avancé en soutien à cette idée.
La plus «politique» des résolutions est la suivante : que le gouvernement du Québec réitère «sa demande au fédéral de transférer l’ensemble des pouvoirs en immigration le plus rapidement possible au gouvernement du Québec».
Elle tombe bien, celle-là. Tellement que c’est probablement en partie sur cette question que portera le discours que prononcera le premier ministre François Legault à la clôture du congrès, dimanche.