Justin Trudeau s'est dit prêt à imiter les États-Unis avec le pétrole des sables bitumineux et le gaz de fracturation qui proviennent tous les deux de l'Ouest canadien et dont l'exploitation est redevenue lucrative dans ce contexte de guerre.
Si le Québec a échappé à Énergie Saguenay, des projets de terminaux d'exportation de GNL sont par contre en voie de réalisation sur la côte de la Colombie-Britannique.
Le Québec, participant de gré ou de force
Un autre complexe d'exportation de gaz albertain liquéfié pourrait voir le jour cette fois sur la côte Est, en Nouvelle-Écosse. Prévu initialement à Goldboro, ce projet avait été délaissé en raison de son coût élevé (13 milliards $) et des problèmes de financement, mais la montée du prix de l'énergie encourage le promoteur, Pieridea Energy, à le relancer sous la forme d'une installation flottante. Une option moins coûteuse et, en principe, moins génératrice de GES.
Le gouvernement fédéral et celui de la Nouvelle-Écosse pourraient alors être tentés de lui donner le feu vert. Toutefois, cette nouvelle exploitation appelée à durer de 20 à 30 ans irait à l'encontre de l'objectif de décarbonisation du secteur de l'énergie que le Canada s'est fixé.
Qui plus est, les conduites d'hydrocarbures étant de compétence exclusivement fédérale, le Québec devrait accepter la présence sur son territoire d'un nouveau gazoduc d'approvisionnement vers la Nouvelle-Écosse ou l'agrandissement de l'actuel gazoduc Trans Québec-Maritimes (TC Energy) qui traverse le sud du Québec, en Estrie.
Un scénario semblable était prévu dans le cas du défunt projet Énergie Est, qui devait acheminer du pétrole albertain jusqu'au Nouveau-Brunswick.
Ces exportations accrues d'hydrocarbures nord-américains, destinées à l'Allemagne principalement, sont loin de représenter un gain pour l'environnement. Dans le cas précis du gaz naturel, nos grands médias tendent à occulter cette autre conséquence néfaste de la guerre en Ukraine, par crainte semble-t-il de passer pour des sympathisants de Poutine.
Nos amis européens, les Français en particulier, hésitent moins à aborder le sujet.
Il faut dire que la désinformation que l'appareil gouvernemental lui-même entretient chez nous sur la nature du gaz naturel n'aide en rien.
Quand le mauvais exemple vient d'en haut
Sur le site internet du ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles du Québec, on peut lire : «Le gaz naturel d’origine fossile provient de la lente décomposition de résidus organiques trappés sous terre et est extrait par forage. En raison de son caractère moins polluant que les produits pétroliers, comme l’essence ou le mazout, et de son efficacité énergétique, le gaz naturel est une énergie de transition profitable pour le Québec qui contribue à la diminution des émissions de gaz à effet de serre».
Les experts les plus crédibles ont pourtant établi que le gaz naturel non conventionnel, obtenu par la fracturation, bien qu'il émette moins de polluants dans l'atmosphère que les autres hydrocarbures lors de sa combustion, génère sur la durée totale de son cycle de vie une quantité égale sinon supérieure de GES, responsables des bouleversements climatiques. On ne peut pas le qualifier d'énergie de transition.
La description du ministère semble dater d'une époque où le Canada possédait encore de nombreux gisements de gaz naturel conventionnel. La composition de ce dernier ne diffère pas du gaz de fracturation, soit du méthane à 95%, un puissant agent de réchauffement, mais comme sa méthode d’extraction est relativement simple, ses impacts sur l’environnement sont moindres. Or, il s'agit d'une époque révolue.
Le gaz naturel présent en quantité suffisante dans notre sous-sol pour une production industrielle est du type NON conventionnel. Il génère davantage de fuites de méthane difficilement contrôlables tout au long de son processus d'exploitation, fragilise les sous-sols et risque de contaminer autant les eaux de surface que les nappes phréatiques.
Il est choquant de constater que notre gouvernement provincial continue de présenter le gaz de schiste comme une énergie propre, donnant ainsi des munitions à ses promoteurs. Ainsi, la Régie de l'énergie se penche présentement sur un projet d'entente controversé entre Hydro-Québec et Énergir, qui prévoit un versement compensatoire de plusieurs centaines de millions à cette dernière pour la conversion de bâtiments alimentés au gaz vers l'électricité, tout en continuant de recourir au gaz pour les périodes de pointes hivernales. Cette entente aurait un impact tarifaire important pour la clientèle de la société d'État.
Afin de redorer son image, l'industrie canadienne des hydrocarbures canadienne mise sur des procédés de captage du carbone à l'efficacité incertaine et dont une bonne partie des coûts serait assumée par les contribuables par l'entremise de subventions.
L'écoblanchiment fédéral
Après avoir beaucoup insisté sur les bénéfices économiques du GNL — notre pays étant le quatrième plus important exportateur de gaz au monde — le site Internet de Ressources naturelles Canada vante ses prétendues vertus écologiques. «Le GNL est non-corrosif, non toxique, et, surtout, il s’agit du combustible fossile le plus propre au monde; il est en outre plus abordable que la plupart des énergies renouvelables! En cette période de discussions sur les changements climatiques et les énergies propres, le GNL apparaît comme un élément de réponse.»
La propreté ne fait référence qu'au stade de la combustion et passe sous silence les impacts de la méthode d'extraction. La tirade promotionnelle reprend plus loin : «Le GNL canadien continue à offrir de prometteuses perspectives, non seulement pour les investisseurs, mais également pour le public canadien en général. Le Canada poursuit ses efforts pour concrétiser son rêve d’exportation de gaz naturel liquéfié vers les marchés internationaux.»
Justin Trudeau s'est doté récemment d'un ministre de l'environnement qui sait mieux que quiconque que la solution au réchauffement climatique réside dans une accélération du passage aux énergies renouvelables de pair avec une réduction de la consommation.
Là encore, le site du ministère n'a manifestement pas été mis à jour depuis belle lurette. Faut-il en conclure que Steven Guilbeault n'a pas encore pris connaissance de l'information véhiculée sur le site institutionnel de son confrère et prédécesseur à ce poste, Jonathan Wilkinson?
Marc Durand est aussi membre du Regroupement Des Universitaires