La grippe «officiellement» de retour

Après pratiquement deux ans d’absence à cause de la COVID et des mesures sanitaires, l’influenza vient de faire son retour. Les données de l’Institut de la santé publique (INSPQ) montrent en effet qu’elle a franchi au début du mois le seuil qu’il faut pour déclarer la saison de la grippe «officiellement» commencée.


Un réseau de cliniques et de laboratoires sentinelles analysent en continu des échantillons prélevés sur des patients qui ont des symptômes ressemblant à ceux de la grippe. Quand au moins 5 % de ces tests sont positifs, on considère que la saison de la grippe est débutée et, au Québec, cet niveau a (finalement) été dépassé pendant la semaine du 27 mars au 2 avril, quand le taux de positivité fut de 6,9 %. Les résultats les plus récents disponibles, pour la semaine du 3 au 9 avril, montraient que 11,5 % des tests détectaient alors le virus.

«Ça fait trois semaines qu’on voit ça doubler à chaque semaine, et c’est vrai que c’est officiellement commencé, dit Dr Guy Boivin, clinicien-chercheur en infectiologie au CHU de Québec. Je ne pense pas qu’on a atteint le pic encore, mais ça, c’est difficile à prévoir.»

Rappelons qu’en mars 2020, quand le premier confinement fut décrété, l’indicateur de suivi de l’influenza de l’INSPQ s’était complètement écroulé, signe que les mesures freinaient la propagation des virus — encore que la vague de grippe de 2020 était déjà en forte perte de vitesse à ce moment et que les ressources de surveillance ont alors été redirigées vers le dépistage de la COVID, si bien qu’il pouvait y avoir d’autres facteurs à l’œuvre.

À l’hiver suivant, cependant, l’influenza n’est tout simplement jamais revenue. Pendant toute la saison habituelle de la grippe, soit grosso modo de décembre jusqu’à mars, le réseau de l’INSPQ n’a presque jamais détecté ce virus-là. Et même si d’autres virus respiratoires — notamment le virus respiratoire syncytial, qui a envoyé beaucoup de jeunes enfants à l’hôpital en septembre, et les coronavirus saisonniers — ont recommencé à circuler l’automne dernier, l’influenza a continué de briller par son absence pendant tout l’hiver 2021-22, ne faisant qu’un tout petit «blip» de rien du tout pendant le temps des Fêtes, avec un taux de positivité de 0,7 % au Québec.

«J’avais prévu que l’influenza ferait son retour cet hiver, mais là j’en étais presque rendu à penser qu’on allait sauter une autre année, dit Dr Boivin. Parce qu’une épidémie de grippe qui commence en avril, je n’ai jamais vu ça. Des fois, on voit un petit pic d’influenza B [ndlr : une forme mineure d’influenza, la plus grave étant l’influenza A] en mars, mais rendu en avril, c’est vraiment très singulier.»

Il est difficile de dire pourquoi c’est précisément maintenant que la grippe a fini par «redécoller», dit Dr Boivin. Hormis le relâchement des mesures sanitaires, il semble que l’influenza et le SRAS-CoV-2 se nuisent l’un l’autre, comme son équipe l’a démontré dans une étude parue en février dans la revue médicale Viruses : dans les voies nasales qui ont été préalablement infectées par la grippe, la COVID a plus de mal à prendre pied et vice-versa. La fin de mars coïncidant avec la fin de la 5e vague de COVID, peut-être y a-t-il là une partie d’explication. «Mais on n’a pas encore toutes les réponses à ces questions-là», nuance Dr Boivin.

Mais chose certaine, dit-il, «les cas de coinfection [ndlr : avoir l’influenza et la COVID en même temps] demeurent possibles malgré tout, alors il va falloir surveiller ça de près parce que on a des indices qui suggèrent que la maladie peut être plus sévère avec les deux».