Déliquescence démocratique

Une course haletante se profile entre les deux candidats au deuxième tour de la présidentielle française, Emmanuel Macron et Marine Le Pen.

POINT DE VUE / Une course haletante se profile entre les deux candidats au deuxième tour de la présidentielle française, Emmanuel Macron et Marine Le Pen – qui s’affrontent pour une seconde fois au deuxième tour – et le résultat pourrait bien tracer le chemin qu’empruntera le modèle de la démocratie libérale dans le monde lors des prochaines décennies.


Après un président Donald Trump qui a ébranlé les fondations des institutions démocratiques aux États-Unis par ses actions ainsi que son non-respect du jeu démocratique et qui a eu une résonance toxique dans les autres démocraties de la planète, une éventuelle victoire de Marine Le Pen fragiliserait encore plus un système politique déjà mis à mal par le désenchantement des électeurs se traduisant par un cynisme entourant la chose politique et une méfiance envers les politiciens. Nous avons pu d’ailleurs noter une diminution en Occident du taux de participation aux élections depuis les années 80.

Surtout, en toile de fond, il y a aussi toute la symbolique qu’amènerait une victoire de l’idéologie d’extrême droite de Marine Le Pen en France qui fut, rappelons-le, la deuxième démocratie libérale de l’histoire (1789) après que la toute première démocratie libérale, issue pareillement d’une révolution (1775), les États-Unis, ait aussi fleureté avec une telle dérive idéologique antidémocratique avec la présidence de Donald Trump. Il est difficile de faire pire comme image de déliquescence de la démocratie libérale lorsqu’une grande partie des populations des deux premières nations qui l’ont adoptée semblent vouloir lui tourner le dos.

Mais le plus inquiétant est que ces mouvements néofascistes en sols américain et français cherchent à saper les traditions démocratiques et de liberté qui se sont développées depuis le siècle des Lumières (1715 à 1789), particulièrement en France, en faisant fi du fait que c’est à partir de ce moment charnière que la civilisation occidentale a rejeté l’autoritarisme politique hérité de l’ancien régime médiéval tout en mettant en valeur la connaissance. En effet, cet ancien régime se caractérisait par une société fermée aux idées du progrès et par une gouvernance absolutiste (incarnée par le Roi) très autoritaire et dénuée de respect envers les libertés fondamentales ainsi que les droits politiques que nous considérons comme acquis de nos jours et que certains partis politiques aimeraient bien édulcorer.

Et, ironie de l’histoire, profitant des largesses de la démocratie libérale qu’ils méprisent pourtant, voici que ces mouvements politiques d’extrême droite aspirent à rétablir un régime autocratique, considéré comme idyllique, en canalisant un vote de protestation autour de leur cause dans l’espoir de faire élire leurs chefs aux penchants autoritaires au sommet de l’État, tels de nouveaux monarques, qui rêvent depuis toujours de se débarrasser de l’héritage du libéralisme politique afin d’imposer leurs programmes politiques réactionnaires.