Un projet pour sortir de l’isolement les personnes aphasiques

L’orthophoniste Annie Légaré, du projet ACCES Défi, en compagnie de la directrice général d’Artère, Joëlle Duchesne, devant le premier restaurant ambassadeur du projet Accès, Chez Boulay- Comptoir boréal, dans le Vieux-Québec.

Commander son repas au restaurant est loin d’être une sinécure pour les personnes aphasiques. Atteintes d’un trouble du langage en raison d’une lésion cérébrale, elles doivent prendre leur mal en patience pour se faire comprendre. D’où l’idée de décerner des sceaux d’approbation Défi ACCES aux établissements qui font un effort pour les accommoder. Le premier restaurant à avoir répondu à l’appel est Chez Boulay - Comptoir boréal, dans le Vieux-Québec.  


Si les personnes affligées de handicaps physiques ont accès à des rampes leur donnant accès aux établissements, les personnes aphasiques ne disposent pas de «rampes communicationnelles» leur permettant d’être entendues, illustre en entrevue l’orthophoniste Annie Légaré, l’une des instigatrices du programme ACCES (Accessibilité Communicationelle des Commerces pour une Équité des Services) avec Laura Monetta, Saraj Bérubé-Lalancette et Monica Lavoie.

Par exemple, mentionne-t-elle, un restaurateur gagnerait à mettre son menu en évidence, près de la porte d’entrée, question d’aider les personnes aphasiques à faire leur choix au comptoir, dans une file d’attente, sans se sentir bousculées.

«Ce sont des mesures très faciles, très peu coûteuses à mettre en place, mais qui font une grosse différence», explique Annie Légaré. Mettre à la disposition du client aphasique un papier et un crayon, pour aider à se faire comprendre, est également une solution gagnante, ajoute-t-elle. Des formations aux employés sont également offertes dans le cadre de ce projet

Isolement

Quelque 6000 personnes sont frappées par l’aphasie au Québec chaque année, et pas seulement des gens âgés. Parmi elles, l’animatrice Josée Boudreault, touchée par ce handicap il y a six ans. Souvent consécutive à un accident vasculaire-cérébral (AVC), l’aphasie entraîne des troubles du langage, des hésitations dans le choix des mots ou encore une mauvaise prononciation. 

Nombre de personnes aphasiques préfèrent s’isoler plutôt que d’affronter un entourage peu sensibilisé à ce mal. La méconnaissance du public à l’égard de ce handicap nourrit plusieurs préjugés. «On croit qu’elles ne sont pas intelligentes ou qu’ils sont sourdes. On leur raccroche la ligne au nez en voulant commander une pizza parce qu’on pense qu’elles sont en boisson, mentionne Mme Légaré. Les gens atteints d’aphasie ont peur de se faire juger. Ils ne vont pas au restaurant, et s’ils y vont, ils mangent souvent le même plat parce que c’est la seule chose qu’ils sont capables de commander. »

Le sceau décerné au «commerce ambassadeur» Chez Boulay – Comptoir Boréal, du chef Arnaud Marchand, fera «boule de neige», espère-t-on. L’établissement a d’ailleurs lancé un défi à cinq autres restaurants de l’imiter. Défi Accès souhaite étendre son programme à d’autres types de commerces, comme les pharmacies et les institutions bancaires.

Défi ACCES a été conçu en collaboration avec Artère, un organisme dont la mission est de favoriser la réintégration dans la communauté des personnes ayant subi un AVC.