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Imaginez manger à peu près toujours aux deux mêmes – excellents – restaurants, l’OSQ et les Violons du Roy, pour ne pas les nommer. Un jour, vous décidez d’en essayer un autre servant une cuisine d’un pays lointain et inconnu. Et là, c’est l’orgasme gustatif : les saveurs vous font vriller les papilles et vous vous demandez pourquoi vous n’y êtes pas allés avant. Découvrir Correspondances, une formation en résidence au Théâtre de Caen en Normandie, c’est un peu comme découvrir la saveur umami après n’avoir connu que le sucré, le salé et compagnie.

Il y a le répertoire d’abord. À Québec, les Violons du Roy couvrent essentiellement le XVIII^e siècle et l’OSQ les XIX^e et XX^e siècles. Correspondances, lui, se consacre à la musique du long XVII^e siècle, donc de 1589 à 1715. Mais pour leur concert au Palais Montcalm, les sept musiciens et les neuf chanteurs placés sous la direction de Sébastien Daucé ont resserré encore plus le champ temporel en se limitant à l’époque de Louis XIII (1610-1643).

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Les compositeurs au programme, outre Louis Couperin, oncle de François dit «Le Grand», et Jacques Champion de Chambonnières, sont peu connus. Le plus présent est Antoine Boēsset, un des maîtres de l’air de cour, mais aussi deux champions du genre comme son beau-père Pierre Guédron et Étienne Moulinié.

Le programme de la soirée, qui peut avoir l’air disparate sur papier, s’enchaîne de manière organique. Jamais la lassitude ne s’installe, tellement changent les textures vocales et instrumentales (orchestre entier, voix avec théorbe et gambe, etc.).

Mais il n’y a pas que le répertoire qui est dépaysant. La sonorité l’est tout autant. Au contraire des Violons du Roy, qui jouent sur instruments modernes, Correspondances utilise des instruments d’époque. Placés en demi-cercle autour de l’orgue positif joué par le chef, la flûtiste à bec, les deux violonistes, les trois gambistes et le luthiste nous gratifient de sonorités d’un autre monde.

Et que dire des chanteurs (trois femmes et six hommes), tous des solistes accomplis dont on peut ouïr avec bonheur les talents individuels à plusieurs occasions durant le concert? La couleur des voix, utilisant surtout la voix de tête et limitant fortement le vibrato, enchante par sa clarté, sa justesse, son expressivité. On a presque l’impression d’entendre des instruments.

Les deux «dessus» (équivalent de «soprano») Caroline Weynants et Perrine Devillers, entre autres, se distinguent par leur musicalité et la pureté de leur émission. Les hommes ne sont pas en reste. L’Air de la Ridicule de Moulinié nous permet d’apprécier leur sonorité d’ensemble, lunaire.

Le chef Sébastien Daucé rassemble ses troupes avec force et conviction tout en touchant l’orgue la majorité du temps. Son corps se meut avec souplesse au gré des inflexions du texte musical. Il sculpte patiemment et amoureusement les phrasés, s’amusant à créer flux et reflux sonores.

La directrice du Club, Marie Fortin, rappelait en début de concert que l’organisme était en période d’abonnement. La programmation de la prochaine saison vaut assurément le coup avec les adieux du légendaire Quatuor Emerson (3 octobre), le pianiste Sergei Babayan (12 novembre), le spectacle Eden, mettant en vedette la mezzo-soprano Joyce DiDonato (30 janvier), l’ensemble baroque Jupiter (14 mars), le pianiste Alexandre Tharaud et le violoncelliste Jean-Guihen Queyras (28 mars) et un trio formé par le pianiste Philippe Cassard, le violoniste David Grimal et la violoncelliste Anne Gastinel (23 avril).

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