La Barberie fait aimer la bière depuis 25 ans

La Barberie figure au carnet d’adresses des amateurs de bière du quartier Saint-Roch et de Québec depuis maintenant 25 ans. Première coopérative brassicole dans la province, l’enseigne locale revêt fièrement le col d’un développement économique à échelle humaine, qu’elle tient à partager encore longtemps à travers ses boissons houblonnées, puisque «t’sais, tout le monde aime la bière!»


La microbrasserie n’est pas la première à s’être installée au Québec. Au tournant des années 90, quelques avant-gardistes essayaient déjà de faire éclore l’appétit pour les bières artisanales sur le territoire. Les grands brasseurs ayant la main mise sur ce marché, les recettes au goût plus prononcé étaient encore marginales sur les papilles des consommateurs.

En 1997, c’est au tour de Bruno Blais, Mario Alain et Todd Picard de se lancer dans l’aventure, en plein cœur de Saint-Roch. À trois, ils forment la première microbrasserie coopérative de la province. Un modèle d’affaires qui, aujourd’hui, fait la force de La Barberie.  

Au fil du temps, et malgré plusieurs embûches, la coop s’est incrustée dans le décor d’un Saint-Roch «un peu mal-aimé dans la basse-ville», se remémore Bastien Têtu, brasseur depuis 24 ans à La Barberie.

«On a tendance à l’oublier, mais c’est un peu ce qu’on voulait au début : revitaliser le quartier. Ce qui est drôle, c’est que c’est maintenant devenu le coin microbrasserie de Québec.»

À nous, pour tous

Ce modèle social a permis à La Barberie de se distinguer à une époque où les microbrasseries étaient encore considérées comme des «ovnis» pour plusieurs. Les investissements étaient rares, et les technologies nécessaires pour développer les produits que nous connaissons aujourd’hui étaient également loin d’être à leur portée.

Bastien Têtu (brasseur), Valérie Lapointe (directrice des ventes et marketing), William Garant (directeur du salon de dégustation) et Paul-Mathieu Nicolaï (chef brasseur) dans l’espace cellier de la microbrasserie La Barberie

«Nous avions des moyens financiers très limités au départ. C’était une façon d’impliquer les gens dans le projet, car sans un salaire, ou avec un très bas, c’est rare que tu ailles t’impliquer dans un projet. Tandis que le côté coopératif nous a permis de recruter des gens motivés», explique Bastien.

«L’esprit coop n’a pas changé», assure William Garant, directeur du salon de dégustation et membre depuis 10 ans. Idem pour leur amour de la bière, ajoute Bastien.

Dans les années 2000, une vague brassicole s’apprêtait à déferler sur le Québec. Cet engouement allait permettre aux brasseurs de se multiplier et de mettre la main sur des instruments très prisés afin de faire valoir leur potentiel.

Et la coopérative n’a pas raté le bateau. En plus d’investissements leur permettant d’acquérir des technologies jusque-là réservées aux géants du monde brassicole, elle a désiré investir dans son capital humain.

«Au lieu de toujours essayer d’épargner de l’argent sur la main-d’œuvre, on a investi dans notre équipe et on a engagé pour avoir un retour sur le long terme. Et c’est ce qui s’est passé», confirme Bastien.

En tout, La Barberie compte 14 membres et jusqu’à une trentaine d’employés lors de la période estivale. «Les travailleurs restent souvent longtemps et s’impliquent au-delà de leur poste», rapporte William.

Selon des calculs faits à la va-vite lors de la rencontre avec Le Soleil, ils estiment que les membres restent en moyenne sept ans au sein de la coopérative.

Une institution

La nature des petites brasseries est «un des plus beaux modèles de développement local et de communauté qui ne peut pas avoir», soutient Bastien. Et dans ce sens, La Barberie laisse également depuis longtemps ses marques, puisqu’elle a été «une école pour beaucoup de gens qui ont ouvert d’autres brasseries. D’autant plus qu’avant, il n’y avait pas de formation [officielle] pour le brassage», précise William.

La Barberie fait partie des pionnières ayant fait jaillir l’enthousiasme québécois pour la bière artisanale.

Par le passé, il était fréquent que certains brasseurs empruntent leurs installations, notamment le Griendel, «qui avait commencé à brasser ici, se souvient William. Et la plupart des brasseurs ou des employés d’autres microbrasseries sont des anciens d’ici. Ils sont tous restés des amis, évidemment.»

Si le partage des infrastructures n’est plus aussi habituel, «c’est bon signe, car nous n’avons plus la place pour plus de production».

Depuis deux ans, la coopérative s’amuse avec un nouvel espace cellier. Ce programme de vieillissement en barrique, encore quelque peu méconnu, sera mis en lumière à travers quelques collaborations à l’occasion de leur 25e anniversaire.

«C’est très important de faire travailler nos voisins plutôt que de faire travailler ceux avec qui tu n’as pas de contact, souligne Bastien. La pandémie nous a aussi permis de concrétiser encore plus cet esprit de communauté local et s’il y a un seul côté positif à la chose, c’est peut-être ça.»

À chacun son verre de bière

Après un quart de siècle à penser, brasser et faire goûter ses malts, La Barberie fait partie des pionnières ayant fait jaillir l’enthousiasme québécois. Si le milieu reste petit et niché, admet William, le sentiment d’appartenance de chaque région à son identité brassicole s’affirme d’année en année.

Leur vocation a toujours été de démocratiser et «de faire prendre conscience aux gens que la bière est universelle, rassembleuse, décrivent William et Bastien. Et il y a une partie de la job qui est faite», se réjouissent-ils.

En ce début ensoleillé et chaud du mois de mai, les deux hommes sont assis sur la terrasse et ont chacun une Pilsner en main. Suffit d’un regard pour réaliser que la clientèle est à l’image de leur mission. «La clientèle est aussi très démocratique», rigolent-ils.

Adjacente au Palais de Justice et à quelques pas de la SAAQ dans Saint-Roch, la microbrasserie accueille avocats, fonctionnaires, travailleurs et résidents, avec leurs enfants et leurs animaux de compagnie.

«On veut s’incruster dans notre milieu, relance Bastien. Veux, veux pas, on fait partie du paysage du quartier depuis le temps que nous sommes là. Je ne pense pas que les gens peuvent s’imaginer Saint-Roch sans La Barberie.»