Alyson Boudreau est l’une des instigatrices du nouveau code vestimentaire de l’école secondaire du Mont-Sainte-Anne. Un jour de septembre 2020, l’élève alors en quatrième secondaire et ses amies se sont fait avertir par un surveillant parce qu’elles portaient un «chandail bedaine», communément appelé «crop top». «Ça nous a vraiment offusquées, on ne comprenait pas pourquoi on n’avait pas le droit d’être habillées comme ça. On est donc allées voir le directeur. On était vraiment crinquées!» raconte Alyson Boudreau.
Luc Paquet se souvient de la visite d’Alyson et de son amie. Dans tous leurs états après avoir reçu un avertissement, les deux adolescentes questionnaient le code vestimentaire de l’école, «le code classique qu’on retrouve dans toutes les écoles secondaires», mentionne M. Paquet. Les règles interdisaient notamment les chandails bedaine, les camisoles à bretelles spaghetti et les shorts ou les jupes qui découvrent les cuisses.
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«Leurs propos étaient vraiment intéressants, elles remettaient en cause le système. La discussion que j’avais eue avec elles m’avait questionné», confie Luc Paquet, qui ne se sentait pas à l’aise pour autant, «comme homme», de juger ce que les filles devaient ou non porter. Il leur a donc proposé de s’organiser pour revoir les règles vestimentaires.
«Il nous a dit : “ok les filles, je comprends, mais au lieu de juste chialer dans le vide, on va partir un comité pour changer le code”», confirme Alyson Boudreau.
Luc Paquet a mandaté deux membres du personnel, une jeune technicienne en loisirs de l’école «un peu féministe» et une éducatrice spécialisée «assez branchée», pour prendre en charge le comité formé d’une quinzaine de jeunes, raconte le directeur.
«On a commencé par mettre toutes nos pensées sur la table, ce qu’on n’aimait pas et tout, puis on s’est mises ensuite à se rencontrer plus sérieusement pour changer le code», relate Alyson Boudreau.
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Luc Paquet précise que les membres du comité ont fait venir une sexologue pour parfaire leurs connaissances et préparer l’argumentaire qui allait être présenté aux différentes instances décisionnelles.
«Elles ont vraiment fait une démarche, se sont informées. Ça prenait quelque chose de non genré, elles ont avancé là-dedans et ont fait une proposition au conseil d’établissement […]. Les filles ont reçu des commentaires, puis elles ont présenté leur proposition au personnel de l’école. Et là, la bretelle spaghetti, par exemple, ça ne passait pas», raconte le directeur de l’école secondaire du Mont-Sainte-Anne.
Les élèves et le personnel de l’école ont dû négocier et arriver à un consensus.
Ça n’a pas été : ce que vous voulez, vous l’avez. […] On est arrivé avec un nouveau code vestimentaire, que les filles ou certaines filles auraient peut-être voulu pousser plus loin, et que certains membres du personnel n’auraient peut-être pas poussé aussi loin, mais qui amenait quelque chose d’intéressant.
Bien qu’elle ne soit pas «satisfaite à 100%» du nouveau code vestimentaire — elle et ses amies auraient aimé avoir droit aux bretelles spaghetti —, Alyson Boudreau se sent néanmoins très fière du travail qu’elle a accompli avec le comité.
Et que dit le nouveau code, entre autres? Que le chandail bedaine est désormais autorisé, pour autant qu’il soit porté avec un pantalon taille haute et que la surface de la peau découverte n’excède pas quatre centimètres. Que les shorts et les jupes courtes sont aussi permis s’ils couvrent l’arche des fesses et que la longueur se situe près de la mi-cuisse, à défaut de quoi le port du legging est demandé. Que les vêtements transparents sont proscrits, à moins qu’ils soient portés avec un vêtement opaque en dessous. Et que les boxers et petites culottes doivent être recouverts.
Le nouveau code, qui ne parle que de vêtements, est non genré, et le respect entre le personnel et les élèves doit être mutuel lors de toute intervention, dit encore le règlement.
On a parlé beaucoup, les parents étaient très ouverts, c’était plus au niveau du corps enseignant qu’il a fallu faire des compromis. Mais on était d’accord avec ça.
«Eux ils faisaient des compromis pour accepter certains aspects que nous on voulait, c’était normal que nous aussi on en fasse pour qu’ils se sentent à l’aise avec le nouveau code», expose avec sagesse l’adolescente.
L’initiative a été présentée à la dernière édition de Forces Avenir et le comité «ultra engagé pour un nouveau code vestimentaire inclusif et actuel» a remporté une médaille d’argent dans la catégorie «projet engagé». «On est super contentes!» se réjouit Alyson Boudreau.
D’autant que le nouveau code vestimentaire est accepté et respecté par les élèves, souligne l’adolescente. «Aujourd’hui [mercredi], on a eu une activité à l’école qui s’appelait boost de fin d’année. C’est une activité récompense qu’on a obtenue parce que le comité du code vestimentaire a réussi à distribuer 1000 petits billets [de conformité] à des élèves qui respectaient le code», explique fièrement Alyson Boudreau.
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Luc Paquet partage la fierté de l’adolescente. «Ça s’est fait de façon très positive. Il y a une certaine norme qu’on devait appliquer là-dedans, une ligne qui n’était pas facile à tracer, un équilibre pas évident à trouver. Mais il y avait une fierté à la fin, même s’il y a eu des frustrations pendant les discussions», partage le directeur de l’école secondaire du Mont-Sainte-Anne, pour qui «c’est ça, faire avancer un projet».
«L’important, ce n’est pas de pouvoir faire tout ce qu’on veut, mais de pouvoir faire avancer son projet. C’est un peu ça que j’essayais d’expliquer aux filles», résume M. Paquet.
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