Le contrôle des prix du carburant a déjà été tenté aux États-Unis, dans les années 1970, période où, à la faveur de l’embargo du pétrole de 1973, le prix du baril avait quadruplé. Durant cette décennie, Washington, voulant garder l’inflation sous contrôle, a mis en place une série de mesures, dont celui de plafonner le prix des produits pétroliers. Le souvenir qui reste de cette décennie en est un de pénuries régulières, de stations d’essence fermées ou tombées en faillite.
Au début des années 1980, Washington a aboli cette politique de contrôle et, après un léger soubresaut, les prix de carburant se sont rapidement stabilisés.
L’imposition au Québec d’un prix maximum du carburant est prévue à l’article 68 de la Loi sur les produits pétroliers. Le site Internet de la Régie de l’énergie indique que cette mesure n’a été utilisée qu’une fois, à l’été 1987, dans certaines régions du Québec.
Depuis, le marché du pétrole a beaucoup évolué : il s’est mondialisé. Le prix est déterminé par des indices de référence et des négociateurs (traders), qui transigent entre les producteurs et les raffineries avec des considérations strictement économiques et financières.
Instaurer un plafond sur les prix du carburant stimulerait la demande et risquerait de frapper un mur du côté de l’offre. Ne pouvant plus couvrir leurs frais, les raffineries, si elles n’étaient pas compensées, limiteraient la mise en marché des produits pétroliers dans le marché québécois, provoquant ainsi possiblement des queues dans nos stations-services.
Pourtant, le marché actuel du carburant au Québec ne contient pas d’anomalies ou de gonflements indus de la marge bénéficiaire des grossistes et des détaillants. Un avis récent de la Régie de l’énergie confirme que le marché fonctionne normalement, dans un contexte de saine concurrence. (1)
Un déficit dans l’offre
La hausse actuelle des prix du carburant est principalement due à un déficit du côté de l’offre de pétrole. L’économie roule à plein régime et la demande mondiale reste forte. Or, les pays riches souhaitent se départir du pétrole russe, ce qui retire l’accès à des millions de barils dans un marché déjà serré.
L’Arabie saoudite et d’autres pays producteurs, à dessein pour maintenir les prix élevés ou en raison de contraintes logistiques, n’atteignent pas encore la hausse prévue de leurs quotas de production.
Quant aux entreprises pétrolières privées, les BP, Chevron ExxonMobil, Shell et Total, échaudées par la pandémie (des pertes de 76 milliards en 2020), elles restent prudentes. Elles se contentent présentement de renvoyer à leurs actionnaires leurs profits exorbitants au lieu de dépenser afin d’augmenter la production.
Enfin, la pandémie a aussi fortement touché les raffineries à l’échelle mondiale. Plusieurs ont dû fermer définitivement leurs portes, limitant la disponibilité des produits pétroliers, et augmentant d’autant la marge de celles en exploitation.
La crise énergétique des années 1970 a entraîné de grands changements : des limites de vitesse plus contraignantes, des standards plus élevés dans la consommation des véhicules et des mesures innovantes en efficacité énergétique, réduisant d’autant la croissance de la demande en pétrole.
La crise énergétique que nous traversons entraînera aussi des conséquences durables. Elle incitera les gens à consommer moins et mieux, à passer au transport en commun, aux véhicules électriques et à adopter de nouvelles technologies et habitudes sobres, dont plusieurs resteront pérennes, ce qui nécessitera moins de carburant devenu si dispendieux.
La situation actuelle est certes difficile, mais la riche histoire de l’énergie enseigne que de bonnes choses en résulteront.
1- Régie de l’énergie, Avis au ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles en vertu des articles 42 et 57 de la Loi sur la Régie de l’énergie sur le niveau des prix de vente au détail de l’essence au Québec, 7 avril 2022.