Ce mercredi, de passage aux Îles-de-la-Madeleine, le premier ministre François Legault tiendra une conférence de presse portant sur l’accessibilité à la formation universitaire lorsqu’on vit dans les régions éloignées des grands centres urbains.
Mardi, son gouvernement a annoncé un plan de réduction des prix des billets d’avion pour voler vers les différentes régions du Québec.
Cette annonce sur le transport aérien survient quelques semaines après la confirmation du transfert de 5000 fonctionnaires dans les régions hors des grands centres que sont Québec et Montréal.
Jeudi, la libérale Dominique Anglade dévoilera les détails de la «Charte des régions» que son parti proposera aux Québécois aux élections générales d’octobre.
Un rappel
Un rappel avant d’aller plus loin : en septembre 2018, quelque temps avant les élections générales, le premier ministre Philippe Couillard avait annoncé qu’un second gouvernement qu’il dirigerait «décentraliserait les processus décisionnels de certains ministères et organismes en transférant les équipes concernées dans les régions où se trouve une grande part de leurs activités».
M. Couillard n’avait pas pu dire combien de personnes seraient concernées par ces transferts. À ses yeux, c’était le principe sous-jacent qu’il fallait retenir, soit de «donner encore plus de pouvoir aux régions». Les modalités devaient venir plus tard. Mais puisque son gouvernement n’a pas été réélu...
En passant, c’est ce même gouvernement qui avait rayé de la carte deux structures régionales qui avaient démontré leur efficacité en termes de développement économique et qui étaient appréciées, soit les Conférences régionales des élus (CRÉ) et les Centres locaux de développement (CLD).
Un classique
Les opérations de grande séduction vers les régions éloignées des grands centres sont un classique du genre avant ou à chaque période électorale. On peut parler d’électoralisme sans se tromper.
On peut, mais on doit aussi faire la part des choses. Car tout est toujours un peu ou beaucoup électoraliste à quelques mois des élections.
Les opérations de séduction électorale visent d’ailleurs à peu près tous les groupes de la société à un moment ou l’autre, y compris et surtout, bien évidemment, ceux qui habitent les grands centres urbains.
Et ce n’est pas pour autant qu’un parti en récolte des fruits dans les urnes — même lorsqu’il en aurait bien besoin, comme c’est le cas pour le Parti libéral du Québec.
La Charte des régions
En mars 2020, désireuse de succéder à Philippe Couillard, Dominique Anglade avait présenté une première mouture de sa Charte des régions.
Avant que la pandémie ne s’abatte de tout son poids, elle avait eu le temps d’expliquer que sa vision se fondait sur «la décentralisation de la prise de décision, la co-construction d’instances de concertation et de diversification économique, l’adaptation des outils et des programmes aux réalités des régions, en plus de la gestion déconcentrée des responsabilités nationales».
Au-delà du charabia, ce qu’il faut retenir, c’est que Mme Anglade voulait déjà ouvrir la voie à un partenariat différent entre le gouvernement du Québec et les régions, un partenariat qui passerait par la prise en compte de leurs spécificités. C’est ce qu’elle devrait expliciter jeudi.
Ces jours-ci, elle résume le tout en disant «moins de paternalisme, plus de régionalisme».
Au-delà des transferts d’argent récurrents que prévoira la version définitive de cette Charte des régions, les difficultés ne viendront pas des principes, mais de leur mise en œuvre. C’est toujours compliqué. Mais pas impossible.
La vision sur laquelle s’appuie un tel projet est intéressante. Si elle était mise en place, elle serait susceptible d’être structurante, de modifier les choses. C’est un très bon point en sa faveur.
«Juste à temps pour vos vacances»
Parler seulement d’électoralisme en ce qui a trait au plan québécois en transport aérien régional présenté mardi par le ministre François Bonnardel serait faire fi des réels besoins qui existent en cette matière et des coûts exorbitants qui prévalent pour relier de très nombreuses municipalités et régions du Québec.
Le projet réduira à un maximum de 500 $ l’aller-retour en avion. Ce plafonnement artificiel coûtera à l’État québécois une part importante des 261 millions $ prévus par l’ensemble des mesures du plan quinquennal. Québec dédommagera les transporteurs aériens.
Pour l’instant, à moins que quelqu’un ait soudainement autre chose à présenter, c’est la moins mauvaise solution qui pouvait être avancée à court terme. Entendons-nous au moins là-dessus.
On sait bien que l’avion n’est pas le meilleur moyen de transport quand on veut réduire les GES. Il est le pire. C’est un vrai et grave problème. Par contre, les régions visées ne sont pas bien desservies — quand elles le sont! — pas d’autres moyens de transport, que ce soit par le train ou par l’autocar. C'est le moins qu'on puisse dire.
Un tel plan ne devrait pas avoir vocation à devenir pérenne, cela dit. On n’est pas ici dans quelque chose de structurant. Pas du tout.
Attention : selon leur situation, des acheteurs se rendront compte que ces allers-retours à 500 $ seront soumis à quelques petits caractères de bas de page, à des limitations. Il n'y en aura pas pour tout le monde.
Malgré tout, ce plan sera davantage porteur électoralement parlant que le projet de Charte des régions de Mme Anglade. Il est plus concret et ses effets seront plus immédiats. Surtout, il frappe l'imagination.
Il arrive «juste à temps pour vos vacances», a d’ailleurs noté le ministre Bonnardel.
Conclusion : ce n’est pas parce qu’un plan n’est pas proprement ou seulement électoraliste que son instigateur ne cherche pas à en tirer un bénéfice électoral.